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 « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]

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Hannibal Winter
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Hannibal Winter

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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Jeu 9 Jan - 17:02

La fièvre, la fièvre... Elle avait bon dos, celle-là ; celui de Sean, à l'évidence, devait être beaucoup moins solide. Trop fragile, peut-être, pour supporter des accusations à peine voilées derrière des sourires emplis d'une hypocrisie sans fin – Hannibal ne s'était à vrai dire jamais posé la question. Lorsque l'on s'est habitué à être d'un côté ou de l'autre du rideau, nul besoin de s'imaginer trop précisément ce que l'on ferait une fois poussé en coulisse ou près de la scène : lui-même peinait à se souvenir de la façon dont il s'était imaginé que les choses se passeraient. « J'en mourrai », ou « je n'ai que faire de ce que les autres penseraient de moi » ; tant de belles paroles pour de toutes aussi belles illusions, il le craignait. Sean pouvait mettre ce qu'il voulait sur le dos de la fièvre, de la chaleur ou de délires quelconques, rien n'empêcherait jamais les autres de penser ce que bon leur semblerait. Il le savait certainement. Lorsqu'un époux se rompait le cou dans les escaliers, n'y avait-il pas toujours ne serait-ce qu'une personne au monde pour ricaner en voyant sa veuve passer ?
Le doute zéro n'existait pas, et Hannibal n'avait ni l'air ni l'allure de la personne la plus fiable qui soit – quoi qu'il lui arrivait, comme tout un chacun, de s'en vanter lorsqu'il s'agissait d'obtenir des confidences. Sean n'était pas en position de marchander quoi que ce fut. Son cousin, sourcils froncés et bouche mal cousue, pouvait changer d'avis à tout moment. Si encore la réflexion et l'intelligence avaient été son point fort, il n'y aurait pas eu de quoi s'en faire : le souvenir du pourquoi de son silence lui serait revenu chaque fois qu'il aurait été tenté de parler, et l'affaire aurait été réglée. Seulement le jeune homme était loin d'être une lumière. L'envie de faire subir à son cousin ne serait-ce qu'un quart de ce que lui-même avait subi risquait de le hanter encore longtemps – et ce promesse ou pas.

Alors bien sûr que si, il lui devait quelque chose. Ne rien dire à sa mère sur un sujet si épineux, peu en importe les raisons, c'était un service qui ne s'oubliait pas : le jeune homme était curieusement doué pour tenir ces comptes-là.

« Emile. Tu connais mon ami Emile ? Le blond, avec... Des yeux, enfin je ne sais pas, foncés, je ne sais pas si tu le connais. »

Emile ? Surpris par ce développement inattendu, Hannibal posa un regard confus sur le visage baissé de son cousin. Il ne s'attendait pas à grand chose en particulier, certes – même pas à un début d'explication ; les Winter savaient être étonnamment butés – mais il n'en fut pas moins étonné qu'une tierce personne arrive dans l'équation. Emile, hm... Son premier tour d'horizon, rapide et clairement bâclé, ne lui apprit strictement rien. S'il faisait partie du cercle d'amis de Sean, il y avait fort à parier pour qu'ils aient, à quelques années près, plus ou moins le même âge. Cela suffisait généralement à désintéresser le jeune homme des amis en question ; personne n'allait le présenter à un garçon bien plus jeune que lui en espérant les voir s'entendre – à son âge, on le laissait bien plus volontiers s'entretenir avec les adultes. Rien de plus normal. A défaut donc de chercher un Emile blond aux yeux foncés parmi les visages qu'il avait en mémoire, il se mit en quête d'une personne correspondant à cette description dans un souvenir quelconque qu'il pourrait avoir de son cher cousin.
Un « oh » et quelques secondes plus tard, il semblait avoir trouvé ce qu'il cherchait.

« De vue, je suppose. » Soucieux de ne pas se tromper de garçon, il s'accorda un bref instant de réflexion supplémentaire. « Emile... Il me semble bien, oui – mais qu'est-ce qu'un de tes amis vient faire là-dedans ? »

Un rire aussi bref qu'involontaire résonna derrière ses lèvres closes.

« Il a de la fièvre, lui aussi ? »

Lui-même n'était plus très sûr de ses propres métaphores ; quoi qu'il en soit, ne pas être le fautif avait quelque chose de tout à fait plaisant. Autant en profiter.
Bref coup d’œil vers la porte. Il pouvait déjà s'imaginer le sourire poli et les manières inquiètes d'une mère étonnée que pour une fois tout deux ne cherchent pas à prendre congé de l'autre le plus tôt possible : peut-être y lirait-il aussi le vague espoir de quelques rassurantes promesses de guérison, car après tout qui ne tente rien n'a rien – s'il était resté là plus d'une navrante poignée de secondes, il se pouvait que quelque chose de positif en ait résulté.

Heh. Un baiser et un bougeoir cassé, oui. On ne peut plus positif.


Dernière édition par Hannibal Winter le Mer 12 Mar - 20:37, édité 2 fois
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Sean Winter
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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Dim 9 Fév - 18:06

Les doigts de Sean se replièrent en un poing aux phalanges blanchâtres : qu’avait-il espéré, au juste ? Sans doute tout, sûrement n’importe quoi. Mais pas rien du tout comme ç’aurait dû être le cas, mon mignon, lança le silence glacial avec lequel il accueillit la réponse de son cousin. Précipiter ce prétendu ami au-devant d’ennuis incommensurables ne le dérangeait guère. Eh quoi, d’où eût-il dû éprouver la plus petite gêne quand la faute incombait, pleine et entière, à ce pauvre imbécile ? Lui n’avait rien fait, lui n’était pas comme cela, oh non, bien sûr, bien sûr qu’il ne l’était pas, il était bien élevé, bien trop pour être assimilé à une déficience si monstrueuse et répugnante. C’était Emile, c’était Hannibal, et pourquoi pas le monde entier si ce n’était pas lui. Il en tirait un plaisir malsain, de la sorte de ceux que seule une vengeance mesquine peut apporter –et tant pis. A trop ruminer les mêmes pensées, elles avaient fini par lui imprégner l’esprit. Qu’elles sortissent, et qu’elles sortissent vite, quitte à les vomir et à éclabousser quelques chaussures bien vernies. Vraiment : tant pis.

Il leva les yeux vers l’autre, lui jeta un regard noir empreint d’incrédulité où l’idiot eût pu déchiffrer, s’il avait su lire un malheureux livre, tous les plus jolis mots du monde. Il fallait être stupide pour ne pas comprendre –qui donc lui avait laissé une famille telle que celle-là –ce n’était pas très juste, sa famille aussi en souffrait –il eût été plus sage de se débarrasser du fruit pourri avant qu’il ne contaminât toute la branche. C’était assez bas, mais le gamin était rompu à l’exercice. Sa fierté, souvent blessée, ressemblait au foie d’un alcoolique. Elle riait jaune, grinçait des dents, le suppliait de se tenir tranquille et de ne pas tomber dans la puérilité triviale du dernier garçon bourgeois venu mais se régénérait toujours. Sur l’instant, l’idée que les foudres divines se chargeassent du cas problématique que figurait son interlocuteur le séduisait. Il se surprit même à l’appeler de ses vœux, avec tous le sérieux que cela impliquait.

Son rire, définitivement moqueur, ne fut pas là pour arranger les choses. En dépit de ses nerfs sur le qui-vive, il n’était pas dans sa nature de jeter à la figure de qui que ce fut oreillers et objets contondants : il en remerciait le ciel chaque jour, mais il le fit encore un peu plus ce jour-ci.

Les bras croisés, il se mura dans un silence glacial. Avoir de la fièvre ; quelle charmante manière de dire les choses.

« Je suppose que oui », finit par daigner répondre Son Auguste Fierté, résolu à l’idée que nul éclair divin n’allait sous peu lui inspirer de répartie tranchante. « C’est ridicule. »

Une seconde s’envola –quoique le terme semblât peu approprié pour cette entité énorme, pâteuse et maladroite qui s’écrasait dans l’air et faisait planer dans la pièce une atmosphère gênante. Sean était comme pris entre deux feux, l’envie de s’épancher se heurtant avec fracas à celle, tout aussi prégnante, d’observer un vœu qu’il n’avait jamais prononcé avec la ferveur d’une religieuse. Une poussée de fièvre pour lui, un mal congénital pour l’autre. La différence était flagrante.

« Mais cela n’a rien à voir. Il s’est fait des idées –le temps que je comprenne… »

Le garçon releva la tête et plongea ses yeux dans ceux de son cousin avant de reprendre d’un ton calme et sans appel :

« Je n’irai pas en enfer. »
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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Mer 12 Mar - 20:26

Sean avait sûrement trop de fierté pour admettre les choses clairement. Difficile de dire ce à quoi il pensait exactement derrière ses regards noirs ; hormis un amour évident de sa personne, Hannibal était incapable de déchiffrer plus que le sens dans lequel allaient ses sentiments. A savoir, le négatif. Pas que ce soit bien surprenant. Le jeune homme s'était depuis longtemps résolu à ce que son cousin soit de ces personnes que rien ne réjouit – tout en gardant dans un coin de sa tête l'idée que, peut-être, il puisse ne sembler constamment fermé et hautain que pour la simple et unique raison de sa présence dans la pièce. L'observer depuis un autre point de vue aurait sûrement été des plus instructifs.
En attendant qu'un miracle rende cela possible, autant continuer à en rire. Ou, plus exactement, à s'en réjouir.
Feindre l'empathie ne lui aurait rien apporté ; l'ombre du sourire sur ses lèvres en disait plus long que n'importe quel rire mesquin. Avoir le dessus sur les autres n'étant pas dans ses habitudes, il comptait bien en profiter un minimum. Dis moi donc qui a de la fièvre, tiens. Quelques jours plus tôt il n'aurait pas juré ce léger dysfonctionnement contagieux mais, juste pour aujourd'hui, le doute serait permis. S'il y avait  bien une chose qu'Hannibal aurait accepté de partager avec Sean sans la moindre réticence, c'eut été celle-ci sans hésiter : alors si pour d'obscures raisons le garçon avait de la fièvre et qu'en effet, c'était de sa faute, personne ne le lui ferait regretter. De son avis, il n'y avait pas plus belle morale que celle de l'arroseur arrosé.
Bien fait.
Damné pour damné, il ne risquait pas grand chose à se réjouir du malheur des autres.

« Je n’irai pas en enfer. »

Puisque rien ni personne ne pourrait le faire changer.
Sourcils haussés, le jeune homme rendit à son cousin un regard sceptique. Qu'Emile ait mal interprété ou qu'il y ait justement eu matière à interpréter restait sujet à caution ; quoi qu'il en soit, ce qui était fait était fait. Aucune raison de s'énerver pour si peu, non ? Il pouvait comprendre qu'être pris pour un « déviant » d'une quelconque sorte puisse être vexant, mais ça n'avait jamais cloué qui que ce soit au lit. Du moins pas à sa connaissance.
S'il n'avait rien à faire en enfer, pourquoi l'avoir embrassé ? Ses lèvres quittèrent leur sourire pour une ligne droite désabusée.

« Bien. Si tu le dis, répondit-il en haussant les épaules. Tu es la personne la plus normale qui soit et tu n'as absolument aucun problème. »

Pour un peu, lui-même se serait cru. Il peinait à imaginer Sean autrement qu'en personne parfaitement standard tendant vers la perfection et la fierté familiale – ses défauts, s'il ne les voyait que trop, restaient parfaitement gérables. Jusqu'à ce qu'il ne décide de l'embrasser, l'idée même que le problème puisse être de cet ordre ne lui serait jamais, jamais, jamais passé par la tête. Apparemment, elle était pourtant passée par celle de son ami.
Le destin avait sa façon bien à lui de se moquer du monde. Si tous les gens comme lui finissaient en enfer, les Winter n'étaient pas prêts de reposer en paix.

« Sean, soupira-t-il en croisant les bras. Tu dois t'en douter, mais rester allongé dans ton lit à essayer de te convaincre que ça n'existe pas n'y changera strictement rien. »

Content ou pas, on est comme on est. S'il était capable d'aller contre lui-même sans se torturer quotidiennement, grand bien lui en fasse ; lui n'y était jamais arrivé.
D'un geste rapide et habituel, Hannibal jeta un bref regard à la montre rangée dans sa poche. Il ne manquait pas de temps mais craignait d'en abuser : si c'était pour empirer le cas de Sean, mieux valait s'abstenir. Le voir paniquer ou se ronger les ongles avait beau être amusant, il ne lui souhaitait tout de même pas de mourir d'angoisse ou de dégoût de lui-même. Il reposa donc son regard sur le garçon, l'air aussi neutre que possible.

« Je ne voudrais pas te donner l'impression que ton cas est vraiment désespéré, mais... » Il marqua un arrêt ; retint un second soupir. « Si tu as besoin d'en parler, je ne vois personne d'autre. »
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Sean Winter
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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Mer 19 Mar - 0:53

Sean acquiesça sans conviction à la remarque de son cousin. Elle avait le ton odieux de la concession à demi-donnée qu’on cédait par pitié aux chiens qui lorgnaient la table, et lui laissait un arrière-goût affreux sur le palais –acide et sec, doublé d’une pointe d’amertume. Hannibal devait se tordre de rire en son for intérieur, tant et si bien qu’un relent de sourire fleurissait sur son visage. Pauvre abruti moqueur. Imbécile éhonté. Porc complaisant, énuméra le gamin avec une honnêteté déconcertante. Recenser les notoires défauts de cette illustre rature eût pu l’occuper un long moment ; en l’occurrence, il se satisfît de ce peu. C’était plus que suffisant pour clamer haut et fort à sa conscience que ce n’étaient guère les mots qui retiraient tout crédit à cette affirmation, mais bel et bien leur nonchalant locuteur. Hannibal n’avait de cesse de débiter des âneries toutes plus atterrantes les unes que les autres de ce même air égal, et ses interlocuteurs étaient rompus à l’exercice : ce qu’il racontait ne pouvait avoir qu’un vague fond de vérité et de mauvaises bases. On faisait vite l’association. On en usait, on s’en amusait, on en abusait et on n’y croyait plus seulement lorsque la Grâce le touchait et arrachait à cette bouche moqueuse une parole éclairée.

« Sean. Tu dois t'en douter, mais rester allongé dans ton lit à essayer de te convaincre que ça n'existe pas n'y changera strictement rien. »

Nouveau plis désenchanté pour ses lèvres, nouveau regard noir pour son cousin. Le dégoût écœuré qui le prenait à la gorge restait pourtant le même, n’en devenant que plus prégnant encore lorsque ces deux lettres se mirent à flotter dans l’air : ça. Winter fit d’abord mine de n’avoir rien entendu –conduite qu’il affectionnait particulièrement ces derniers jours– puis décida de jouer au plus idiot. Lui qui raffolait de ces litotes mesquines, il ne voulait plus les comprendre ni en entendre une seule. A quoi bon ? Pour quoi faire ? Les implications étaient trop –trop, point final. Sean n’avait pas plus envie de savoir « trop quoi » que du reste. Il voulait l’ignorer ? Eh bien à sa guise ! Qu’il oubliât et que ces songes ne dérangeassent plus une bonne âme en ce bas monde, était-ce trop demander ? Son lit et une semi-obscurité artificielle dans la clarté d’un bel après-midi ne pouvaient donc rien lui apporter de la sorte ? Le petit agita imperceptiblement la tête, peu convaincu. La moindre de ses actions risquait fort de lui retomber dessus ; il fallait la jouer fine, être malin. Ne rien faire.

Et pour cela, être malade constituait l’excuse la plus valable qu’il avait pu trouver en si peu de temps. Impassible, Sean suivit du regard le mouvement de la main d’Hannibal et posa les yeux sur la montre qu’il avait sorti. Depuis combien de temps s’était-il enfermé ? Pas assez, renchérit une voix étouffée à l’arrière de sa tête. Dans quelques vies, ou quelques semaines, ou quelques je ne sais quoi encore, peut-être pourras-tu songer à mettre le nez dehors. En attendant, tu as la tête trop pleine, et mieux vaut la garder au frais. Que cette moisissure embaume sa chambre si cela lui chantait, se dit-il sans lâcher ledit champignon des yeux, il n’en avait rien à faire. Parce qu’au fond, ce ne pouvait être que de sa faute. Il –

« Mon « cas » ? Il n’y a pas de cas, juste une– ta pitié est des plus insultantes qui soient », conclut-il, incapable pour une fois de trouver les mots justes. Et comment eût-il pu parler de quoi que ce fut sans eux et sans rien nommer ? Le gamin ramena ses genoux contre sa poitrine et les entoura de ses bras avant de reprendre d’un ton qui se voulait moins piquant. « Ça ne changerait rien, n’est-ce pas. Tant que mes parents s’inquiètent, ils ne penseront pas à me détester. »

Sean laissa fuser un rire qui n’en avait que la forme, mais qui lui était coutumier. Finir sur une telle note n’avait rien du suffisamment flambant pour un Winter :

« C’est vrai qu’il suffit de te regarder pour comprendre que tes conseils valent de l’or : heureux, épanoui, ironisa-t-il avec une emphase très appuyée, et détesté de toutes les personnes auxquelles tu ne passes pas ton temps à mentir. Plutôt mourir que d'avoir ton sens si développé de la morale et de la honte. C'est de ta faute. Sors. »

Les premiers qualificatifs, étrangement, lui semblèrent de loin les plus effrayants. Avait-on le droit de se complaire de la sorte dans ses défauts les plus criants en lieu et place d’une véritable pénitence ?
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Hannibal Winter
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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Ven 4 Avr - 5:22

Et alors ? Il n'y avait que ça à dire ; rien à ajouter. Deux petits mots sans la moindre envergure, parfaits lorsqu'il s'agissait de claquer la porte au nez de quelqu'un. Parce, que vraiment – que Sean pourrait-il lui lancer, lui articuler avec toute la grâce et la retenue du monde, qui puisse changer quoi que ce soit et l'empêcher de repartir en sifflant ? Rien. Le calcul était simple, clair, précis et aucune seconde version ne pourrait empêcher ce chapitre d'embrayer sur le suivant. Il ne voulait pas de sa pitié ? En d'autres occasions il lui aurait rétorqué, tout miel, qu'il n'avait alors qu'à agir de sorte à ne pas se l'attirer. C'était l'unique solution, parfaite au prix de quelques efforts, efficace et surtout à portée de main. Seulement là il n'y pouvait rien, absolument rien, et rien ne changerait ça. Jamais. Une fois le vase cassé, cacher les restes n'y changeait rien. Il restait détruit en mille morceaux. Que personne ne le remarque, et grand bien lui en fasse ; pour autant, qu'il le veuille ou non, il ne pourrait plus jamais le regarder et se dire qu'il était là, joli, rassurant, fiable, éternel. C'était fini. Ça ne reviendrait pas.
Pauvre, pauvre garçon.
L'inquiétude de ses parents, comme tout, passerait. Il ne pouvait pas rester éternellement dans son lit. Mais ça, évidemment, son cousin devait le savoir. Si personne ne parvenait à lui trouver quoi que ce soit, là où certains continueraient de se ronger les ongles, d'autres commenceraient à douter et à perdre patience. Allons bon – il n'avait que douze ans ; comment aurait-il pu rester alité tout le reste de sa vie durant ? Impossible, indésirable. Le jeune homme n'était pas cruel au point de vouloir tout raconter à sa tante à peine sorti de la pièce, mais sa langue n'était pas nouée. On ne pourrait pas lui en vouloir d'avoir fait quelques confidences pour améliorer la situation, n'est-ce pas ? Si ça ne pouvait pas être pire, au fond... Qu'avaient-ils à perdre, tous.
La perspective d'être mis à mal ne le retenait qu'à peine. Quelle chance qu'il ne soit pas suffisamment fort et intelligent pour véritablement penser par lui-même.

« C’est vrai qu’il suffit de te regarder pour comprendre que tes conseils valent de l’or : heureux, épanoui, et détesté de toutes les personnes auxquelles tu ne passes pas ton temps à mentir. Plutôt mourir que d'avoir ton sens si développé de la morale et de la honte. C'est de ta faute. Sors. »

L'amertume s'empressa de dessiner un joli sourire sur ses lèvres. Vraiment ? Quel hypocrite. Il aurait préféré parler à un cheval ; quitte à s'engager dans des dialogues de sourd, autant choisir un interlocuteur qui sache être autre chose qu'insultant et désagréable. Ses raisons, ses problèmes et ses tourments n'étaient pas les siens. Il n'avait ni à les supporter, ni à en être le bouc émissaire. Ça ne le concernait pas le moins du monde – ou si peu. Ses jugements, il pouvait les garder et s'étouffer dessus pour tout ce que ça lui importait.
Après tout, maintenant, il savait quelque chose que les autres ne savaient pas. Il pouvait en jouer, s'en amuser. En faire, finalement, ce que bon lui semblait. Rien ne l'en empêchait. Ni une morale qu'il n'avait apparemment pas, ni de quelconques contraintes. Sean ne pouvait rien faire sans risquer de tomber depuis la même falaise d'où il l'aurait poussé, pour se réceptionner sur les même jolis rochers : il était complètement coincé.
Si peu de mots à prononcer pour lui faire vivre ce qu'il avait vécu. Il n'y avait vraiment pas de quoi faire le malin.

« Comme tu voudras, répondit-il avec un sourire en tous points parfait, hypocrite à souhait. C'est vrai que tu es beaucoup mieux. Heureux, épanoui, persuadé que tu seras détesté de tous si tu ne te mets pas à leur mentir. »

On les avait toujours trouvés si semblables. Quand son sourire s'évaporait pour mieux mimer l'humeur noire de Sean, comme en ce moment, ça n'en était que plus flagrant. La nature devait s'amuser de les affubler tous deux de choses impossible à changer.

« Tu pourrais tout aussi bien te critiquer devant un miroir. »

L'ironie poussée jusqu'à la nausée.

« Mais, soit. Je sors. Une fois que tu m'auras promis de faire de même, ajouta-t-il, sourcils froncés par l'agacement. J'en ai assez d'entendre tout le monde gémir à ton propos. Inutile de les inquiéter, ils n'ont aucune raison de te détester. »

Ils pouvaient très bien ne jamais savoir. La chance avait une lourde part de responsabilité dans ces  affaires-là.

« Pour l'instant. »

YOLO :
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Sean Winter
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Sean Winter

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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Sam 24 Mai - 23:42

Sean, pour une fois, n’avait rien à redire aux paroles de son cousin. Peut-être était-ce parce qu’il retournait ses propres mots contre lui, il n’en savait rien. Il n’y avait rien à faire, rien non plus pour argumenter. Pas d’habile pirouette rhétorique pour se tirer d’affaire, pas de sourire mordant à renvoyer au miroir déformant qui se pavanait devant lui, trop heureux de pouvoir lui jeter à la figure le venin qu’il crachait depuis trop longtemps. Ne serait-ce pas plus simple d’abandonner ? De donner raison à Hannibal ? Après tout, même une pendule cassée donnait l’heure exacte deux fois par jour. Il ne pouvait pas toujours se tromper. Il devait bien être capable de dire autre chose que des inepties de temps à autre. Cet imbécile savourait sa vengeance ! Eh bien, soit. Le gamin comprenait. N’aurait-il pas fait exactement la même chose à sa place ?
A sa place, railla-t-il en son for intérieur. La situation ne lui avait jamais paru si ironique ; ce terme n’avait jamais mieux convenu à la situation ; et rien n’avait jamais été aussi risible. Sean ne chercha pas seulement à couler à son cousin un regard noir –s’il y avait vu la plus petite trace de culpabilité, Hannibal aurait sauté sur l’occasion. En réalité, Sean se berçait d’illusions. S’il avait voulu se ficher de lui, il lui eût suffi d’exploiter ce que lui, idiot invétéré, avait gentiment servi sur son assiette. Une vengeance à point –si ce plat se mangeait froid, il semblait à présent évident, à voir l’expression de cet homme que Sean avait maintes fois tenté de ridiculiser, qu’il se dégustait également bien cuit.

Le gosse leva les yeux vers lui sans relever la tête. C’était plus fort que lui. Même à travers les mèches noires qui lui barraient la vue, il distinguait les traits familiers de son visage, la courbe du menton, du nez, le pli de ses lèvres, la forme et la couleur de ses yeux. La remarque de celui qui aurait pu être son reflet, si les miroirs ne s’étaient pas souciés du temps, n’en devint que plus frappante. Il avait raison. Il y avait de quoi avoir une sérieuse nausée –mais tout ce qui lui venait, c’était une migraine empreinte de lassitude. Allez, c’en est assez, soufflait-il pour lui-même. Va-t’en. Je ne veux pas en entendre plus. Il entendit tout de même.

Gémir à son propos, c’était un bien grand mot ; quant à ce qu’il sortît, c’était une utopie, du moins pour l’instant. Il n’avait pas envie de rester, certes, et était conscient qu’il devrait mettre le nez dehors, mais –oh, non et non, il ne pouvait pas. Vraiment, il ne pouvait pas. Que pensait-on de lui, derrière cette porte ? Que disait-on ? Que murmurait-on à son passage dans les corridors bondés ? Quelles conversations se lanceraient à la seconde où il sortirait d’une pièce ? Jusqu’alors, Winter n’avait guère eu à se préoccuper de ce genre de soucis. Il devait porter son nom. Impossible de ne pas courber l’échine si on rajoutait sur ses épaules le poids d’ineffables inquiétudes. Plutôt mourir. Six pieds de terre eurent été moins lourds.

« Pour l'instant. »

Cette goutte d’eau fit déborder le vase. Un trop-plein d’émotions se bousculait dans sa poitrine et, parmi eux, l’habituelle et rassurante haine qu’il entretenait soigneusement envers cet homme. La honte, la peur aussi, le dégoût et l’ironie s’emmêlaient pour former une boule inextricable. Seule cette bonne vieille colère faisait office de fil rouge. Il se redressa et aboya plus qu’il ne parla :

« Bien sûr que si ! Tu crois que cela ne se voit pas ? Comme tu es naïf ! Naïf et stupide et… Mais viens, si tu es si malin ! »

A demi-assis sur le lit, Sean attrapa à nouveau le bras de son cousin et le tira vers lui.

« Toi, tu me détestes déjà, non ? Alors tu pourrais faire quelque chose de bien, pour une fois. Fais-toi plaisir, tout le monde sait que je suis malade. Qui fera la différence, si tu m’étrangles ? Tu en meurs d’envie. Pour une fois que nous tombons d’accord ! »

Pure provocation. L’idée pourtant ne semblait pas si mauvaise.

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Hannibal Winter
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Hannibal Winter

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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Jeu 29 Mai - 5:28

Il le détestait. Mon Dieu, il en jurait, il détestait ce garçon plus qu'il ne réussirait un jour à se détester lui-même – c'était presque viscéral. Comment aurait-il pu l'apprécier ? Il lui ressemblait trop, était trop différent. Ils n'avait rien en commun et partageaient pourtant tellement, tellement plus qu'une simple ressemblance physique dont n'importe qui aurait pu faire la remarque. Ça ne pouvait pas marcher. Jamais, jamais. Il lui inspirait autant de colère que de pitié, en cet instant, et l'envie de le détruire était à peu près aussi forte que le désir de ne pas reproduire un cycle dont il avait été lui-même victime : quel plaisir malsain aurait-il pu retirer à voir son cousin subir les mêmes offenses que lui, accusé du même travers dans les mêmes circonstances ? C'était affreux. D'être quelqu'un d'aussi bas que ça, amusé du malheur des autres. De ne pas pouvoir l'apprécier. Il avait essayé, pourtant, ce n'était pas faute de tentatives – ça ne fonctionnait tout simplement pas. Il voulait rire de le voir pleurer. Un point c'est tout. Une partie de lui luttait encore pour être triste de la situation actuelle, mais ce regard doré était juste...
Ne me regarde pas comme ça.
Il y avait tant à perdre, tant à gagner dans la délation pure et simple. Tant à apprendre de voir quelqu'un d'autre préférer la léthargie à une lutte perdue d'avance. Une certaine forme de beauté dans l'abandon, en quelques sortes. Est-ce qu'il comptait vraiment rester allongé toute sa vie sur ce fichu lit ? Est-ce qu'il préférait vraiment gâcher tout ce qu'il avait accompli jusque là simplement parce que la société avait décidé qu'il ne pouvait pas en être autrement ? Est-ce que Sean, Sean Winter, bon sang, était si terrifié à l'idée que ça se sache, d'affronter le regard des autres, qu'il aurait vraiment été jusque là ? Il se le demandait. Voulait y répondre non, oui, ne savait plus, ne se comprenait qu'à moitié. Son esprit oscillait encore entre lui accorder un répit mérité et l'accabler de tous les maux du monde. Ils souffraient du mal. En ça, au moins, il pouvait compatir.
Un peu, quand il lui laissait le temps d'oublier qu'il était une sale peste détestable. Juste ces quelques secondes pour s'apitoyer sur le sort de ce garçon.
Naïf, stupide.
Merci, je sais. Et toi, alors ?

Tiré vers lui, il ouvrit de grands yeux qu'il ne tarda pas à plisser de colère. Il en avait assez. Ce n'était qu'un gamin ; un foutu gamin idiot qui se croyait intelligent alors qu'en fait, il devait simplement être mort de peur. Il n'y avait plus de fierté qui tienne quand tout le monde vous pointait du doigt, qu'il n'y avait de confort à trouver nulle part, même pas dans les bras d'une famille qui n'avait que faire d'un raté aussi flagrant. Hannibal se savait dur envers ses parents. Ils l'étaient aussi envers lui. Il n'y avait nulle façon de se réconforter quand le mal qui vous assaillait était celui-là ; parce que pour peu qu'on l'accepte, qu'on s'accepte ainsi, ce serait toujours une croix à porter. Un secret à garder. Un vide à combler, dans son cœur, quand les alliances seraient passées aux doigts et que la vue même de sa moitié n'attiserait pas la moindre flamme au fond de soi.
Ce ne serait pas un feu glacé. Ni même des cendres.
Juste un rien criant et anormal. Rien que ça.

D'une pression sur ses épaules, il l'allongea brutalement sur le lit. Penché au-dessus de lui, il fit glisser une main le long de sa clavicule, frôla sa gorge. Il aurait pu le faire. Ce n'était pas la force qui lui manquait.
Mais pourquoi faire, hein ? Il restait son cousin. Un gamin perdu, quoi qu'il en soit.
Il n'était pas cruel à ce point.

« Tu veux que je t'étrangle ? Parce que je peux le faire, gronda-t-il entre ses dents. Briser le cœur de tes parents ? Ça te regarde. Mourir ? Comme tu veux. Mais pour ça ? Sérieusement ? »

Un brin de pitié teinté de mépris brilla dans ses yeux dorés.

« Je te croyais plus fort que ça, Sean Winter. Tu ne devrais même pas dire des choses pareilles. Tu es... Stupide et orgueilleux, c'est à peine croyable. »
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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Mer 4 Jan - 3:53

Sean se laissa tomber -suivre le mouvement, laisser couler. Sa tête heurta l’oreiller sans un bruit. Il avait imaginé que les mains de son cousin auraient brûlé son cou ; pas un mouvement de recul n’anima son corps. Ses muscles étaient engourdis après de longues heures de léthargie. Neurasthénique. Il avait lancé ces paroles dans les airs sans intention précise, si ce n’était de regarder les mots et les syllabes voleter comme de stupides grains de poussière, creux et puérils. Les conséquences venaient après. Peut-être qu’Hannibal allait lui obéir sans poser de questions. Pour quelqu’un qui clamait se ficher de tout, ç’aurait été un bel acte de foi. Il le détestait -et le sentiment était gracieusement retourné. Une aversion instinctive pétrissait leur sourire d’hypocrisie quand ils ne parvenaient pas à s’éviter ; le double-sens n’était mis au placard que lorsqu’une ironie glaciale entrait en scène ; des remarques, des comparaisons, des intonations qui en disaient plus que toute une bibliothèque. Même à cet instant, Sean pensait encore sentir un dégoût viscéral et soigneusement cultivé le prendre au ventre et remonter le long de son eosophage -aussi physique qu’une nausée.
Il n’aurait pas envisagé une seconde que sa gorge fût nouée de peur. C’était de la répugnance. Emile était répugnant. Hannibal était répugnant. Et lui, il lui offrait l’occasion de commettre la première bonne action de son auguste et inénarrable existence. Quelle mansuétude, railla une voix fatiguée derrière ses yeux.
Briser le cœur de ses parents.
Mourir.
L’idée faisait son chemin à travers les songes rances du gamin. Elle cherchait à se tailler un chemin jusqu’à son cœur -son cœur qui battait la chamade, pressé de sortir de cette cage d’os où pesaient subitement trop de responsabilités. Bien sûr, que ses parents le pleureraient. Mais sa mère aurait été magnifique et digne dans sa robe de deuil. Personne ne l’aurait pointée du doigt lorsqu’elle se serait penchée sur la tombe de son fils chéri parti trop vite, et que son mouchoir sobre, pour cette fois, aurait étouffé un sanglot. Son père aurait été en colère -en colère contre le monde entier, qui ne cessait de lui prendre des êtres chers. Mais pas contre son fils.
S’il restait, en revanche-
Et pourquoi seulement y penser ? Qu’était-il censé faire d’autre, s’il ne pouvait pas mourir ? Vivre ? Pour les êtres du genre de son cousin, respirer et sourire, séduire, s’habiller avec le goût d’une jeune première et collectionner des montres stupides, c’était vivre. Pas pour lui. Il fallait pouvoir se lever chaque matin sans craindre de croiser son reflet au détour de chaque fenêtre. Il fallait se dire que son existence servait une cause plus grande, et ne se limiterait pas aux frontières ridicules de son seul plaisir égoïste. Il fallait penser aux autres. Il fallait penser à soi. Il fallait penser à sa famille.

La bonne vieille colère reprit ses marques, ne fut-ce que pour un bref instant ; Hannibal pouvait garder son mépris ou le lui cracher à la face, pour ce qu’il en avait à faire. Les gens de cet acabit auraient tous eu mieux fait de mourir tôt -une décence qui faisait cruellement défaut à cet homme. Le déshonneur et la déception ne valaient pas mieux qu’une tombe -il s’y serait senti trop à l’étroit. Ses parents méritaient mieux. Tellement mieux. Sans doute pas un fils parfait, mais un fils qui s’efforçait de l’être. Ils l’avaient perdu de toute façon. Ce qu’il pensait ne regardait donc plus personne.

« Tu es... Stupide et orgueilleux, c'est à peine croyable. »

Un rire clair, le premier depuis longtemps, s’échappa de ses lèvres gercées.

« Stupide et orgueilleux ? Mais j’ai des raisons de l’être ! Mes parents croient en moi -ce qui a tendance à avoir ce genre d’effet. Pas que tu risques de le savoir. »

Il s’efforça de ne pas fermer les yeux. Leur insuffler une lueur de défi.

« Ils sont plus fiers de moi qu’ils ne m’aiment. Et ça, tu le sais. »

Une seconde. Il fallait couper court à cet auto apitoiement ridicule. La plaidoirie avait assez duré comme cela ; qu’on lui coupe la tête, et que cette farce cesse avant de lasser les foules. Ses paupières s’abaissèrent malgré tout et ses lèvres se tordirent en un douloureux sourire. C’était odieux. Monstrueux. Monstrueux.

« Alors, les décevoir… »

Sa voix se brisa. C’était odieux. Monstrueux, tout bonnement monstrueux. Une fêlure, une cassure vite colmatée. Il serra sa main autour du poignet de son cousin. Qu’il l’étrangle plutôt que de le faire parler plus.

« C’est pour eux, mentit-il. Pas pour moi. C’est toi qui es… Orgueilleux et… Et stupide. »
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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Jeu 9 Mar - 1:37

J'aurais dû me taire.
Trop tard pour ça, ha. Et dire qu'il avait pensé bien faire.
Pour chaque acte de bonté désintéressée, chaque gentille attention, l'égoïsme et la lâcheté s'empressaient de venir gratter à sa porte. Il connaissait leurs doigts décharnés comme s'ils avaient été son propre squelette ; savait le bruit des os qui trépignent d'impatience, las d'être resté coincés trop longtemps entre les quatre planches d'un placard. On le lui avait tellement répété — "tu es lâche", "tu es égoïste", "tu ne penses qu'à toi", "tu es incapable", "tu nous fais honte" — que les mots lui étaient rentrés sous la peau à son corps défendant. Il ne s'en débarrasserait jamais.
Est-ce que ses parents croyaient encore en lui ? Non. Mais ils avaient forcément espéré, un jour ; avant les échecs à répétition, avant qu'il ne les déçoive la fois de trop. Avant qu'ils ne décident qu'il n'en valait la peine. Ça ne s'était pas fait du jour au lendemain, ils n'avaient pas deviné qu'il n'arriverait à rien dès la naissance, alors si ; il avait su.
Ça n'avait pas duré. Voilà tout.
Du regard de ses parents et de leurs attentes irréalistes, il avait appris la défaite ; la déception. La sensation de ne jamais être à la hauteur. Il avait appris à rater et à se faire reprocher son manque de tout là où Sean, lui, avait pu sourire et se draper de compliments. Oh, mais mérités, bien sûr — ils ne les auraient jamais distribués au hasard. L'amour et la fierté se méritent ; ils vont de paire. L'un pouvait traîner l'autre pendant un temps, mais le poids mort avait tôt fait d'enrayer la machine.
Hannibal n'avait jamais pensé que ses parents puissent encore l'aimer. Vu la façon dont ils l'avaient rejeté, c'était plus simple de se contenter de croire en leur indifférence étudiée.

Comment Sean aurait pu réagir comme lui ? Leurs expériences respectives n'avaient rien à voir.

Parce que la colère de son adolescence lui était restée, il blâmait ses parents pour son mal-être et sa solitude. Sean pas. Plus personne ne croyait en lui, aussi n'attendait-il plus grand chose de lui-même non plus. Sean voulait réussir. Il s'était fait à l'idée d'être raté et de ne jamais leur plaire, alors un échec de plus ou de moins n'apportait guère de changement à sa vie. Il était déjà au fond. Tomber ne faisait plus si mal, avec le temps.

Pour Sean, forcément, ça n'avait rien à voir.

« Ils sont plus fiers de moi qu’ils ne m’aiment. Et ça, tu le sais. »

Ses yeux le brûlaient, alors il détourna le regard.
Hannibal s'était souvent dit qu'en ratant à ce point, en étant déviant et incapable, il avait creusé un fossé entre lui et le reste de sa famille — y compris son cousin. Ils avaient honte, alors lui ne les aimait pas non plus. Simple.
Jamais il n'avait envisagé que, peut-être, représenter un idéal à ne surtout pas atteindre puisse avoir eu des conséquences sur ses cadets. Un ratage dans la famille, c'était déjà suffisant ; ils n'avaient plus le droit à l'erreur. Lorsqu'il avait pris la porte, ses parents l'avaient verrouillée à double-tour derrière lui.
Aucune échappatoire possible. Il devait les rendre fiers.

Mais vraiment, voix brisée ou pas, air démuni ou non, il restait un enfant désagréable. Il ne l'apprécierait jamais.

Qu'on lui jette la pierre n'y changerait rien : ce n'était pas de sa faute, s'il n'était pas intelligent. Ce n'était pas de sa faute, s'il était différent. Ce n'était pas de sa faute, si Sean aussi. Il n'y pouvait rien. Il avait essayé, pourtant.
Lâche et égoïste jusqu'au bout, bien sûr.

Il avait l'habitude.

« Je suis stupide, certes, admit-il, regard baissé vers la main qui enserrait son poignet. Ça ne t'empêche en rien de l'être aussi. »

Hannibal resta là encore deux ou trois secondes, silencieux, avant de ne pousser un bref soupir.
Plutôt que de se redresser et partir comme il était venu — car après tout ça ne le concernait pas, et personne ne s'attendait à ce qu'il guérisse son cousin comme par magie —, il se contenta de redresser son bras libre pour mieux se retourner et s'asseoir sur le lit.

« Je n'irais pas jusqu'à dire que tu dois t'y complaire si l'idée te fait horreur, poursuivit-il, sourcils froncés par l'irritation qui lui brûlait l'estomac, mais est-ce que ça vaut vraiment la peine de mourir ? Uniquement pour être sûr et certain qu'ils ne seront jamais déçus ? »

S'il voulait être parfait en toutes circonstances, autant mourir tout de suite, effectivement. C'était plus ou moins impossible.

« Sans entrer dans les détails, si tu n'as pas de relations, je ne vois pas comment ils pourraient s'en rendre compte. Je doute vraiment que le mensonge te répugne au point de te sentir incapable de faire semblant. »

Ignorer cette partie de lui-même ; se marier, avoir des enfants. Sa femme ne serait peut-être pas comblée, mais ça restait faisable. Personne n'avait à savoir.

« Alors non, ce n'est pas pour tes parents. C'est pour toi. Tu es lâche, tu as peur, et tu es stupide, énonça-t-il sans se tourner vers lui. Ça me semble juste. »
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Sean Winter
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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Dim 19 Mar - 23:25

Le visage du gamin était figé dans une expression aussi butée que crucifiée. Hannibal ne cessait de lui agiter sous le nez des arguments qu’il avait déjà étudiés sous toutes les coutures -et soigneusement écartés de sa vue. Il n’y avait pas de bonne réponse ; rien qu’une kyrielle de mauvaises. Cela en valait-il la peine ? Probablement pas. Probablement que si. Un imbécile à l’hédonisme consommé ne pourrait décemment comprendre, asserta une voix à l’aplomb désespéré. Errer sans but d’un jalon à l’autre tandis que les bougies s’amoncelaient sur le glaçage d’un gâteau. Insipide. Vain en amitié pour ne pas se trahir. Vain en amour pour des raisons similaires. Vain dans ses conversations, vain dans ses idées, vain dans ses rêves, des sourires tout en retenue, des gestes préparés à l’avance pour marcher droit. Un terrain balisé pour ne pas trébucher sur les écueils et pièges à ours qui en émaillaient jusqu’à la dernière parcelle boueuse. Aucun faux-pas. Aucune fierté non plus. Il n’y aurait qu’une honte prégnante pour lui brûler sans cesse le cœur, à chaque seconde de chaque pensée. Les épaules ployées sous le poids d’une confiance qui le portait jadis dans les moments difficiles.

Cela valait-il la peine de mourir ? Sean aurait pu s’étrangler de rire, s’il n’avait pas eu la gorge si serrée. Cette question ne valait rien. Et vivre ainsi, cela en vaut-il la peine ? Il put presque entendre le silence lui répondre, insensible et inexorable. Il n’accomplirait rien. Il ne serait personne pour quiconque, moins encore pour lui-même. Sean Winter était quelqu’un d’autre. Un garçon comme un autre qui en savait beaucoup trop et le jugeait de ses yeux dorés plissés d’amertume. De dégoût. Dieu, c’est dégoûtant. C’est répugnant.

« Alors non, ce n'est pas pour tes parents. C'est pour toi. Tu es lâche, tu as peur, et tu es stupide. Ça me semble juste. »

Un courant glacé lui traversa le corps. Lâche ? Ses poings se serrèrent malgré lui tandis que les traits de son visage semblaient hésiter entre une douce apathie et une haine viscérale. Comment pouvait-il oser ? La lâcheté dictait le moindre de ses gestes ; elle leur insufflait la légèreté insupportable des indolents. Hannibal se complaisait dans l’avilissement pour sauver sa peau misérable. Comment pouvait-il oser, alors que son âme était flétrie de veulerie ? Cet homme aurait pu avoir la décence de souffrir -mais il sacrifiait jusqu’à la pénitence sur l’autel de son petit plaisir égoïste. Sean n’était pas un de ces êtres répugnants -il irait mieux. Il était différent. Il ne laisserait pas corrompre.

Il était dégoûtant.

« Je préfère sauver mon âme à une vie de mensonges ! »

Sean avait élevé la voix. Jeter un oreiller cassait quelque peu l’effet, mais c’était tout ce qu’il avait sous la main. Le ressentiment gravé dans ses pupilles n’avait, lui, rien d’enfantin.

« On finit par s’y rouler comme des porcs dans la boue… Une comédie pareille n’a rien d’une pénitence. »

C’est pour toi. Les mots tournoyaient dans sa tête, se heurtaient sans cesse aux parois de son crâne. Etait-ce pour lui ? Etait-ce pour les autres ? Cela revêtait-il la plus petite espèce d’importance ? Le gamin ne savait plus ce qu’il voulait -tout s’effritait en lambeaux sanguinolents sous ses doigts. Les hauts-faits, la sécurité, ses parents, ses amis, Emile, les enfants auxquels il n’était plus si sûr d’avoir le droit. Mais son cousin restait le même.
Médiocre.
Honteux.

« Je ne suis pas toi, murmura-t-il pour lui-même, l’air absent. Je dois… »

Ses cours de piano, les tours qui se détachaient sur le ciel d’un bleu violent en été, le sable charrié par le vent l’automne venu, les conversations mondaines, les repas dans les plats de porcelaine. Tout était en morceaux et il ne pouvait rien recoller.

« Je dois m’en aller. »

Le constat s’était imposé avec une fatalité désarmante. Il devait partir. Si le suicide le couvrait d’opprobre aussi sûrement que le reste, alors il devait se racheter autrement. Parce qu’il n’était pas Hannibal. Parce qu’il refusait de l’être. Parce qu’il ne comprenait pas, parce qu’il ne comprenait rien à rien et qu’il était sûr, pourtant, de tout comprendre. Il devait se racheter.

« Je… J’irai me battre. L’académie militaire, et puis… Et puis, je trouverai quelque chose. Je ne suis pas toi. Je me rachèterai. Je dirai à mes parents que… »

Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il leur dirait. Il ne voulait pas les voir, ni eux ni leur amour stupide.
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Hannibal Winter
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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Dim 4 Juin - 20:01

S'il avait eu douze ans, lui aussi — douze ans et le cœur encore dur, l'esprit vif et les yeux certains, sûr de lui comme seuls les enfants savent l'être, peut-être aurait-il su trouver les mots justes pour, à défaut de l'aider, au moins le tirer de son lit et le forcer à se prendre en main. S'il avait eu les lèvres courbées dans l'autre sens et les sourcils froncés, sans aucune notion d'hypocrisie sinon cette politesse toute relative qu'il servait tant bien que mal aux autres nobles dont il était forcé contraint de croiser la route, et si Sean avait vu en lui autre chose qu'un amalgame risible de tout ce qu'il devait éviter d'être, éviter de faire, alors ses paroles auraient sans doute revêtu un tant soit peu d'importance à ses yeux.
Mais Hannibal avait perdu ses douze ans de vue depuis ce qui lui semblait être une éternité, et son sourire lui avait tant collé au visage qu'il le retrouvait parfois, sans savoir pourquoi, dans les miroirs de pièces où personne d'autre que lui ne risquait de se trouver.
Sean ne l'écouterait jamais. Ce combat-là était perdu d'avance, il le savait.
Que ce soit lancer des oreillers ou faire tomber des bougeoirs, blâmer un baiser sur la fièvre ou sa propre mort sur quelque décision grandiose prise dans un instant de confusion, Hannibal ne voyait en son cousin qu'un gamin méprisant et trop fier. Lui, bien sûr, savait mieux que personne à quel point les mensonges étaient préférables à une mort lâche et précoce. Sean le comprendrait en temps voulu — si le Ciel voulait bien le lui accorder, en tout cas.
Que ce soit lui, le roi des raccourcis faciles, qui se vante d'avoir réussi à surpasser ses difficultés pour prendre des deux chemins le meilleur, ne lui parut pas étrange le moins du monde. Il ne parvenait pas à voir les choses différemment. Sa vie et son bonheur passaient avant l'honneur familial, sans le moindre doute.
Pas qu'on lui ait laissé le choix de penser autrement, selon lui. A l'indifférence et au mépris, il répondait par l'égoïsme et la complaisance. Ç’avait toujours été comme ça.

Malgré tout, aussi fort puisse-t-il se moquer de son cousin, le voir si agité lui tira tout de même un froncement de sourcils inquiet.

« Je dois m’en aller. »

Allons bon.
Deux doigts sur la tempe, yeux clos, Hannibal jura non sans une certaine amertume que s'il avait su comment la conversation tournerait, il aurait refusé d'entrer dans cette chambre. Ça n'allait lui apporter que des problèmes.

« Que tu pars racheter ton âme sur le champ de bataille ? Grande idée ! Ils vont adorer, s'exclama-t-il, tapant des mains pour appuyer le sarcasme qui faisait pencher son sourire sur la droite. Informes-en ta fiancée, tant que tu y es. Et tes amis. Ils voudront connaître les raisons d'une décision si soudaine, à l'évidence, mais tu trouveras bien un mensonge quelconque. Un seul pour en éviter cent, ce n'est pas si grave. »

L'idée que Sean puisse se tenir à cette idée, aller jusqu'au bout de son raisonnement et réellement s'enrôler dans quelqu'académie que ce soit, militaire ou religieuse ou peu importe quoi d'autre, lui fit un drôle de nœud à l'estomac tandis qu'il se relevait et esquissait un pas en arrière, face au lit, le dévisageant sans trouver quoi dire.
Un départ, c'était un départ, qu'on aime l'autre ou pas ; et lui, il détestait les places vides comme les silences trop lourds. Il se fichait pas mal que son oncle et sa tante pleurent, mais refusait de se reprocher quelque chose sur lequel il n'avait eu aucune emprise de toute façon.
Ce serait la décision de Sean. Pas la sienne. Il n'avait rien causé, rien influencé. Il n'y était pour rien.

« Puis tu leur manqueras, mais peu importe. Soit, conclut-il d'un geste du poignet. Tu peux bien faire ce qui te chante, au fond, ça ne change rien à l'affaire — souffre pour tes péchés, repens-toi ; tant que tu sors de ta chambre, moi, ça m'est égal. »

Ils ne se comprendraient jamais : de ça, au moins, il était sûr. Sean avait l'amour et la fierté de ses parents, le talent et les capacités nécessaires à être apprécié et respecté de tous. Il avait la chance de haïr suffisamment cette partie de lui-même pour ne pas vouloir s'y abandonner, et assez de bon sens pour se trouver capable de vivre une vie normale malgré ses penchants, et ce sans le moindre problème.
Il avait tout ce qu'Hannibal aurait rêvé d'avoir et pourtant, il n'en voulait pas.
Plus que d'incompréhension, c'était de colère que ce constat l'emplissait. Ça ou de la jalousie, de la consternation ; il n'en savait rien et honnêtement, il s'en moquait.
L'injustice lui mordait les mollets et figeait son visage. Le voir réussir l'aurait insupporté, mais le voir se défiler l'ennuyait tout autant.

« ... Des choses comme celles-là, elles sont innées et incurables, marmonna-t-il en laissant fondre son sourire. On ne s'en débarrasse pas, Sean. »

L'éternel insatisfait se mordit la langue.
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Sean Winter
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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Mar 6 Juin - 19:24

Une ironie grinçante. Sean serra les dents, trop conscient de n’avoir rien à dire pour laisser ses lèvres s’en donner à cœur joie. Il l’aurait insulté, cet incapable aux principes terreux, il l’aurait envoyé paître, il aurait rétorqué quelque chose -pour sûr, il l’aurait fait. La tension dans ses épaules et ses doigts recroquevillés autour de l’ourlet de la couverture le hurlaient à plein poumons. Mais Winter demeura immobile, le dos droit, les traits impavides d’une statue ratée. S’il ne disait rien, c’est que ce n’étaient guère les mots de son cousin qui lui étranglaient le cœur -mais l’ironie grinçante dont il en avait peint chaque lettre. Un travail de copiste, un talent certain pour tout salir, une propension démesurée à rendre laides les plus nobles intentions, à fouler aux pieds la meilleure solution. Pas un raisin qui ne fût trop vert au goût de cet homme.

Son idéal avait beau être parti en fumée, Sean ne comptait pas rester les yeux levés au ciel à contempler une pluie de cendres incandescentes. Il devrait se débrouiller. Il devrait avancer. Le lit lui parut soudain plus confortable -avancer, ricana-t-il intérieurement, quel joli mot. Il aurait de loin préféré rester là, à méditer sur sa vie et ses rêves perdus, à scruter l’ignominie de la situation sous tous les angles dans le vain espoir d’en trouver sous lequel elle n’aurait plus semblé si désespérante ; mais on ne changeait pas le charbon en cristal. Partir avant que qui que ce fut ne se doutât de- oh, ne se doutât de quoi que ce fut. Sean sentit son cœur s’emballer. Il avait peur -une peur diffuse, proche de ces angoisses qui vous comprimaient parfois la poitrine au réveil, tandis qu’un cauchemar fugace perdait de sa clarté mais rien de sa substance. S’il combattait, peut-être mourrait-il ; et s’il mourait, alors il emporterait dans sa tombe ce -ce, pour ne laisser derrière lui qu’un nom parfait, flamboyant, un nom renommé, s’il avait de la chance. Un nom qu’on ne prononcerait pas du bout des lèvres avec un froncement de sourcils.

Un mensonge pour en éviter cent, oui : ce n’était pas une si mauvaise façon de voir les choses. Ils s’en remettraient. Ses parents s’en remettraient. Leur fils adoré était voué à disparaître -et Sean n’était pas assez cruel pour entacher jusqu’au souvenir qu’ils pourraient chérir. Ses parents seraient fiers, s’il se battait pour sa patrie. Ils auraient le cœur lourd, mais la tête haute. Ses amis s’en remettraient. Ils parleraient de lui, de temps en temps. Ils se demanderaient quelle mouche l’avait piqué mais, somme toute, ils ne chercheraient pas à comprendre -parce que c’était une bonne chose, et qu’on ne questionnait pas les bonnes décisions. Sa fiancée s’en remettrait. Elle prierait pour qu’il revînt en espérant qu’il ne le fît pas. Elle respirerait, rirait, aimerait à sa guise sans trop le montrer -pauvre petite, qu’on raconterait. Le gamin n’était pas loin de penser la même chose.

Il leva les yeux vers Hannibal, sa résolution vacillante ne demandant qu’une béquille sur laquelle s’appuyer. Un exemple à ne pas suivre -ou seulement la confirmation qu’il faisait ce qu’il fallait. Son vis-à-vis, plus que lassé, n’avait aucune raison de mentir. Qu’il restât ou partît, ce n’était pas son problème. A tout prendre, la deuxième option devait revêtir une apparence bien plus séduisante. Un idiot de moins auquel sourire dans les couloirs -Sean savait qu’il le détestait et l’abhorrait en retour, avec dans les regards qu’il lui coulait celui de son oncle, de sa tante, de ses parents. Il retint son souffle, certain de pouvoir encaisser n’importe quelle injure.

Les mots de son cousin eurent cependant le poids d’une massue. Un lourd manteau de plomb pour habiller ses épaules.

« Cela ne change rien, cracha-t-il. Ce… Cela disparaîtra avec moi. »

S’il étouffait cette partie de lui suffisamment longtemps, songea-t-il, alors peut-être qu’il pourrait donner tort à Hannibal. Peut-être qu’il se trompait. L’idée que cet homme n’avait probablement jamais vraiment essayé calma les battements saccadés de son cœur, alors il s’y raccrocha -à s’en retourner les ongles.

« Tu n’auras qu’à dire que je me sens encore quelque peu souffrant, mais que je me porte déjà mieux, conclut-il avec un geste évasif de la main, bien plus raide qu’il n’en avait eu l’intention. Et dès demain, je leur annoncerai ma décision. Ils n’iront pas te blâmer, et contrairement à ce que tu racontes, je pense… »

Le gamin fit un effort pour maîtrises les tremblements de sa voix. Y insuffler un peu du courage dont il aurait besoin.

« Je pense que tout le monde sera très fier, et que je deviendrai quelqu’un d’important. Quelqu’un de bien. On se souviendra de ça, et pas de… De… »

Les mots fuyaient, sales petits spectres grimaçants en périphérie de sa conscience. Il ignora leur ricanement, leurs gloussements goguenards. Ils avaient tort. Ils avaient tous tort.

« D’autre chose. Je sortirai, précisa-t-il avec un sourire plus faux que les oiseaux peints sur la porcelaine. Tu peux partir. Quelle chance pour toi… Si je finis par mourir et qu’il ne reste plus que toi, peut-être que notre famille décidera de récupérer le paria déshonorant que tu es. Qui sait. »

Cela aussi, c’était faux, plus faux que les oiseaux peints sur la porcelaine. Ils ne chantaient ni ne volaient. Ils n’existaient pas et tout le monde le savait. Néanmoins, Sean adorait faire grincer la porcelaine, comme Hannibal faisait grincer l’ironie.
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Hannibal Winter
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Hannibal Winter

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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Mer 23 Aoû - 17:35

Le plafond, lisse et fade, renvoya à Hannibal la morsure brûlante de sa propre frustration. Disparaître avec lui ; bien sûr. S'il tenait à prendre les choses sous cet angle, que pouvait-il bien répondre ? La mort, pour peu qu'on décide de lui en donner le pouvoir, savait guérir tout les maux. Laideur, pauvreté, lâcheté — une fois passé de vie à trépas, ces choses-là ne revêtaient plus la moindre sorte d'importance. Difficile de contrer cet argument.
Pour une vie de secrets et de honte comme pour son contraire, la Faucheuse venait marquer un point final aux efforts démesurés et aux bouches cousues. Si Sean ne disait rien jusqu'à sa mort, effectivement, personne ne saurait qu'il avait un jour eu quelque chose à cacher. Les défunts ne parlent guère, ou hélas pas dans un langage compréhensible des vivants. Hannibal ne le savait que trop bien.
Frôlant du regard la silhouette encore frêle de son cousin, il fut soudain frappé par la réalisation presque brutale qu'il n'avait plus connu de mort douloureuse depuis celle de sa sœur. Ses parents étaient encore là, ses amis aussi, sa famille proche également ; les autres, il s'en fichait suffisamment pour ne jamais avoir eu à porter le poids de leur deuil. Dail était en vie, lui aussi, et ce pour longtemps. Il n'imaginait pas les choses autrement.
Son visage, sans qu'il s'en rende compte, se figea sur une expression presque absente.
La fatalité aimait se rappeler à lui des manières les plus étranges, ces derniers temps.

« Je sais. Tu sais également, répondit-il, trop irrité pour vouloir le regarder dans les yeux. Au mieux, ils me laisseront en paix. Au pire, je me retrouverai constamment comparé à un fantôme qui, en plus de me ressembler, aura eu la gentillesse d'avoir l'air parfait le peu de temps qu'il aura vécu. C'est assez injuste, excuse moi du peu. »

Les "pourquoi tu ne ressembles pas plus à ton père, à ton cousin, à ton grand-père, à ton oncle" et autres figures paternelles nettement plus honorables que lui peinaient à le blesser, à force d'être remâchés, mais de telles remarques n'avaient rien d'agréable pour autant.
Savoir que Sean ne valait pas mieux que lui sur au moins un point ne ferait qu'empirer les choses. Impossible de leur crier la vérité, de briser sa promesse et de le mettre dans les ennuis si le principal concerné n'était même plus là pour avoir l'air ne serait-ce qu'un tout petit peu coupable. Personne ne l'écouterait. On le mépriserait d'ainsi cracher sur les morts, et personne ne le croirait.
La main qui vint décoiffer ses boucles brunes ne fit que mettre un peu plus de désordre dans sa tête. Cette situation l'insupportait.

« Je sais que tu ne m'écouteras pas, mais j'aimerais que tu prennes un peu plus de temps pour réfléchir à ta décision. Ne serait-ce que par respect pour le silence que je t'accorde. »

Il aurait pu tout raconter.
Il avait encore envie de le faire.

Ni gentillesse déplacée, ni culpabilité, ni pitié ne liait sa langue ; Hannibal se contentait de faire preuve d'un minimum d'humanité tout en restant du côté le plus sûr de la berge, sans vouloir être éclaboussé, sans oser risquer un retour de bâton au moins aussi douloureux que le coup que lui-même aurait porté. Il détestait avoir mal, ce n'était un secret pour personne.
Si s'éviter des peines plus grandes impliquait de devoir protéger Sean, quitte à vouloir garder près de lui quelqu'un qu'il détestait, alors soit. Il ne comptait pas chercher plus loin.

Le cœur plus que la raison. Il n'avait jamais su réfléchir, de toute façon.

« Je leur dirai que tu te portes déjà mieux mais que tu es sans doute fiévreux, ajouta-t-il en comblant pas à pas la distance le séparant de la porte. Sait-on jamais ce que tu pourrais décider dans ton état. Mieux vaut ne pas trop y faire attention. »

A cela, tourné vers lui une dernière fois, il lui adressa un grand sourire hypocrite.

« Je prendrai de tes nouvelles. Au cas où tu trouverais un remède miracle pour le mal dont tu es souffrant, n'est-ce pas ; qui sait. »

Je sais, moi.
Mais quelle importance ?

Après un petit signe de la main, l'estomac noué par sa faute et bien décidé à le lui rendre au centuple jusqu'à ce que le malaise se soit dissipé, il appuya sur la clenche et prit une grande inspiration.
S'il n'avait jamais rien su faire de ses dix doigts, au moins savait-il sourire et mentir avec élégance. Personne ne saurait rien. Ni de ce qu'il lui avait avoué à demi-mots, ni de ses projets et encore moins du baiser.
Quelle chance pour toi.

HAHA :
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Sean Winter
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MessageSujet: Re: « Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]   «  Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal] - Page 2 Icon_minitime1Jeu 24 Aoû - 3:46

Sean sentit un filet de bile amère lui brûler l’œsophage. Evidemment, que c’était injuste. La vie se parait souvent de ces petits joyaux de tyrannie arbitraire, de torts, de préjudices clinquants. Des artifices pour la rendre plus intéressantes -en réalité, des parures de mauvais goût dont le gamin se serait volontiers passé. Entendre son cousin s’en plaindre ne lui allégeait pas le cœur, mais c’était déjà ça. Il en tirait une joie mesquine. Après tout, rien de tout cela n’était très juste ; lui aussi avait bien le droit de distribuer des blâmes comme il l’entendait. C’était la moindre des choses. Si son fantôme pouvait hanter les couloirs sans laisser derrière lui une traînée de gêne, Winter se fichait pas mal de ne jamais connaître la paix. Qu’Hannibal le maudît et le vouât aux gémonies, pour ce qu’il en avait à faire ! Il était la honte de la famille, la boue sur leur nom. Lui aussi, aurait dû réagir. Mais cet idiot se laissait vivre -un être méprisable, vraiment.

Un être qui n’avait aucun droit au plus petit ressentiment. Pas à son encontre. Pas quand il lui aurait été si facile d’agir -comme Sean allait le faire. Il allait le faire. Vraiment ? Tu y crois ? Laisse-moi te dire que ça ne changera rien du tout, susurra une angoisse larvée quelque part dans sa poitrine. Rien du tout. Tu seras toujours la même personne dégoûtante. Hannibal l’a compris, lui.

Sean ne dit rien quand Hannibal lui demanda de réfléchir. Il ne dit rien, et il n’avait rien à dire. Avait-on besoin de réfléchir, avant d’affirmer que le ciel était bleu à midi ? Que l’on devait tourner à droite pour aller à sa chambre, et à gauche pour aller au salon ? Pour savoir que deux et deux faisaient quatre ? La réponse était là, sous ses yeux. Qu’elle fût répugnante n’était pas une raison suffisante pour refuser de la voir. Sean n’était pas un menteur –pas toujours à tout le moins, jura-t-il. Quand il le fallait. Quand l’étiquette l’exigeait, de loin en loin. Quand ce n’était pas grave. De pieux mensonges, guère plus. Et jamais à lui-même. Dieu, jamais à lui-même.

Quel genre de personne cela aurait-il fait de lui ?

Le gamin ouvrit la bouche, prêt à lancer n’importe quelle réplique pourvu qu’elle fit mouche. Une répartie n’avait pas besoin d’être acérée, si on donnait aux mots suffisamment de poids. Il sentit toutefois le peu de courage et de fiel qu’il avait tenté de leur insuffler mourir sur ses lèvres, ne laissant derrière eux qu’un arrière-goût rance. Qu’en avait-il à faire, de ce qu’il pensait ? De ses menaces jetées à demi-mots d’un ton mielleux ? Des bêtises, et rien que des bêtises.

Des mots, voilà tout ce qu’avait Hannibal. Des mots ridicules que personne n’aurait envie de croire. On lui rirait au nez. On lui rirait au nez comme lui, lui avait toujours ri au nez. Il n’y avait pas de quoi avoir peur. Il retournait cette phrase en boucle dans sa tête comme on aurait égrainé les prières d’un chapelet pour conjurer le mauvais sort. Pour se convaincre qu’un dieu, là-haut, écoutait nos prières. Se persuader qu’on était assez spécial pour être exaucé.

Mais dieu ne changeait rien, et Sean était toujours terrorisé. La porte émit un grincement quand elle se referma -et peut-être que le garçon aurait dû remercier l’Éternel pour cela. Il étouffa le gémissement qui remontait de ses côtes brisées. Car elles devaient l’être, pas vrai ? Il avait si mal.
Allongé dans son lit, le petit laissa un rideau de chair recouvrir ses yeux dorés. De beaux yeux. Sa fiancée les trouvait magnifiques, elle aussi. Sean avait fait de son mieux pour ne pas les détester.

Hannibal aimait rendre les choses simples compliquées. C’est ce que tu fais de mieux, n’est-ce pas, cher cousin ?
Il aurait aimé se laisser aller à une douce léthargie ; et pour aujourd’hui, rien qu’aujourd’hui, il s’y laisserait prendre. Mais il ne reviendrait pas sur sa décision. Il avait envie de le jurer -il l’aurait fait, si les murs et les plafonds ne l’avaient pas lorgné d’un si mauvais œil. Un être répugnant. Méprisable. Tout à fait répugnant, scandaient-ils encore, témoins de trop de choses pour être convaincus par un serment.


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« Il avait aussitôt cessé d’écouter ce qui se disait de l’autre côté de la porte. » [WINTER Hannibal]
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