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 « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]

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Hannes Blanchfield
Hannes Blanchfield

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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Jeu 8 Aoû - 6:28

Il ne fallait pas croire. Ce n'était pas si simple que ça. Parfois il n'avait qu'à serrer les poings pour briser un objet trop fragile, parfois il peinait à se faire entendre de qui que ce soit ; d'autres fois il n'existait tout simplement pas – ou si peu, si superficiellement qu'il s'en oubliait lui-même. Pour l'instant, Camille était suffisamment réceptif à leur jeu pour que sa concentration ne lui fasse pas défaut. Restait à espérer que ça dure. Comment savoir si, dans la seconde ou peut-être la minute, au détour d'une rue ou devant la margelle d'un puits, ses pensées n'allaient pas dériver la fois de trop ? Si personne n’attrapait personne, le jeu était aussi ennuyeux qu'incomplet. L’attrapé n'était pas un rôle fait pour gagner. Il fallait une fin plus nette, plus tranchante pour bien marquer le coup. Une ligne droite. Des mots en lettres capitales. Hannes avait une vision bien précise des bouts de page, et les élégants flous artistiques n'y étaient pas les bienvenus. Vraiment pas. Quand tout ne se terminait pas correctement, plus rien n'allait. Du début au milieu, c'était tout le livre qui en subissait les revers ; hors de question. N'était-il pas un monarque exemplaire ?

Juste... Un rien trop éphémère. S'il jouait bien ses cartes, ça ne devrait pas entrer en ligne de compte. Il suffisait d'être créatif.

« Haaaaaannes. C’est pas juste, de faire ça ! D’abord tu te fiches de moi, ensuite tu te planques alors qu’on avait dit pas de cache-cache ! »

Invisible, évoluant sagement entre le partout et le nulle part, Hannes esquissa l'ombre d'un sourire. Alors comme ça, c'était injuste ? Quel dommage pour lui. Rien n'était juste, ici. Ce n'était qu'une très belle illusion, des coïncidences que chacun se plaisait à considérer comme justement réparties, pesées équitablement, accordées à qui le méritait et personne d'autre – rien que de beaux mensonges jetés là par un Hasard bien peu désireux du bonheur d'autrui. Alors lui, injuste ? C'était risible. Ridicule. Agaçant, peut-être. Rien de bien méchant. Ou d'impardonnable. Il pouvait après tout lui accorder le droit d'être frustré ; jouer contre un spectre n'était pas exactement l'image même de l'équité. Impossible à attraper, incapable d'attraper... Il allait être compliqué de désigner un vainqueur, partis comme ils l'étaient. Que de complications pour pas grand chose.

« Hannes ? Roi de pacotille. Si c’est ça, je m’en vais. Pour de vrai. T’es pas drôle. »

La crainte viscérale de se retrouver à nouveau seul et abandonné ramena le jeune homme sur terre plus violemment qu'un arbre abattu par la tempête. Ses pieds foulèrent le sol sans se faire prier et, en une douloureuse fraction de seconde, il fut précédé par un souffle glacé à quelques centimètres seulement derrière Camille. Eut-il encore respiré, son souffle aurait pu le frôler.
Ne t'en vas pas.
De la supplique à la menace, il n'y avait guère plus d'un pas.

« Bouh. »

Dans un rire cristallin, Hannes recula d'un puis deux pas presque dansants. Il ne voulait pas arrêter de jouer ; exister était bien trop amusant, bien trop grisant pour qu'il accepte de laisser filer ces précieuses secondes sans ne serait-ce qu'essayer de les étirer entre ses doigts évanescents. Les vivants allaient et venaient, restaient parfois longtemps mais jamais suffisamment. Jamais éternellement. La solitude le pesait. L'absence le torturait. C'était comme sentir des parties de soi se désintégrer petit à petit, si lentement qu'on ne s'en rendait vraiment compte qu'une fois le trou presque béant : bientôt, il pourrait découper des guirlandes dans ses espoirs et ses souvenirs.
Il avait besoin d'en créer plus. S'immiscer dans la vie des autres pour y laisser des traces de la sienne.

« Je n'étais pas caché, lâcha-t-il comme à regret. Je connais les règles ; j'ai simplement du mal à les appliquer, parfois. Je n'y peux rien. »

Sincère dans son désarroi momentané, il tendit sa main gauche en avant.

« J'essaie de perdre, tu sais, mais c'est plus fort que moi. Je n'y arrive vraiment pas. » Un sourire désolé vint appuyer ces propos d'une prétention horripilante. « Tu comprends ? »

Les doigts de sa main tendue se refermèrent sur du vide. La situation n'était pas assez pressante pour qu'il en soit autrement ; néant sur néant. Il lui passerait au travers à la moindre tentative.

« Si tu réussis à m'effleurer, ajouta-t-il avec sérieux, je te raconterai une histoire qui s'est passée tout près d'ici. Tu crois que c'est jouable ? Camille. »


Dernière édition par Hannes Blanchfield le Jeu 13 Mar - 19:04, édité 1 fois
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Camille Rosenthal
Camille Rosenthal

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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Dim 11 Aoû - 6:26

La drôle de voix retentit dans son dos, claire comme le jour. Elle arracha au cœur de Camille un moment de silence avant qu’il ne se remît à battre à tout rompre dans sa poitrine, cadence effrénée qui n’avait pas lieu d’être. Un instant plus tard, il pivota sur ses talons : devant lui, la silhouette de l’autre garçon se découpait toujours dans le paysage, calme, droite et longiligne. Il y avait quelque chose de déroutant à sa présence, et Rosenthal ne sut s’il eût préféré se tourner vers un vide inquiétant ou reconnaître que sa Majesté l’avait berné, tant et si bien que les artifices invisibles de son tour de cochon lui laissaient les jambes tremblantes. Lui qui avait pourtant vérifié les alentours avec tant de diligence ! S’était-il caché dans le puits qui avait fait office de trône provisoire à Camille avant d’en être si prestement délogé ? Difficile à croire, songea-t-il. On ne serait pas remonté si facilement. Les pierres pourries d’humidité avaient été rendues glissantes par les plaques de mousse verte qui se logeaient dans chaque interstice. La poulie eût au moins grincé. C’était n’importe quoi. Les yeux plissés, il chercha du regard quelque cache secrète sans rien trouver.

Hannes était vraiment très fort ; le grand guerrier qu’était son vis-à-vis n’avait en comparaison mené jusqu’alors que de petites campagnes. Celui-ci utilisait de la magie de sorcière. Le petit fronça les sourcils et tendit le bras vers son compagnon de jeu avant de le laisser retomber le long de son flanc. Hannes continuait de rire. Hannes se fichait de lui. Personne n’en avait le droit ! Eh quoi, à la fin ? Pourquoi lui avoir proposé de jouer, si la partie était aussi bizarre ? A moins que l’idée ne vînt de lui –c’était possible, au fond. Impossible de se rappeler. L’incertitude balafrait son front d’une ride profonde.

« Je n'étais pas caché, expliqua le grand roi. Je connais les règles ; j'ai simplement du mal à les appliquer, parfois. Je n'y peux rien. »

Dubitatif, les poings sur les hanches, Camille se fit allégorie de la mauvaise humeur. Il lui en servait de belles, celui-là ! S’il connaissait les règles, il n’avait qu’à les respecter ; à lui non plus, elles ne plaisaient pas toujours. Allait-il se cacher dieu seul savait où ? Non. L’eût-il voulu, il n’aurait pas fallu cinq minutes à son adversaire pour débusquer sa pauvre carcasse planquée derrière quelque coin de mur ou sous telle marquise. Les chances n’étaient pas égales et, comme toujours lorsque la balance penchait en sa défaveur, le gosse était prêt à le dénoncer à cor et à cri. Si ce n’avait été pour la conviction que Monsieur-Bizarre était complètement frappé dans son genre, il eût coupé court à toute conversation. S’il lui sautait dessus, cet abruti ne risquait plus de s’enfuir.

« Si tu réussis à m'effleurer, je te raconterai une histoire qui s'est passée tout près d'ici. Tu crois que c'est jouable ? Camille. »

A ces mots, le sourire du principal intéressé se fit plus franc. Une histoire, s’enthousiasma-t-il, j’adore les histoires ! Ne restait qu’à espérer que les qualités de conteur d’Hannes excédassent son don inné pour les devinettes. Qu’importait l’angle sous lequel il les considérait, ni la chute ni la réponse ne lui paraissaient drôles. Il hocha la tête : le jeu pouvait en valoir la chandelle. Rien ne l’obligeait à l’écouter si son récit traînait en longueur.

« Un peu que je comprends, répondit-il. Moi, chaque fois que j’essaie de perdre, je gagne quand même. Alors t’effleurer, franchement… T’as la grosse tête. Si t’es doué, je le suis deux fois plus. »

Malgré ces paroles bravaches, Camille sentait sa volonté flancher. Hannes était foutrement rapide. Lui aussi ; mais enfin, tout de même. Le tout était de persuader ce type d’avoir trouvé un adversaire à sa mesure.

« Quel genre d’histoire ? demanda-t-il, curieux pour une fois. Tu me diras comment t’as fait ton tour, tout à l’heure ? C’était extra. Enfin, nul, mais extra ! Ça et l’histoire. Marché conclu ! »

Ni une ni deux, il s’élança en avant, bras tendus. Pas possible de le louper, si ? Mince, flûte, zut, merde, autant de mots auxquels il n’accorda qu’un crédit minime alors qu’ils disparaissaient de son esprit concentré sur la tâche à accomplir. Il y avait une récompense, un trésor derrière la simple idée de victoire dorénavant. De l’or, de l’argent ou de la pacotille de verre, tant pis, tant mieux. C’était un butin tout de même.
Et jouer à chat, ça restait drôle. Dés pipés ou pas.
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Hannes Blanchfield
Hannes Blanchfield

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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Jeu 29 Aoû - 3:51

Si tu réussis à m'effleurer. La condition posée n'en était une qu'en apparence : il aurait tout aussi bien pu dire « si tu survis à une chute depuis la falaise », ou encore « si tu parviens à nager des heures durant sans te noyer ». Les chances de réussite en étaient également improbables. Ce n'était pas impossible pour autant, non – et dans un sens, Hannes aurait réellement aimé pouvoir faire grimper ce si faible pourcentage de quelques chiffres vers le haut. Provoquer un miracle. Malheureusement, il en était incapable. Après tant d'années passées dans ce corps qui n'en était pas un, il avait appris à en connaître et reconnaître les caractéristiques, les spécificités. Les limites. Comment attraper un courant d'air ? Le problème était sans fin et sa solution, aussi proche qu'un mot perdu quelque part au bout de sa langue, ne se rappelait à ses sens qu'en ces brefs instants où les sentiments se faisaient trop intenses. Il ne le contrôlait pas. Les êtres vivants étaient trop complexes, trop imprévisibles. Peut-être leur manquait-il une pointe de spontanéité ou d'instinct ; honnêtement, il n'en savait rien. Le problème pouvait tout aussi bien venir de lui.
Alors, à qui la faute ? Si personne n'était puni, ce n'était pas drôle. Fallait-il tracer pour le vivant une marelle allant de la Terre jusqu'au Ciel, ou plutôt faire accepter au mort que traverser était un synonyme suffisant pour attraper ? L'un lui plaisait mieux que l'autre. Il se demanda lequel ; songea que l'inverse pouvait également être un compromis acceptable. Ils étaient deux ici à sagement attendre le repos éternel, après tout. Bloqué à une case de la fin, incapable de déterminer comment détruire cette fichue pierre qui l'empêchait d'aller dans un sens autant que de revenir dans l'autre, le jeune homme n'en menait pas plus large que son nouvel ami. Ils étaient tout deux incapables de refermer les doigts sur l'autre pour enfin gagner la partie.

Alors, ce sera la faute de...

« Un peu que je comprends. Moi, chaque fois que j’essaie de perdre, je gagne quand même. Alors t’effleurer, franchement… T’as la grosse tête. Si t’es doué, je le suis deux fois plus. »

Un sourire indulgent se dessina sur ses lèvres. D'un point de vue extérieur, oui, il admettait pouvoir paraître prétentieux ; mais ne l'était-il pas également, cet enfant, à clamer être deux fois plus doué que lui ? Ce n'était pas le genre de choses dont il aurait dû se vanter avant d'en avoir ne serait-ce que l'ombre d'une certitude. La défaite n'en serait que plus rude s'il partait trop assuré de sa victoire. Et il perdrait, ça ne faisait aucun doute. Hannes faillit presque s'en sentir mal, de lui cacher un point si important de leur jeu. Mais s'il le lui avait dit, l'aurait-il cru sans questions ni conditions, sans essayer au moins une fois de tendre le bras pour le toucher du bout des doigts ?
Bien sûr que non.

« Quel genre d’histoire ? Tu me diras comment t’as fait ton tour, tout à l’heure ? C’était extra. Enfin, nul, mais extra ! Ça et l’histoire. Marché conclu ! »

Comme tu voudras.
Son bras tendu vint se plier devant lui, légèrement en avant, comme par souci de mettre une barrière entre ses côtes et l'agresseur. Il ne fit pas plus d'un pas en arrière, n'inspira pas. Inutile. Ça n'allait pas passer. Ça n'allait pas passer, non – il le sentait, c'était évident, ça crevait les yeux et crispait ses traits soudain plus sérieux. Ça ne marchait jamais, quoi qu'il en soit. Il ne lui en voudrait pas. Promis juré. Ou alors juste un peu, le temps d'un battement de cœur. Une seconde seulement. Haine et joie ne restaient jamais bien longtemps serrées entre ses bras.
A sa posture nonchalante, peut-être pouvait-il sembler espérer se glisser sur le côté au dernier moment ; d'un mouvement souple et athlétique, comme une anguille fière de se faufiler tout près de son adversaire au lieu de le contourner largement. Pourtant, il ne le fit pas. Il ne fit rien. Strictement rien. Pas de dérobade, pas de carte coincée dans sa manche : juste son corps immobile et la certitude tranquille qu'il ne perdrait pas.

Et il ne perdit pas.

Ses yeux se fermèrent par réflexe devant l'absence de contact et, aussitôt, il se troubla pour mieux disparaître en courant d'air glacial. Ça ne durait jamais qu'un bref instant. Ce n'était pas agréable. Passer à travers un mur était une chose ; l'inverse en était une toute autre. Que ce soit de son propre fait ou d'une réaction inhérente à sa condition, il ne parvenait jamais à rester parfaitement droit et crédible lorsque ses interlocuteurs essayaient de lui attraper la main. S'ils ne clignaient pas des yeux, peut-être...
Debout, à demi-tourné vers Camille seulement, Hannes baissa les yeux vers ses mains.

« … Oh. » Sa voix sonnait plus distante ; plus tremblante. « Raté. »

Il plia ses phalanges, comme pour vérifier que cette brève 'collision' ne l'avait pas cassé.

« Tu n'es vraiment pas doué, lâcha-t-il du bout des lèvres, souriant. Tu sais, finalement, si tu abandonnes, je t'expliquerai. Peut-être. »

Peut-être, peut-être pas. Il y avait plus d'une façon de jouer à chat.


Dernière édition par Hannes Blanchfield le Jeu 13 Mar - 19:06, édité 1 fois
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Camille Rosenthal
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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Jeu 31 Oct - 2:05

Des régiments de fourmis parcouraient les doigts de Camille, qui ne pouvait s’empêcher de les regarder se plier puis se déplier comme les pattes laiteuses d’une araignée de chair, aux griffes largement rongées. Ses yeux en parcouraient jusqu’aux moindres stries sur sa paume et aux plus insignifiants détails, s’attardant ici, là, inspectant pour s’assurer que rien ne manquait. Il les sentait pourtant, chaque phalange bien attachée à la précédente et habitée d’un froid polaire comme n’en connaissait pas Hatès. Il s’était élancé, déjà victorieux, un sourire triomphant peint sur les lèvres. Que sa Majesté daignât jouer le jeu ou se laissât attraper, il s’en fichait pas mal –une bataille remportée était tout de même bonne à prendre, arrachée ou offerte. S’il se pousse, s’était-il dit, je lui donne la chasse. Ce pauvre crétin pourra se cacher où bon lui semblera, si je lui colle au train, ce n’est pas un fichu perron ou un muret déglingué qui va lui sauver la mise. Son adversaire était fait comme un rat, et le blond se considérait comme un chat foutrement efficace, dans son genre.

Ses jambes avaient esquissé quelques foulées avant de s’immobiliser. Eh mince, se débattait sa pauvre logique dans son coin, c’est quand même bizarre. Une fois n’était pas coutume, jura Rosenthal, et elle parvint à rallier toute son attention à son combat féroce. Sans succès. D’abord soulagé d’être bien entier, il s’en trouvait maintenant franchement contrarié : un énorme trou dans sa poitrine eût expliqué qu’il n’ait pas attrapé cette sale Majesté. Voir ses bras marmoréen gésir au sol ne l’eût pas transformé en Vénus mais au moins, l’explication se serait imposée d’elle-même là aussi. Mais non, non, tout allait bien et il avait encore manqué son coup –et fichtre et foutre et merde, il en était pourtant foutrement sûr y avait pas une seconde et ça, c’était pas normal. Encore, si ç’avait été à son profit, il n’eût trop rien dit. Mais là ! Il passait pour le dernier des idiots ; oh, je me fiche pas mal de passer pour un arriéré baveux, se targuait-il, mais enfin, quand même. Quand même, oui. Il allait falloir trouver un moyen de faire cracher le morceau à ce monarque-papillon qui s’envolait sans un bruit et sans faire rouler le plus petit caillou sous sa semelle. Il esquissa un rapide demi-tour sans cesser de réfléchir.

Il y avait matière : devait-il être énervé que l’autre lui fasse remarquer un échec aussi évident, ou impressionné de ses grands talents de prestidigitateur ? Décidé à concilier les deux, il fronça les sourcils sans se forcer mais, en-dessous, un éclat fugace rehaussait ses yeux trop pâles et trop facilement bernés.

« Tu n'es vraiment pas doué. Tu sais, finalement, si tu abandonnes, je t'expliquerai. Peut-être. »

Agacé, Camille décroisa les bras –quand les avait-il croisés, d’ailleurs ? Ses mains étaient encore moites d’être parvenues à embrasser l’air, mais il ne s’en souciait pas, pour peu qu’il le sût simplement. Le petit allait rarement chercher très loin. Il lui arrivait de se dire que si dieu l’avait voulu autrement, il lui aurait donné un nez plus long ; pour une fois dans sa vie, ça ne le dérangeait pas tant que ça, d’être en accord avec les divins Desseins de leur Respectable Créateur un peu bigleux. Il fallait régler les problèmes de première importance en premier, et ce n’était pas le genre d’offense auquel il pouvait se permettre de ne rien répondre du tout :

« Je suis très doué, nia-t-il d’un air convaincu. Au pire, tu l’es un peu plus, mais alors juste un peu. A ton âge, je serai pareil. Non, mieux. »

Ces concessions faites, César n’était que trop satisfait d’avoir récupéré ce qui lui appartenait : la gloire éternelle d’avoir été le meilleur chat au monde n’allait pas lui échapper si facilement. Pourtant en dépit de ces paroles bravaches, il hésitait à se lancer à nouveau à la poursuite du jeune homme. C’était plus fort que lui. Il n’y pouvait rien.

« J’abandonne pas, se justifia le gamin au ton déjà coupable, je fais juste une pause pour réfléchir à… Ma stratégie. Exactement. Comment t’as fait pour… »
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Hannes Blanchfield
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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Sam 23 Nov - 4:24

Fasciné par le mouvement de ces doigts faits de chair d'os et de sang, Hannes fut presque déçu de voir le garçon se retourner. Il avait de jolis yeux, pourtant ; le bleu ne lui plaisait certes pas tant que le rouge, mais il avait toujours trouvé une certaine beauté aux doux reflets d'un regard clair. Bleu comme le ciel, bleu comme la mer – du bleu comme on en voit plus, une fois six pieds sous terre. Un bleu trouble et changeant ; immobile et souriant, le jeune homme s'en excusa en silence. Si seulement il avait pu respecter les règles, il aurait aimé jouer sans allumer la moindre lueur d'incompréhension dans les yeux de qui que ce soit. Être effleuré, peut-être même touché – rouler à terre et entendre l'autre le traiter d'incapable, être poussé sans ménagement de son trône. Se salir, revenir chez lui couvert de terre. S'abîmer l'ego sur des sourires trop fiers. Perdre, tout simplement. Jouer vraiment.
Dans un souffle perdu depuis longtemps, le souverain adressa ses regrets au vent. Qui aurait gagné, dis moi ?

« Je suis très doué. Au pire, tu l’es un peu plus, mais alors juste un peu. A ton âge, je serai pareil. Non, mieux. »

Son rire s'envola sans même froisser l'air qui l'entourait. A son âge, il serait sans doute bien loin d'ici ; disparu, en paix, et qu'en savait-il au fond. Pas à errer sans but, s'il fallait lui souhaiter le meilleur. Gagner à chat pour l'éternité n'avait rien de drôle. Pas si l'on aimait ses proches, pas si l'on voulait avoir des enfants et les voir grandir – pas si l'on tenait à ce que la mort soit un point et non une fichue virgule. Est-ce que Camille aurait fini comme lui, s'il avait réussi à le pousser dans ce puits ? La question méritait d'être posée. Peut-être ; sans doute, même. Hannes avait connu d'autres esprits, mais peu étaient restés aussi longtemps que lui. Ils avaient dû... Ranger leurs affaires. Faire leurs adieux. Passer à autre chose, s'apaiser et toutes ces idioties qu'on vous recommandait de faire pour peu qu'on ne s'enfuie pas en courant après avoir voulu vous agripper le poignet.
Seulement après une centaine d'années, tout était plus compliqué. Il n'aurait même pas su dire ce qui le retenait ici au juste.
Doucement, comme absent, le jeune homme se balança d'avant en arrière sur ses pieds. Pour l'instant, plus que comment passer de l'autre côté, ce qui lui importait était de trouver comment perdre ou gagner. Un problème après l'autre.

« J’abandonne pas,  je fais juste une pause pour réfléchir à… Ma stratégie. Exactement. Comment t’as fait pour… »

Ah... Alors, Hannes – comment ?
Un sourire indéchiffrable aux lèvres, le spectre rit de ces interrogations séculaires auxquelles la réponse persistait obstinément à faire défaut. Ce n'était pas que l'incompréhension des autres l'amusait. Ce n'était pas non plus qu'il était condamné au silence – parce que qui l'y aurait obligé, et en le menaçant de quoi ? Avoir quelque chose à perdre était le privilège des vivants. Non, s'il en avait envie, il pouvait parfaitement dire tout ce qu'il savait. Rien ne l'en empêchait. Seulement ça... Pas de chance, eh. Il n'en savait pas plus que le commun des mortels. Ce qu'il faisait là, de quoi il était fait ou comment ça marchait, personne n'avait jugé bon de le lui expliquer.
Soudain dubitatif, presque solennel, il finit par hausser les épaules ; en quelques pas, il revint ensuite se placer près du puits.

« Je ne sais pas... Comment fais-tu pour être heureux ? » Bras tendu, il frôla la pierre humide. « Et comment fais-tu pour toucher ça, dis moi ? Je peux le faire, c'est tout. »

L'espace d'une seconde, ses traits se troublèrent comme ces silhouettes que l'on observe à travers du brouillard. Il aurait tant aimé pouvoir se rappeler ce que ça faisait, de toucher quelque chose. Sentir le froid. Le chaud. L'humide et l'amer, le salé et le rêche. Ça faisait beaucoup trop longtemps ; le souvenir de ces sensations lui avait définitivement échappé.

« Disons que... »

Sans effort autre que celui du parfait mime, Hannes se hissa debout sur la margelle.

« Si tu demandes à un enfant d'attraper quelque chose de bien trop haut pour lui, vois-tu, il part perdant ; c'est à ce genre de jeux que nous jouons. Je suis le quelque chose, tu es l'enfant. »

Bras tendus sur les côtés pour garder l'équilibre, il leva un pied au-dessus du vide. Sa mère aurait hurlé.

« A cela, tu pourrais me dire qu'il suffirait donc de prendre une chaise ; seulement dans ton cas, une échelle ne suffirait pas, ajouta-t-il d'un air désolé. On va perdre tous les deux, à moins que tu n'aies vraiment envie de m’attraper. Comme si... Ta vie en dépendait, par exemple. »

Son pied retrouva le confort relatif de la pierre ; peu gêné de faire ce qu'il avait interdit à Camille quelques minutes plus tôt, il pivota sur lui-même et tendit sa main dans sa direction.
Alors, tu abandonnes ?

« Si tu ne m'attrapes pas, je saute. Tu en penses quoi ? »


Dernière édition par Hannes Blanchfield le Jeu 13 Mar - 19:08, édité 1 fois
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Camille Rosenthal
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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Dim 9 Fév - 20:09

Les sourcils froncés dans sa concentration, le gamin chercha une réponse satisfaisante à donner à son comparse. Finit par conclure qu’on devait se ficher de lui pour poser des questions pareilles : sans queue ni tête, et complètement hors de portée. On n’expliquait pas le bonheur, on ne pêchait pas la lune, on n’atteignait pas le pied d’un arc-en-ciel, les choses étaient aussi simples que cela. Le cerveau de Camille, qui aux « pourquoi » rétorquait toujours « parce que », avait fini par s’oxyder et prendre une vilaine teinte vert-de-gris. Il avait beau gratter la rouille sur les rouages, rien ne venait. La machine ne s’emballait pas. Au mot « heureux », elle se contentait de crachoter des haussements d’épaule sans beaucoup l’avancer. On l’était ou on ne l’était pas, le plus souvent on ne l’était pas mais on aimait bien croire qu’on l’était quand même, lui l’était de temps en temps et parfois il s’en rendait compte, tantôt on l’est, tantôt on ne l’est pas, on ne se prenait pas la tête, on montait jusqu’au faîte d’un arbre et on se cassait la jambe en tombant et on l’était quand même, sans raison.

Ça arrivait, que des choses arrivent sans raison. Sa Majesté courait après des courants d’airs à trop chercher le fantôme qui avait pu fermer la porte. Alors lui demander à lui qui exactement lui hantait la caboche, c’était sacrément culotté et foutrement injuste. Rosenthal voulait son histoire et plus encore, il tenait dur comme fer à connaître le fin mot de son petit tour de passe-passe. Demande à un général de se changer en mouette, grogna-t-il, t’auras pas plus de résultat. C’était un abruti ou un parfait salaud. Un magicien un peu fou peut-être ; un original en tout cas.

C’était un qualificatif que l’enfant, du haut de ses propres extravagances, accordait rarement.

« Si tu demandes à un enfant d'attraper quelque chose de bien trop haut pour lui, vois-tu, il part perdant ; c'est à ce genre de jeux que nous jouons. Je suis le quelque chose, tu es l'enfant. »

Les plis sur son visage ne se lissèrent pas. D’autres sillons vinrent même creuser quelques nouvelles ridules au coin de ses yeux. Les métaphores, les livres, le ballet des feuilles d’automne ou dieu seul savait quelle dentelle éphémère sur une moire piquetée de sel ne lui inspiraient rien de bon. Un instant, il jura que si ce type n’était pas plus clair, il allait l’étrangler. Disons que, disons que, on ne disait rien du tout quand on n’avait rien de mieux que ça à dire. On pouvait tout aussi bien se taire. Le babillage incompréhensible de son vis-à-vis lui tapait sur le système : il était bien trop bavard pour être son ami. Ce village quant à lui demeurait, par comparaison, affreusement silencieux.

« A cela, tu pourrais me dire qu'il suffirait donc de prendre une chaise ; seulement dans ton cas, une échelle ne suffirait pas. On va perdre tous les deux, à moins que tu n'aies vraiment envie de m’attraper. Comme si... Ta vie en dépendait, par exemple. »

Une chaise, une échelle, un seau, trois encyclopédies, une petite table, une autre chaise, qu’importait : le petit pensait pouvoir se dégotter suffisamment d’objets à empiler pour attraper ce que bon lui semblait –le problème ici résidait plutôt en ce qu’il ne savait fichtrement rien de ce qu’il était censé attraper au juste. Ce garçon n’était pas si grand, même monté sur la margelle. Quelque chose passait au-dessus de la tête de Camille, qui la leva une brève seconde comme par réflexe –un goéland, rien de plus, et moins encore un quelconque éclair de compréhension. Hannes tendit la main vers lui, paume ouverte, et son regard remonta le long de son bras jusqu’à son visage encore souriant. Un pied dans le vide, puis de nouveau sur la pierre glissante, cet idiot risquait de tomber à la renverse. La situation eût pu donner un haut-le-cœur aux moins braves, mais le blond n’avait jamais eu peur des chutes. Ni pour lui, ni pour les autres. Sa poitrine se serra à peine.

« Si tu ne m'attrapes pas, je saute. Tu en penses quoi ? »

Elle le fit tout de même et il considéra ce qu’on lui disait. Comprit qu’il allait encore se moquer de lui en s’éclipsant au dernier moment. Sut que le mieux était de ne pas rentrer dans son jeu. De toute façon, il s’en fichait.

« J’en pense que j’en ai rien à faire, que tu sautes, déclara-t-il de but-en-blanc. Si t’as envie de mourir, c’est ton affaire. »

Un temps. Il reprit :

« Tu le feras pas. »

C’était presque une mise au défi. Personne ne le ferait –tu le ferais, toi. Camille ne le lâcha pas des yeux, le souffle bloqué dans sa gorge. Moi, je le ferais.
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Hannes Blanchfield
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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Sam 15 Mar - 4:19

Je te promets qu'on sera bien là-bas ; je te promets des fleurs, pourvu que tu ne t'en fiches pas.

Regard fixe, bras lourd mais toujours tendu, Hannes garda ses yeux rivés sur le visage du garçon. Évidemment, qu'il s'en moquait. Il n'avait aucune raison de vouloir l'empêcher de se briser la nuque. Pas même un peu d'empathie. Ni de sens commun. Celui-là devait en manquer ; et, après tout, ils n'étaient que des étrangers l'un pour l'autre. Combien de temps avaient-ils pu parler ensemble ? Sa notion des heures et des secondes était aussi fiable qu'une horloge arrêtée au hasard du coup qui l'avait brisée. Ça pouvait faire... disons, une heure, dix minutes, cent-vingt-cinq secondes ? A partir de quand passait-on de visage inconnu à connaissance, et de connaissance à ami ? Il n'en avait plus la moindre idée, s'il l'avait jamais su – il ne l'avait probablement jamais su. Ce qui lui restait de mémoire lui chantait que non et, curieusement, il était tenté de la croire. Les connaissances étaient restées des connaissances. Il manquait quelque chose à son mode d'emploi. Une touche d'égocentrisme en moins, peut-être. Sans doute.

Alors ne t'en fiche pas.

« Tu le feras pas. »

Doucement, comme à regret, il ramena son bras à lui. Au lieu de le laisser retomber le long de son corps, il préféra serrer ses deux mains contre sa poitrine ; ça faisait mal à s'y méprendre, là-dessous. Plus de cœur, boum boum. Il s'en faisait pour rien. Il s'en faisait toujours pour rien. Rien ni personne ne pouvait l'empêcher de faire ce que bon lui semblait : il n'avait qu'à tendre le bras. Faire un pas en arrière. Ouvrir les yeux. Le simple fait de se sentir réticent à la chute, impuissant à toucher qui que ce soit, incapable de gagner à un foutu jeu sans s'emmêler dans des réflexions sans queue ni tête au risque de s'y perdre, toutes ces choses si proches et pourtant hors de portée le plongeaient dans une colère noire. Ça n'aurait pas dû être comme ça. Ça n'avait pas à être comme ça. C'était lui, le roi. Lui lui lui lui lui lui lui –
Et lui aussi, il pouvait vouloir jouer bêtement avec sa vie.
Rendez la moi.

« Tu crois ? »

Bras de nouveaux détendu contre ses côtés, tête légèrement penchée, il pinça les lèvres ; avec ses sourcils froncés, on aurait presque pu le dire boudeur. Vexé, du moins. Et il l'était. A peu près autant qu'il était triste et en colère, en tout cas – mais comme toujours, ces sentiments étaient si volages et passagers qu'il ne prenait plus la peine d'y faire attention. Sa poitrine était comprimée d'air froid ;  la température sous ses doigts avait suffisamment baissée pour que la différence eut été perceptible. S'il n'était pas mort bêtement, il l'aurait senti. S'il n'était pas mort bêtement, ça n'aurait pas été là. Lui non plus. La réflexion était aussi stupide qu'inutile ; il soupira entre ses dents. Les changements d'humeur étaient aussi fréquents qu'imprévisible, avec lui.
Je t'aime, je t'aime pas, sois heureux, éclate toi le crâne contre un rocher... Que de vagues nuances, hein ? Il aurait voulu lui apprendre à aimer la mer.

Ou lui plonger la tête dans le puits.

« Tu es complètement sûr que je ne le ferai pas ? Parce que je le ferai, tu sais. Et voir quelqu'un mourir... »

Son ton de voix plus que son visage annonçait la tempête. Doucement, il se mit à se balancer sur ses pieds ; imprudent ou juste indifférent, complètement stupide et suicidaire pour quiconque l'aurait cru de chair et de sang. Il ne risquait rien. Voulait risquer quelque chose.
Voulait que Camille le croit en danger, juste pour se sentir retenu. Être ignoré faisait beaucoup trop mal. Comme un enfant en mal d'attention, Hannes recherchait la reconnaissance partout où il pouvait la trouver : quitte à terroriser, c'était peu cher payé.

« Ça fait pas rien. Gamin stupide. »

Sans se soucier d'éventuelles protestations de la part de son jeune ami, le spectre revint poser ses deux pieds au sol. Une fois debout, il se rassit ; recula sur la pierre comme à la recherche d'une position plus confortable, croisa ses chevilles et, dans un mouvement oh combien naturel puisque tant de fois inconsciemment répété, se laissa tomber en arrière. Ses mains, d'abord serrées contre le rebord, lâchèrent à leur tour pour tenter d’attraper le fond.
Le vide se referma sur du vide. Évidemment.
Il avait déjà saisi la main de personnes affolées ou tristes à en mourir. C'était tout ce qu'il demandait.

« Je meeeeeurs, chantonna-t-il en fermant les yeux ; puis, plus sérieux, il les plissa sur une réflexion distraite. Je suis sûr que quelqu'un a dû se tuer ici. Mais qui... »
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Camille Rosenthal
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Spoiler:

Camille hocha vigoureusement la tête : oui, il croyait. Il croyait même vraiment –dur comme fer, mordicus, croix de bois croix de fer, si je mens je vais en enfer. Ce type s’était fichu de lui une centaine de milliers de fois. Il était évident qu’il le ferait encore. Quel imbécile eût pu sauter depuis la margelle d’un puits, se briser les bras, se briser les jambes, se briser la nuque contre les parois de pierre humides et tomber comme un sac d’esquilles dans une mare d’eau glacée, quelques mètres plus bas ? Pas grand-monde, conclut-il. Encore fallait-il soustraire à ce résultat tous les irrésolus peureux qui, indécis à en mourir, se seraient cachés derrière de grandes raisons avant de franchir le pas qui les séparait du vide. Sa Majesté était peut-être bizarre, elle l’était même à tous les coups. De là à s’inscrire dans le cercle limité de l’aventureuse minorité capable de laisser sa vie s’envoler quelques secondes pour la simple beauté du geste, il y avait une marge d’un genre plutôt conséquent. Il allait pas sauter, ça non, il pouvait pas le faire. Il y avait trop pensé. Il s’était pas vidé la tête. Elle était pleine de conneries trop lourdes pour qu’il vole. Alors, oui, il était sûr de chez sûr.

Il lui restait peut-être un petit doute. Parce qu’ils n’étaient pas nombreux –mais il fallait bien qu’il y en ait quand même, des gens comme ça. Et il en connaissait si peu. Le blondinet sentit peu à peu l’incertitude le gagner et ronger ses idées en contreplaqué pour dégager un drôle d’horizon peuplé d’inconstance et de flottements. Il avait presque envie qu’il passe le pas, qu’il quitte le confort relatif de la pierre, blessé à mort dans son amour-propre. Il n’aurait dépendu que de Rosenthal de le remonter ou non. Il n’aurait dépendu que de dieu ou du hasard qu’il se transforme en joli cadavre avant que lui ne se soit décidé. C’était excitant, et inquiétant. La nuit, il retenait parfois sa respiration suffisamment longtemps pour entendre le vent souffler dehors et des grattements à sa fenêtre –et s’il se taisait, c’était uniquement pour les entendre. En l’occurrence, il aurait donné ses poumons pour un beau plongeon, quoi que l’autre en dît.

« Ça fait pas rien. Gamin stupide. »

Hautement vexé, le gosse donna un coup de talon au sol et baissa la tête. Qui était-il, pour se permettre de l’insulter comme ça ? A peine plus vieux que lui, et le voilà qui le traitait de gamin, et stupide par-dessus le marché ! Il ne fallait quand même pas abuser : les années comptaient beaucoup quand on était encore un enfant, mais pas à ce point. Et quand bien même, quelque part dans sa tête et au coin de ses lèvres, Camille était persuadé de n’en être plus un. J’ai vu des rats crever, manqua-t-il de répondre tout de go. J’ai tué un chat ou deux et j’ai lancé des cailloux sur des oiseaux pas plus gros que mon poing, et c’était triste, et je le vis assez bien pour que voir un con faire le saut de l’ange ce soit pas si grave que ça. Pris d’un nouveau doute, il n’en fit rien.

Fallait pas abuser, oui. Comme il s’y était d’abord attendu, son vis-à-vis descendit de son perchoir pour regagner le plancher. S’assit. Croisa les chevilles. Se laissa tomber à la renverse. Camille le dévorait des yeux, même s’il ne pouvait pas le voir. Ce connard ne mourait pas ; mais, bon dieu, il en était tout proche.

« Je suis sûr que quelqu'un a dû se tuer ici. Mais qui... »

Comme hypnotisé par l’autre garçon, Rosenthal ne répondit pas ou, tout du moins, il fallut à son cerveau quelques secondes pour procéder. Lorsqu’il le fit, il fut le premier surpris d’entendre un tremblement malvenu agiter son timbre clair, sans pour autant tenter de l’atténuer. Il était bien trop absorbé pour ce genre de mouvement de sauvegarde d’une quelconque fierté. Celle-là pourrait bien se débrouiller toute seule.

« Toi, bientôt, lâcha-t-il, le bras tendu, sans oser s’approcher. On n’a pas fini de jouer… Comment je t’attrape, si tu te laisses tomber. Tu peux pas la crier depuis le fond ton histoire, ta Majesté. »

Un pas, puis un ou deux autres l’amenèrent aux abords du puits, glacé sous la paume de ses mains. Il se pencha, comme pour évaluer la distance. Peine perdue. Son explication restait un brin égoïste, mais elle tenait la route et elle était foutrement sincère. Il agita la tête, apparemment face à un insoluble dilemme –il avait même froid.

« Ce sera un jeu pour une prochaine fois, décida-t-il avec une sorte d’empressement plein d’aplomb et un rire d’admiration nerveuse. Lequel tient le plus longtemps –lequel tombe en premier. Je veux pas y jouer maintenant –mais personne d’autre voudra faire ça, c’est sûr. »

Allez, monsieur le magicien ; il tendit le bras vers lui. Cet idiot-là, il aurait sauté. Peut-être que c’était pour ça qu’il n’y en avait pas beaucoup. Dès qu’ils devenaient intéressants, ils s’en allaient. C’est pour ça que Camille jouait le plus souvent en tête-à-tête avec lui-même. Mais c’était lassant. Il préférait un reflet qui ne lui ressemblât pas. Un peu comme celui-ci, là.
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Hannes Blanchfield
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MessageSujet: #imtotallyhighYOLO   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Ven 4 Avr - 6:49

Bien sûr, que quelqu'un s'était déjà tué ici – bien sûr que bientôt, lui aussi. Sauf que non. C'était bien tenté, cela dit. C'était joli. Il aurait aimé lui répondre qu'il n'avait pas la moindre idée de comment s’attraper, plutôt que de s'énerver à constater qu'ils étaient deux à l'ignorer. Il aurait aimé beaucoup de choses, comme beaucoup de monde ; ce n'était pas juste, c'était comme ça. S'il voulait le plonger tête la première dans le puits, peut-être le ferait-il. S'il espérait ne pas en arriver là, peut-être que personne ne répondrait à ses prières. Peut-être le laisserait-on faire. Il n'était pas toujours très sûr de se comprendre : parfois, il se faisait peur. D'une minute à l'autre, rien n'était tout à fait pareil. Ça allait et venait sans lui laisser le temps de chercher à assimiler. « Je te tue, je te garde, je te tue pour mieux te garder, j'ai encore envie de jouer, reste, reste. J'ai encore envie de te raconter moi, moi, moi. Moi. »
Tellement égocentrique. Mais il ne tomberait pas ; ne mourrait pas ici, pas bientôt, même si le sang lui montait à la tête que ça faisait plus de peur que de mal et que pourtant il avait mal, mal. Les pierres ne criaient pas plus que les souvenirs, quoi que les deux réussissaient à rendre sourd. Il connaissait cette histoire par cœur. Aucune raison de trembler pour le protagoniste.
Mavinn ne le lâcherait pas. C'était comme ça. Deux mains autour de sa cheville et encore de belles années devant lui, même si elles ne serviraient à rien.
… Et ce qu'il pouvait avoir froid.

« Ce sera un jeu pour une prochaine fois. Lequel tient le plus longtemps –lequel tombe en premier. Je veux pas y jouer maintenant –mais personne d’autre voudra faire ça, c’est sûr. »

Yeux clos, parfaitement paisible, Hannes laissa glisser d'entre ses lèvres la toute première note de sa berceuse. Seule, elle ne voulait pas dire grand chose. A, e, i, o ; combien d'autres lettres autour pour leur donner du sens... il se le demandait. Eau, abruti, abracadabra, bon débarras. Pas a. Ça ne voulait rien dire, c'était stupide. Il détestait ça. Doigts tendus dans le vide, vide abandonné au fond du puits, il étouffa souhaits et peur panique loin au fond de ses yeux magenta. Il voulait être un mot, une phrase, un livre – mais par pitié, pas moins que ça. Pas moins que toi.
Il voulait cette main et ces doigts et tout ce qu'il y avait après, de la chaleur moite du bord de mer aux frissons qui pouvaient bien ramper sous sa peau. Camille n'était pas si méchant. Lui non plus, sûrement. Il avait simplement des cicatrices invisibles que ni le temps ni les sourires ne sauraient réparer. Un mal-être trop profond qui lui brouillait la vue aussi clairement que l'auraient fait des larmes.

« Est-ce que tu sais ce que ça fait, quand... »

Sans efforts, sans écho, sans rien, il revint agripper sa main gauche au rebord et tendit la droite vers celle du garçon. Et il eu beau espérer, dents serrées, rien n'y fit. Ça ne pouvait juste pas fonctionner. Ses doigts, évanescents, le frôlèrent sans le frôler. Rien qu'un courant d'air. Et c'était tellement stupide ; ça faisait des dizaines, et des dizaines, et des dizaines, et des dizaines, et des dizaines d'années qu'il reproduisait les même schémas sans en accepter le dénouement. Il aurait dû être habitué. Ce n'était pas si compliqué. Tout le monde y arrivait, alors pourquoi pas lui ? Laisser tomber, oublier, soupirer...
Lèvres pincées, il serra sa main droite sur le rebord et parvint à se hisser sur la margelle.

« … Tu joues à cache-cache et que personne ne te retrouve jamais ? »

Une lueur de mélancolie traversa ses jolis yeux ; il voulait la lueur qui brillait dans ceux-là, leur éclat et même leur couleur. Il voulait que ce garçon vive longtemps et ne revienne pas l'ennuyer après. Il ne savait pas ce qu'il voulait. Jouer avec sa Magnificence était déjà beaucoup demander, et la comédie avait ses limites. Si seulement il avait pu l'agripper, il aurait pu vouloir le lâcher.

« Moi pas. » Menteur ; il éclata de rire. « Mais je veux bien te raconter une histoire. Tu restes, d'accord ? Si tu t'en vas, je te pousse dans le puits. Pour de vrai, cette fois. »

Le sourire d'Hannes s'évanouit en même temps que les traits de son bras et de tout son corps lorsqu'il tendit bêtement le bras pour tenter d'attraper le sien. Comme un ricochet dans l'eau fait voler un reflet volage en éclat.
Il ne voulait plus de ces battements de cils qui le faisaient disparaître. En avait assez de boire la tasse et d'avoir le hoquet.

Alors reste quand même. Sinon on jouera plus tôt que prévu.

WELL :
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Camille Rosenthal
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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Sam 24 Mai - 23:54

C’était fascinant. Un peu effrayant, aussi ; mais quelles choses ne l’était pas, lorsqu’elles étaient capables de conserver la touche d’intérêt lumineuse qui captivait le regard et s’accaparait toute votre attention ? Camille n’était pas curieux, pas vraiment. Il s’ennuyait seulement beaucoup. Accompagné d’une dizaine d’amis râleurs, enjoués, enthousiastes, fatigués, fanfarons, brillants, bêtes, modestes, aurait-il prêté attention à ce garçon ? Il n’en était même pas certain. Il aurait raté quelque chose, sûrement, quoiqu’il ne sût pas exactement ce dont il s’agissait. Le rien ne l’attirait pas aussi irrémédiablement que ces éternels pessimistes suicidaires, et s’il ne pouvait se garder de fixer ce type, ce devait être pour une bonne raison. Un malaise immonde le saisit à l’estomac, un haut-le-cœur lui secoua la poitrine alors qu’il fronçait les sourcils, dubitatif. Sa Majesté était bizarre, le Véritable Roi des Iniques Tordus de cette humble contrée. Visiteur, conquérant, noble émissaire, au diable ces conventions et au diable l’étiquette : leurs coutumes se ressemblaient tout en arborant des couleurs qui n’auraient pas pu être beaucoup plus différentes. Si Hannes s’était exprimé plus clairement, s’il avait laissé tomber ces divagations sans queue ni tête et ses énigmes sans solution, Rosenthal aurait pu rire de bon cœur. Au lieu de quoi un simple sourire, ni heureux ni perplexe, ornait ses lèvres. En bon contempteur de la logique qu’affectionnaient tant ses pairs, il admirait le raisonnement absurde de son compagnon. Mais à moins de prendre une certaine distance, il n’arriverait jamais à le suivre.

Ce dont il était tout à fait incapable, debout à côté de la margelle où ce parfait crétin avait décidé de jouer au funambule d’opérette. Il était trop concerné, à présent. Qu’il tombe ou ne tombe pas, qu’il se redresse ou se transforme en cochon pendu, qu’il se taise ou qu’il parle, cela ne changeait plus rien pour le blondinet. Dans tous les cas de figure imaginables, le spectacle lui était spécialement adressé. A lui ou un public invisible dont il se faisait le digne représentant. Un public d’air, de courants d’air, de coups de vents. Parfumé à l’iode et aux silhouettes fragiles de sel de mer, sans doute. Cela lui parut d’autant plus vrai que l’autre continuait à poser de drôles de questions. Camille décida qu’il n’avait pas besoin de comprendre. C’était pas franchement essentiel à sa survie, tout ça. Savoir ci, ça, se débrouiller pour débrouiller un imbroglio improbable, croire que oui, que non, expliquer, induire, déduire, c’était bon pour les gens intelligents.
S’autoproclamant macaque écervelé, il choisit d’hocher la tête sans même se donner la peine de faire semblant. Eh bien, oui, il voyait, ou du moins il pouvait cerner l’idée –en gros. Personne ne le trouvait, quand il jouait à cache-cache, mais c’était bien parce qu’il y jouait tout seul, auquel cas l’issue ne faisait dès le départ pas le moindre doute. Ou parce qu’il jouait avec de nombreux inconnus qui ne connaissaient ni le nom des uns, ni le nom des autres et ne savaient pas compter. Que certains soient laissés pour compte dans leur cachette imprenable, c’était assez inéluctable, dans son genre. Il sortait de sa cachette, allait dévorer une part de tarte, et faisait simplement autre chose, ravi, ou presque, de pouvoir considérer avoir remporté la partie. Perdre sans cesse à cache-cache, voilà qui devait être difficile pour son vis-à-vis. Au vu de l’agilité avec laquelle il parvenait à s’évanouir dans un souffle, le gamin aurait pourtant pensé qu’il lui aurait été facile, facile comme bonjour d’être sacré champion toutes catégories. En un tournemain. Facile comme…, eh, comme ça.

Il avait l’air de bien le prendre, songea Camille en notant que s’il y avait là des implications plus profondes, elles pouvaient bien aller se faire mettre. Il regardait toujours l’autre, assis pas très loin, voire même assez près. Il acceptait finalement de lui raconter une histoire, son fichu conte, sa foutue fable, celle qu’il lui réclamait comme certains enfants pouvaient en réclamer avant d’aller se coucher. Les menaces, il n’en avait cure. Il était bien placé pour savoir qu’elles n’étaient là pour faire joli, et à moitié seulement pour effrayer. Il fallait savoir vivre avec, ce qu’il faisait d’ailleurs à merveille. Ce n’était donc pas la peur de passer cul par-dessus tête dans le puits qui lui nouait la gorge ; mais quoi, alors ? Hannes sourit, tendit le bras, avant de disparaître comme une nuée de papillons transparents. Il avait beau être assis pas très loin, voire même assez près, et avoir posé la main sur son bras –il en était sûr, ça aussi, il le croyait– il semblait être ailleurs. Quoi de surprenant à ce qu’il le fut vraiment, en ce cas ? Quoi d’étonnant à ce que ce garçon ne soit pas assis avec lui ? Rosenthal ne put pourtant retenir une inspiration surprise, pas plus que ses yeux ne purent éviter de s’écarquiller et scruter, sans grand espoir, le terrain à l’entour. Son esprit, même s’il fonctionnait au ralenti, commençait à faire quelques liaisons à son insu, mais ces ébauches étaient encore bien trop brouillonnes pour qu’il fût en mesure de les interpréter, ou en manifestât seulement l’envie. Perdu, un rien décontenancé, et déçu de ne pas avoir eu le temps d’acquiescer, le petit se laissa tomber avec une incommensurable grâce sur le sol, le dos appuyé contre la pierre délicieusement froide. Eh bien, eh quoi, eh… Eh merde, probablement, voilà qui aurait été de circonstances.
C’était bien beau de lui intimer de rester, puis de s’envoler dans les airs ! Sans lui donner d’histoire, sans –rien, en fait. Têtu, buté, intrigué peut-être, ou quoi que ce soit d’autre, difficile à dire. Mais Camille ne bougea pas d’un iota, silencieux uniquement parce qu’il ne savait pas quoi dire.

« Rester où, maugréa-t-il pour lui-même, y a rien, ici… »

Peut-être qu’il était juste frappé. Un peu délirant. Trop chaud, trop froid, trop d’imagination, quelque chose de ce goût-là. Il remonta ses genoux contre sa poitrine et écrasa son front dessus, décidé à observer le sol plus qu’autre chose. Dur, tangible. Là.

« Tu veux que je reste alors que je t’insulte ? Si t’es pas décidé, je commence pour toi : il était une fois… »

Il s’arrêta pour réfléchir, l’espace d’un instant, à ce qu’il pourrait bien y avoir été, une fois. S’il ne regardait pas autour de lui, l’autre pouvait tout à fait être là. Et au pire, il aurait simplement l’air d’un fou, à disserter tout seul. Ce ne serait pas la première fois.

« Il était une fois, reprit-il, un roi qui ne perdait jamais contre personne. Il n’avait peur de rien. C’est un bon début, Ta Majesté ? »
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Hannes Blanchfield
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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Ven 30 Mai - 16:38

Jouer, jouer, jouer.
Dis, tu me laisserais te tuer ?
Hannes n'était plus vraiment là mais l'observait toujours, spectateur obligé d'un spectacle auquel lui-même avait un jour participé. Délaissé, abandonné, il faisait aujourd'hui plus que jamais pâle figure à côté de ceux qui avaient volé sa place de roi sans peurs ni reproches. On la lui avait volée. Volée, volée, volée, volée – il en tordait ses lèvres pâles de colère, perdu quelque part entre l'air et les souffles glacés dont il était composé. Pour toujours et à jamais. Il avait mal sans rien ressentir, pleurait sans que ses joues ne puissent rougir. On lui avait enlevé l'essence mais pas l'habit : il ne pouvait plus faire semblant et pourtant, les raisons de vouloir se lancer dans une mascarade sans queue ni tête étaient toujours là. On pouvait toujours le lacérer, simplement il ne saignait plus.  On pouvait le mépriser, le rejeter, l'oublier, l'ignorer – rien de tout ça n'était trop difficile pour un être vivant là où lui peinait à ne serait-ce que se faire voir ou bouger une tasse. Il commençait pourtant à se débrouiller. Quel beau Poltergeist. Il en aurait effrayé, des personnes, avant de ne se lasser des cris et des prières angoissées. Ça ne changeait rien. Il ne venait pas d'un quelconque endroit infernal, ne pouvait pas être chassé en récitant des paroles auxquelles le sens manquait après tant d'années sans être prononcées. Parfois, pourtant, on réussissait à l'écarter. La magie faisait des miracles. A moins que ce ne soit lui qui s'auto-persuadait qu'elle en faisait ? Il n'en avait aucune idée, mon Dieu, aucune, aucune...
Tu me laisserais, alors, si je te demandais poliment ?
Il n'en pouvait plus de jouer seul. Tout ce qu'il demandait, tout ce qu'il voulait vraiment, c'était retrouver une personne avec qui partager ne serait-ce qu'un instant d'humanité. Il ne voulait pas que Camille s'en aille. Il avait besoin de lui en cet instant plus que quiconque aurait jamais besoin de lui, dépendant de sa présence et de son attention au point où ç'aurait pu en être, au prix d'une ironie cruelle, une question de vie ou de mort. S'il le lâchait, il s'envolerait comme un ballon emporté par les vents. Aussi simple que ça. C'était sa main contre la sienne, ses yeux rivés sur ce qui restait de lui, ce qu'on pouvait encore en voir. Le halo sur sa tête ne cessait de glisser pour l'étrangler. Il avait mal. Rien pour se débarrasser de la douleur. Rien de moins qu'une folie visqueuse et collante coulant sans cesse le long de ses yeux et de sa bouche. Il n'en pouvait plus. Souvent, il espérait mourir. Avant de se souvenir que c'était impossible. Qu'il n'y avait pas de sortie pour lui. Qu'il n'y en aurait peut-être jamais, après tant de temps passé entre deux mondes. La subtile différence entre le soir et la nuit. L'ombre qui ne se cache jamais, c'était lui.
Alors, parfois, juste parfois...
J'ai envie de t'étrangler.

« Ce roi avait un rival aussi grand que beau. Ce rival avait une petite sœur. Le roi, lui, n'appréciait ni l'un ni l'autre ; il pensait la réciproque évidente. »

De nouveau assis près de Camille, il lui adressa un sourire triste. Quel joli roi il faisait, n'est-ce pas ? Tout de courants d'air et de soupirs, de regrets et de non-dits qui plus jamais n'auraient la chance de venir fleurir sa tombe. Il ne voulait plus dire au-revoir à qui que ce soit. Le jour où les autres avaient arrêté de pleurer, c'était lui qui avait commencé à le faire. Se sentir oublié était la pire chose qui soit. Ses neveux ne l'avaient même pas connu. Quelle triste fin pour quelqu'un qui avait tant devant lui. Un si bel avenir réduit en cendres.

« Un jour, par accident, il tua la sœur de son rival. Sans s'en rendre compte, sans faire le rapprochement – le poison qu'il avait pris pour un médicament. »

Sa tête penchée sur le côté, il étouffa une grimace. Raconter sa vie ne lui faisait jamais du bien. Pourtant, il adorait ça.
Allez savoir.

« Alors lorsqu'il comprit, le rival du roi tenta de le tuer. Il le prit par surprise et faillit bien le noyer ; une fois sorti de l'eau, ses doigts refermés sur sa gorge, il essaya de l'étrangler. »

Une main sur l'épaule opposée, il fit attention à respirer correctement. Il n'avait aucun besoin de le faire mais les réflexes avaient la vie dure ; avoir l'impression d'étouffer ne faisait de bien à personne. Fantôme ou pas.

« Malheureusement, en voulant le sauver, la sœur du roi perça son cœur de son épée. Elle avait visé le flanc de son ennemi ; tragicomédie. Ou peut-être tragédie tout court. »

Un peu de sang tâcha s’imprégna au tissu de sa chemise sans qu'il s'en inquiète. Ça faisait ça, souvent. Souvenirs réticents à faire demi-tour. Il ne risquait rien s'il avait déjà péri de cette blessure. Elle se faisait juste plus présente lorsqu'il s'en souvenait. Une si petite fente dans sa peau halée.

« Il est enterré pas très loin d'ici, tu sais. »
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Camille Rosenthal
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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Mer 4 Jan - 6:07

La poussière glissait sous les pieds de Camille, poussée par la main invisible du vent qui ébouriffait ses cheveux dans la même caresse. Fermer les yeux, c’était s’avouer vaincu. Vaincu par le sommeil et les fourmis sous les paupières, les pierres coincées dans les cils qui les rendaient trop lourdes ; vaincu par le noir d’un placard ; vaincu par tout et n’importe quoi. Vaincu par un blondinet prétentieux qui se prenait pour le roi de Que Dalle, expert ès jeux idiots -plus expert que Monsieur Camille Rosenthal, persifla-t-il en son for intérieur. Rends-toi à l’évidence et rends les armes. Le gamin escomptait bien le battre avec ses talents de conteur : il avait inventé trop d’histoires pour ne pas être le meilleur à ce jeu-là. Sa mère lui en avait narrées quelques-unes, un sourire tendre pendu aux lèvres et lui pendu aux siennes. Il y avait longtemps -pas encore suffisamment néanmoins pour qu’il les eût oubliées pour de bon. Ses mots rôdaient encore dans l’ombre des siens, quand il se composait de toutes pièces une aventure sur mesures où il pouvait occuper le premier et le seul rôle.

« Il était une fois », c’était ainsi que les histoires commençaient. La fin lui échappait -mais la voix de l’autre garçon retentit à temps pour l’épargner. Le début était toujours simple. Puis survenait un problème insurmontable, et le moment de le surmonter malgré tout. Camille enfoui sa tête entre ses bras. D’ordinaire, il rechignait à écouter. Personne n’avait grand-chose d’intéressant à dire. Et alors, allons bon, pourquoi ça, c’est n’importe quoi, et il en passait -des vertes et des pas mûres. Acides à souhait. Le destin d’un roi sans peur et sans reproches, en revanche, ça pouvait valoir le détour -pas forcément un grand, se sentit-il obligé de commenter. Un petit détour, peut-être. Il ne savait plus trop. Il y avait longtemps qu’il n’en avait pas entendues qui ne fussent pas rédigées de sa plume -sous quelque nom d’emprunt qui lui convînt à ce moment : Camille Premier, le Mendiant aux mains rouges, l’espion-voleur-chevalier, le héros de la bataille des toits. Il en avait un paquet -alors il pouvait bien ajouter un petit roitelet à sa liste.
Un roi sans peur et sans reproches avec un rival -avec une sœur. Camille imagina des yeux noirs, une prestance arrogante et brutale. Il était grand, il était beau. Rosenthal pouvait comprendre : lui non plus, n’aurait pas aimé une personne pareille. La sœur était étrange, comme l’étaient souvent les filles. Mais au fond, elle était mauvaise. C’était certain.

Alors elle était morte -mais c’était un accident. Le roi sans peur mais plein de reproches avait buté la garce -diantre, le poison, c’était une mort de femme. Les joyaux creux et étincelants qu’elles portaient aux doigts étaient remplis d’arsenic jusqu’à la lie -il l’avait vu quelque part. Dans un livre, peut-être ; ou alors dans une histoire glauque glanée dans une rue quelconque.

Il l’avait pris par surprise ; et il avait tenté de l’étrangler. Les mains autour du cou, pas seulement assez précieux pour mériter une corde et une vraie pendaison. Camille avait eu raison. Il était brutal, et en plus il était lâche. Un couard dont on avait oublié jusqu’au nom à présent. Il fallait bien ça, et Camille avait choisi son camp sans véritablement s’en rendre compte. On choisit ce qui nous arrange.
Et la fin ne l’arrangeait pas.

« Mais… Il peut pas mourir ! Il aurait dû se venger. Étrangler l’autre aussi, ou… Ils vont en prison ? Ou alors le rival lui vole son royaume ? Tu donnes pas assez de détails, sérieusement ! »

Le gosse releva la tête, sourcils froncés dans une moue déçue. C’était nul, comme fin. C’était sans doute pour cela que lui n’arrivait jamais au bout de ses histoires. Il préférait les laisser suivre leur propre cours, Dieu magnanime qui graciait l’empereur, le mendiant et l’espion-voleur-chevalier comme le héros d’une parfaite immortalité. A la revoyure, les gars ; au plaisir de se recroiser, un de ces quatre.

« Et il est mort, alors ? Ils auraient pu le sauver, au moins, que sa sœur serve à… Eh, tu t’es… »

Rosenthal s’était relevé, la main appuyée contre la mousse fraîche qui festonnait la pierre. Hannes s’était peut-être coupé pendant son tour d’illusionniste. Ou alors il habitait bien mieux que lui ses personnages. Il lui sortait souvent des bleus de nulle part ; des hématomes poussaient ici et là, de braves soldats, des champignons violacés mouchetés de noir et de nuances de vert -d’accord. C’était tout.

« C’est bizarre. Encore un tour ? T’es un sacré conteur, alors… »
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Hannes Blanchfield
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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Sam 6 Mai - 15:31

La voix de Camille remonta le long de la peau du roi jusqu'à étirer ses lèvres sur un sourire crispé, forcé. De mauvaise grâce.
Il ne peut pas mourir.
Combien de fois avait-il pensé cela — si ce n'est exactement, du moins avec la même intention ? Des milliers, sans doute. Plus encore. La ritournelle, rassurante les premiers temps, avait pris des allures d'instrument de torture aussitôt que l'illusion s'était faite impossible à entretenir plus longtemps.
Je ne peux pas mourir. Je ne peux pas être mort. Je ne suis pas mort. C'est impossible. Je ne peux pas ; je ne peux pas. Si j'étais mort, je ne serais plus là. Je serais peut-être ailleurs, mais je ne serais pas là. Je ne suis pas mort. Je ne veux pas être mort. Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas. Je ne peux pas. Je ne suis pas mort.
Ne me laissez pas mourir.
Ne m'enterrez pas.
Ne m'oubliez pas.

Restez.

Et jamais personne ne restait.

Main sur le cœur — à l'endroit où il s'était trouvé un jour, du moins — Hannes sentit un soupir fébrile s'échapper d'entre des lèvres en papier de verre. A son âge, il aurait dû être capable d'accepter le trépas. Qui sait si ce n'était pas cela, et rien que cela, au fond, qui le retenait ici ? Il aurait été bien incapable de le dire. Il s'était cru immortel si longtemps qu'une fois face aux faits, il s'était trouvé incapable de les digérer.
Le désir de vivre l'avait empêché d'avancer. Il s'était étouffé dessus — pas à proprement parler, non ; le sang lui était resté en travers de la gorge plus que les regrets, mais malgré tout, les conséquences étaient là. Il ne partait pas.
Son sourire s'adoucit un peu.

« Merci. J'ai toujours été doué pour ça. »

Pas vraiment.
Il avait eu le temps de s'entraîner, en revanche.

« J'ai tendance à trop m'impliquer dans mes histoires, ajouta-t-il, le regard dans le vague, tandis qu'une main distraite frottait le tissu taché mais déjà sec. Tu m'en excuseras. »

Ce n'était pas une question. Tu m'en excuseras.
Sa majesté avait passé sa vie à laisser les autres lui filer entre les doigts. Parfois par lâcheté, parfois par fierté, mais le plus souvent par impuissance, coincé dans un corps que nulle ne voyait. Pas même courant d'air, non ; il tenait plutôt de la brise d'été, songea-t-il en se redressant, prudent et élégant, semelles à plat contre la pierre. Sa tristesse ne touchait personne.
Il n'y avait guère que les branches des arbres pour gémir sur son sort.

« Le roi est mort. Sa sœur l'a suivi peu après. Le rival... »

Indécis, il questionna le ciel des yeux.

« Il est resté en vie. Mais aucun royaume ne l'intéressait plus. »

...Au moins, il avait vécu.
Soudain souriant de nouveau, Hannes sauta au bas du puits — et toujours, ses mouvements ne furent accompagnés que des bruits ambiants. Il n'en produisait aucun lui-même.

« Mais peu importe, balaya-t-il d'un mouvement de bras impérieux, posté face à Camille avec la prestance qui sied à tout bon roi. Que souhaites-tu le plus dans la vie, dis-moi ? »

Un rêve, une ambition, un désir... Quelque chose ; n'importe quoi.
Une vaste majorité se languissait d'un être cher, qu'il soit parti ou ne soit jamais venu — et le sentiment, quoi que distant, lui était compréhensible. L'envie d'une meilleure situation, d'argent, de possibilités, de voyages, suivait de près dans la liste de ce qu'il aurait pu s'imaginer vouloir un jour. Partir ici ou là, voir le monde et y trouver sa place ; l'idée lui plaisait. Devenir roi également. Il ne se serait pas réellement vu sur un trône avant de mourir, trop lucide peut-être pour s'imaginer capable de faire un bon monarque avec son éducation lacunaire et son sang trop rouge pour même paraître bleu — mais malgré tout, malgré lui, il aurait tellement aimé changer le monde. Laisser une trace indélébile de son passage avant de partir.
Ses yeux moqueurs ne lâchaient pas Camille du regard.
A présent, la simple vue d'un vivant l'emplissait d'une jalousie incontrôlable. Il aurait tout donné pour être à la place du premier venu, peu importe ses difficultés et ce qu'il pouvait bien traverser en ce moment.
Tout aurait été mieux que hanter un vieux puits, il pouvait en jurer.
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Camille Rosenthal
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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Sam 13 Mai - 0:25

Camille fronça les sourcils. Une vague de doute rampait à la lisière de ses yeux, cumulonimbus plus gris que de la limaille de fer amoncelés à l’horizon ; ils prêchaient l’orage comme un vieux prédicateur zélé prêcherait la fin du monde et lui soufflaient qu’il aurait dû rentrer -ou comme, peut-être, une mère un peu trop inquiète. Le gamin ignorait leurs avertissements avec superbe sans pour autant pouvoir se débarrasser du sentiment latent que quelque chose ne tournait pas tout à fait rond. Il aurait dû avoir peur, sans doute. Les gens avaient peur, quand ils ne comprenaient pas quelque chose. Ils paniquaient. Ils prenaient la poudre d’escampette, droit vers des cieux un peu plus cléments. Un peu plus rassurants. De ces histoires qui finissaient mal pour tout le monde, des tours de prestidigitateur de son vis-à-vis ou de la tache sombre qui avait fleuri sur sa chemise, Rosenthal n’aurait su dire ce qui le retenait. On avait volé à ses mots la certitude inébranlable dont ils étaient toujours bardés et qui le protégeait des erreurs. Le gamin était habitué à avoir la situation bien en main -quoiqu’il eût une fichue tendance à vite la balancer par terre ; pas là. Là, elle lui échappait. Bizarrement. Elle glissait, plus semblable à du sable ou de l’eau qu’à une anguille.

Camille aurait pu être énervé, mais la curiosité l’emportait haut la main. Il voulait savoir -et puis il n’avait pas envie de rentrer. Pour quoi faire, hein ? Les contes de rois morts et les princesses qui les suivaient dans la tombe, ça avait de l’allure. Le gosse songea qu’il aurait tout le temps de retourner ces mots dans sa tête pour en dénicher le sens qu’il n’avait pas si bien saisi que ça. Comment pouvait-on ne pas vouloir d’un royaume ? C’était ridicule. Tout le monde voulait être roi : le prestige, la gloire, le respect, l’occasion de faire quelque chose qui compte vraiment, de se dire que, cette fois, on y était -immortel pour de bon, gravé dans les mémoires, chaque mot repris en un murmure craintif ou respectueux du bout des lèvres. Rosenthal ne songea pas une seconde aux responsabilités, aux décisions, aux protocoles. Il voyait les batailles et les gens prêts à mourir pour lui, et il était presque sûr que ça lui aurait plu. Il n’avait certes ni rival ni sœur, mais ça ne l’aurait pas empêché d’être La Plus Grande Majesté de tous les temps. Probablement pas.

Hannes descendit d’un pas léger, désinvolte, et Camille se rencogna contre la rambarde, sans le lâcher des yeux une seconde. Et s’il disparaissait encore, hein ? S’il jouait à nouveau les filles de l’air ? Camille tenait à le percer à jour. On pouvait l’avoir une fois, mais pas deux. Ou alors deux, mais sûrement pas trois. Il plissa le nez, mal à l’aise. Ce qu’il voulait ? Il en savait foutre rien. Ses yeux délavés soutinrent ceux de l’autre -ils avaient une jolie couleur.

« Pour quoi faire, s’enquit-il d’un air de défi. T’es le farfadet du puits qui va m’accorder un souhait si je jette une pièce ? »

Son esprit n’était pas rompu à ce genre d’exercice : il vagabondait où bon lui semblait sans grand souci des consignes. Répondre à une question sans tomber à côté de la plaque ou partir dans la direction opposée à tire-d’aile était beaucoup plus difficile qu’il n’y paraissait -et puis il ne voyait pas ce qu’il aurait pu vouloir.

« Quand je veux un truc, je le prends, c’est pas difficile », commenta-t-il.

Il avait voulu un chien, une fois, et il en avait embarqué un avec lui pendant un moment. La sale bête s’était enfuie. Il avait aussi voulu faire ravaler son sale sourire de menteuse à sa mère, mais son père l’avait vu d’un autre œil et, enfermé dans sa chambre, il se souvenait avoir eu sacrément mal au bras. Un peu plus tôt, il avait voulu jouer avec le chat -mais il lui aurait à présent filé un grand coup de pied. Il avait voulu se faire quelques amis, mais ça n’avait jamais vraiment marché. Il avait voulu voler, mais sauter de cet arbre de pacotille ne s’était pas avéré aussi plaisant qu’il l’aurait cru. Il avait voulu être un roi-pirate, et il l’avait été, à la proue d’un navire trop éclatant pour exister aux yeux de quiconque autre que lui. Au final, il ne voyait pas grand-chose qui vaille vraiment la peine d’essayer, de vouloir et de se perdre en conjectures frustrées. Il chercha malgré tout -il voulait jouer le jeu. Mais rien ne venait. Rien du tout.

« Tu fais semblant de l’avoir, confia-t-il, quasiment à contrecœur, et c’est comme si tu l’avais. Des fois, je me dis que ce serait mieux à deux, mais les gens, ils comprennent jamais à quoi ressemble ton navire, tout ça. Alors je suis aussi bien comme ça. »

Il hésita une seconde avant de reprendre :

« Même si là, par exemple, j’aimerais quand même bien savoir comment tu fais tes tours. Hein ? Père ferait une de ces têtes, si je disparaissais d’un coup de table… Ce serait bien impayable ! »
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Hannes Blanchfield
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MessageSujet: Re: « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥]   « L’idée passagère tourna à l’idée fixe : il lui fallait un chat. » [Mon loulou, viens voir tata...8D♥] - Page 2 Icon_minitime1Mer 19 Juil - 19:05

Plus le garçon parlait, plus Hannes peinait à tenir les commissures de ses lèvres figées sur un sourire curieux mais poli. Il doutait fortement que Camille le Magnifique apprécie voir ne serait-ce que le plus léger des soupçons de moquerie sur son visage ; on a sa fierté, après tout. Or, comme il ne se moquait pas de lui — pas vraiment —, le spectre jugea plus prudent, plus intéressant de ne pas le vexer sur un malentendu. Il aurait risqué de partir, autrement. De le laisser seul.
Triste ou pas, abandonné ou pas, Hannes aurait refusé de lui courir après. Plutôt mourir que de ravaler sa fierté.
Hahaha.
Qualifier un adolescent capricieux d'opportunité à ne pas laisser filer lui aurait fait mal, quoi qu'il en soit, aussi évita-t-il de se chercher une quelconque justification. Il n'avait aucune raison de vouloir le garder ici mais le voulait quand même ; voilà tout. S'ennuyer n'avait rien de bien glorieux. Quand il parlait, au moins, il se sentait exister. Ce n'était pas tout à fait vivre, non, mais dans sa situation il ne pouvait pas vraiment faire le difficile. Se borner à vouloir redevenir tangible ne lui apportait que de la peine.

Chaque fois qu'il pensait à sa famille, à ses amis, il rêvait de disparaître.

Peut-être aurait-il dû y penser plus souvent.

Le vouloir et le prendre ; le vouloir, songea-t-il, yeux posés sur les mains de Camille, et en faire une réalité.

Malheureusement, rien n'était si facile.

« Tu ne pourrais pas le faire, même si je t'expliquais. Estimes-t'en heureux. »

Les doigts qui effleurèrent pensivement ses lèvres rencontrèrent une moue trop sérieuse pour avoir quoi que ce soit d'intéressant. Preste, vif comme un magicien, il se remit à sourire.
Encore quelques années et il réussirait peut-être à se convaincre qu'un tel geste n'avait rien de forcé.

« Mais comme le roi — et non pas le farfadet, corrigea-t-il avec indulgence, poing sur la hanche, est aussi bon que généreux, je veux bien te donner quelques conseils. Premièrement, inutile de chercher à inquiéter tes parents si ça n'a pas fonctionné les dix fois précédentes. Trouve autre chose. »

De plus délicat ou de plus violent ; il ne comptait pas lui dicter sa conduite. Il aurait préféré le savoir en bon termes avec eux mais après tout, qui était-il pour juger.

« Deuxièmement, faire semblant perd vite de son charme. Mais, dans le cas contraire, je voudrais bien que tu m'apprennes. »

La nostalgie étira douloureusement son sourire. Combien de fois avait-il joué à être roi, se battant contre des armées entières, glaive au poing et bouclier au bras ? Son frère devenait un écuyer, Mavinn devenait tout ou bien n'importe quoi. Les biscuits étaient empoisonnés, la rivière était un lit de sable liquide et brûlant dans lequel aucun malheureux n'aurait su nager.
Le puits était son trône et la mort un mensonge inintéressant.
A présent, les "faire comme si" laissaient un drôle de goût métallique contre son palais.

« Je suis un peu le navire, si tu veux » ajouta-t-il, pensif.

Pauvre bateau fantôme.

« Alors si ça ne te dérange pas de jouer seul, tu peux aussi jouer avec moi. »

La plupart des gens ne le voyaient pas ; le reste ne s'en préoccupait pas. Ou alors un temps seulement. Sa vision rendait perplexe, terrifié, interdit. Il volait des rires aux enfants et arrachait des aboiements aux chiens, sans jamais que personne ne se retourne pour lui demander des comptes. Ceux qui restaient discuter avec lui sans prendre peur ni finir par se lasser se comptaient sur les doigts de quelques mains.
Un ami imaginaire n'aurait pas pesé plus lourd que lui, alors il pouvait bien leur voler la place qu'ils n'utilisaient même pas.
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