Steal a Book,or not? {TERMINE}

[HS:vous m'excuserez du retard, et des fautes de frappe aussi, d'ailleurs... Mais ce clavier là me tue, au sens propre du terme, et j'avais effacé ce post, ya un moment déjà, alors bon...-_______-']

Marielle Aelan était une jeune demoiselle qui, bien qu'ayant toujours plus ou moins quelque chose à faire, sombrait assez facilement dans l'ennui. Occuper ses mains, aussi utile et distrayant que cela puisse sembler à certains, ce n'était absolument pas occuper son esprit. Hors, c'était justement ce dernier qui, à ses yeux était le plus important. La situation présente, sur l'instant, n'était pas "lassante" à proprement parler, bien entendu, mais elle savait pertinemment qu'elle ne manquerait pas de l'être si, contrairement à ce qu'elle avait tout d'abord pensé, elle trainait en longueur sans que rien ne se passe, les deux protagonistes de la scène -elle ne se comptait pas dedans, dans la mesure où sa propre personne ne pouvait pas se trouver dans la scène qu'elle regardait, cela allait de soit- auraient trouvé un semblant de terrain d'entente, à savoir que si l'un se taisait, l'autre ne lui dirait rien non plus. Mettre son grain de sel n'était pas dérangeant, mais ils devraient, en théorie, se débrouiller seul pour que cela n'arrive pas; le rouquin, Jayden, avait l'air assez querelleur quand Jing, l'autre serviteur, paraissait tout bonnement le détester, même en n'ayant passé en sa compagnie qu'une poignée de minutes. Force était de croire que cela leur avait suffit pour savoir, faute d'en connaitre véritablement la raison, qu'ils ne s'apprécieraient pas le moins du monde. Tant mieux, au fond. Le tout était que cela devienne, finalement, réellement intéressant. On lui avait toujours répété de ne pas se fier aux apparences, et elle ne savait que trop bien à quel point cette phrase était vraie, elle trouvait tout son sens dans son métier. Toutefois, son petit doigt lui disait que, cette fois-ci, il ne serait pas préjudiciable de faire ce qu'elle qualifierait de "petite exception". Ils semblaient se détester et se détestaient sans l'ombre d'un doute, point final.

Mais la jeune fille, vraiment, n'aimait pas attendre. Oh, certes, elle pouvait le faire sans grandes difficultés, ce qui n'incluait pas pour autant qu'elle eut envie de le faire, a ses yeux la différence était plus que claire. Un fossé. Elle chercha donc un moyen de passer le temps, simple, court. Pas forcément des plus utiles ou importants, cette contrainte aurait rendu impossible de trouver quoi que ce soit de valable répondant à tous ces critères. Qu'est-ce qui l'amusait, au juste? Pas grand chose. Pas qui put être fait sur l'instant, qui plus était. Elle chercha donc autre chose. Arrêta son choix sur une activité qu'elle pratiquait en permanence: mentir. Des mensonges, les pires étaient de loin, pour les autres de ce qu'elle avait compris, les promesses brisées. Ridicule, d'ailleurs, les promesses, stupide. Oui, idiot et ridicule, bonnes pour les personnes faibles souhaitant accorder à une tierce personne sa pleine te entière confiance et s'en retrouvant bien incapable. Comme si des mots liaient quelqu'un, comme s'ils l'empêchaient réellement d'agir de telle ou telle manière. Le simple fait de dire quelque chose n'en fait pas la vérité; n'importe quoi peut la devenir, pourvu que l'on y croive sincèrement. Les gens étaient crédules de penser qu'une simple formule en début de phrase telle que "je te le promet" ou encore "je le jure" ou "c'est promis" allaient les emmener au loin de toute possibles trahison, vers une horizon plus clair et plus sûr, surtout. A ceux là lui prenait souvent l'envie de tout expliquer, mais allez savoir, elle ne le faisait jamais. Plus on croyait que ces paroles étaient honnêtes et les serments indestructibles, le mieux elle se sentait. Cela servait sa propre cause, après tout, pourquoi s'en plaindre.

Somme toute donc, ce qu'elle aimait faire par dessus tout, c'était briser des promesses. Que les autres s'en rendent compte ou pas, cela ne la concernait pas mais toujours était qu'elle adorait le faire, une sorte de preuve de l'absurdité totale de ceux qui l'entouraient... Oui, plus que de leur faire du mal, tout ce qu'elle voulait, c'était ne pas respecter ces serments dits inviolables. Quand on ne pouvait pas faire quelque chose, il devenait soudain nécessaire de l'essayer. Ce qui était, ceci dit au passage, passablement idiot quand on savait que, si telle ou telle chose était prohibée, il devait y avoir une raison autre que donner envie à tous ceux qui prenaient le temps de s'y attarder quelque peu de le faire. Ne dérogeant pas à cette règle, Marielle, sur ce point la tout du moins, ne se pensait pas au dessus des autres. Ou pas de beaucoup. Tant qu'elle restait dans le domaine du possible, et que les deux autres ne se rendaient compte de rien... Un petit jeu, qui ne coûterait rien à personne. N'avait aucun but particulier, ou si visée il y avait, elle-même ne la voyait pas... Trois. Si elle parvenait à rompre trois promesses avant qu'ils ne commencent véritablement à se disputer, ou que, tout aussi probable bien que tellement moins drôle, le villageois se fasse sortir manu militari du château du stupide Prince de ce stupide royaume qu'était Oria, elle considérerait qu'elle aurait réussit, gagné son pari. Les défis n'étaient intéressants que lorsque l'on pouvait les remporter, pas vrai?

Enfin, elle n'aurait sûrement pas beaucoup de temps, au final. Peut-être qu'ils finiraient par se jeter les livres dessus? Cette pensée lui arracha un sourire. N'importe quoi. Elle racontait vraiment n'importe quoi, c'en était navrant... Tout de même, chacun devait avoir un minimum de savoir vivre. Ce n'(était parce qu'ils s'insultaient sans prendre de gants maintenant, que l'un s'était assis sur une table, pieds sur une chaise, que l'autre avait à maintes reprises en un temps record qui serait difficile à battre, même pour le dernier des abrutis, à passer du stade de "personne intelligente" à "le garçon qui se ballade sans raison avec un plateau, incapable de trouver une explication correcte et à qui il faut toujours tout expliquer". Ce n'était pas pour ça qu'ils n'en avaient pas, si...?

«Tu 'crois'? Personnellement, vu d'ici je dirais que j'en suis sûr.»

A ces mots, elle se tourna à nouveau vers Jayden. Oui, évidemment. A moins d'une brusque et pour le moins inattendue poussée de croissance, il n'y avait pas matière à avoir des doutes sur le sujet. Cependant, la réflexion ne lui plaisait pas pour autant. Pas du genre à complexer sur sa taille. Mais tout de même. De plus, continuer sur son idée après qu'il est été plus que clairement exposé qu'elle était fausse était de l'obstination pure et simple. Il valait mieux ne pas confondre persévérance et acharnement. Tout cela, elle le savait, mieux que quiconque, oui. Néanmoins, elle n'en laissa rien paraître et se contenta d'un sourire léger, à peine marqué tandis qu'elle baissait le bras, pour le lever derechef quelques secondes à peine plus tard, avec un magnifique "non non, je vous jure que je peux y arriver...". De un, compta-t-elle dans sa tête. Je vous jure que. Cela fonctionnait. En continuant sur cette voie, elle aurait vite terminé.

Du reste, passer pour le genre de personne confondant les deux valeurs précédemment mentionnée ne l'inquiétait pas outre mesure. Chacun ses petits défauts, non? Jing semblait avoir de sérieux problèmes avec l'improvisation, Jayden n'était pas poli -de cela aussi, elle en était sûre et certaine, sa manière de parler était bien différente de celle des nobles de la cour... Peut-être s'y était-elle trop habituée? Alors, qu'on la pense têtue, il s'agissait là du dernier de ses soucis. Ou, réflexion faite, pas du dernier, si elle se montrait rigoureuse. Mais très loin d'être le premier, à dire vrai. Il fallait impérativement toujours rester dans l'exactitude. On savait ou on ne savait pas. On ne savait pas "approximativement".

Lorsque Jing s'approcha et lui demanda -tout en hésitant entre le vouvoiement et le tutoiement- si elle voulait quelque chose de plus haut, son sourire s'agrandit. Il restait une personne gentille, c'était un fait. Il devait se soucier des autres ou au minimum, dans une moindre mesure, se souciait d'elle. N'importe qui appréciait que l'on lui prête attention, les compliments, ce genre de choses. Et bien que ne se considérant pas comme "n'importe qui", la demoiselle Aelan restait un être humain. On ne l'avait pas avec de la simple flatterie, ne se laissait pas prendre au piège des beaux parleurs, mais avouait apprécier, de temps à autre, les gens au naturel sympathique. Différent d'elle, mais pas désagréable pour autant. Le tout était de ne pas traverser la trop fine limite, le mur de verre si fragile entre gentillesse et naïveté, générosité et profonde idiotie. Elle n'avait pas l'impression que le brun le ferait. Et d'un autre côté, n'avait pas obligatoirement tout le temps raison. La jeune fille aux yeux gris commença à réfléchir à sa réponse. Il n'y en avait pas trente-six possibles, en soit: oui, non. Le reste de la phrase ne serait là que pour accompagner celui des deux qu'elle choisirait. C'était une solution comme une autre, quelque chose de plus haut. Mais Jayden aurait pu se lever seul et le prendre que cela n'aurait pas pris plus de temps. Et quelques pas n'allaient pas le tuer, à priori. Il pouvait toujours tomber et se cogner la tête sur un coin de table, mais elle n'y croyait pas trop. Elle n'en avait pas envie; elle eu de gros problèmes dont elle se passait aisément, merci. Elle s'apprêtait toutefois à répondre à l'autre serviteur positivement lorsque le dernier arrivé se leva, déclarant qu'il en prendrait un seul, dans ce cas là.

Ah, un brin de bon sens, peut-être? Ou de la politesse? Marielle rejeta aussitôt cette dernière hypothèse; trop peu réaliste. Elle le voyait mal agir juste pour faire bonne impression, ce n'était pas en tout cas l'idée qu'il donnait de lui, de par sa manière de parler ou... D'entrer au palais sans bien sûr y avoir été invité, sans doute. C'eut été beaucoup trop contradictoire. Au moment où il monta, même si ce ne fut qu'un court instant, sur un coin du tabouret, deux pensées traversèrent l'esprit de la servante: de un, pourquoi fallait-il qu'il soit si grand? Et de deux, elle aurait pu en descendre, de ce tabouret; peut-être se serait-il renversé. Cependant, elle ne le fit pas et cessa d'y penser. Et la seule fois où elle regretta de ne pas l'avoir fait fut lorsqu'il ouvrit la bouche, après s'être rassis sur cette même table, n'ayant de toute vraisemblance pas changé son avis sur l'utilité des chaises, sur un ton faussement désolé, qu'il ne prit pas même la peine de rendre un tant soit peu convainquant:

«C'était pas bien compliqué, juste une question de taille, hm. Je ne voudrais pas que vous dérangiez tout par ma faute, vraiment..., un si bel endroit...»

S'il y avait bien une chose qu'elle abhorrait, c'était qu'on se moque d'elle. Elle se moquait des autres, mais qu'eux lui rendent la pareille lui était plus que désagréable. Non, elle n'était pas bien haute. Et alors? Elle n'en faisait généralement pas grand cas, se contentait d'en rire quand on le lui rappelait. Comme elle l'avait d'ores et déjà dit, elle n'était pas de celles à faire un véritable complexe concernant leur taille, ne se rehaussait pas à l'aide d'hypothétiques talons. Qui n'étaient de toute façon pas dans l'uniforme que les serviteurs devaient porter... Ceci dit, les critiques ne faisaient jamais plaisir, étaient souvent dures à entendre. Mais en l'occurrence, sa taille n'était pas un défaut, pas pour elle. De toute façon, elle était une jeune fille, et si elle ne grandirait certes plus tellement durant les années qui suivraient, elle songeait avoir une taille correcte, faute d'être parfaite. Elle ne dissimula donc qu'à moitié le regard noir qu'elle lança à Jayden, puis le reposa quelques secondes sur Jing. Pour un garçon, il était vrai qu'il n'était pas très grand, elle l'avait bien remarqué. Et n'avait pas jugé utile de le lui dire, dans la mesure où il se voyait souvent dans le miroir, comme tout le monde se voyait chaque matin, et devait le savoir. Rien qu'en comparaison de ceux qu'il croisait, sans doute. Ces simples choses devaient se charger à merveille de le lui rappeler... Que cela le gêne ou pas, Marielle s'en fichait, ce n'étaient déjà plus ses affaires. Ne se sentant en rien concernée, elle ne s'y intéressait donc pas du tout.

La remarque que fit ultérieurement le jeune homme l'amena à songer que, plus qu'à elle, il s'adressait en premier lieu à Jing. L'ignorerait-il? Répondrait-il? Elle n'avait pas encore bien cerné son caractère. Que les grandes lignes, qui lui indiquaient clairement non ce qu'il ferait, mais ce qu'il ne ferait pas. Il ne lui lancerait rien dessus. Il n'apprécierait pas la critique. Le ferait possiblement savoir. Peinerait peut-être à ne rien lui répliquer. Restait un grand nombre de choix, mais la demoiselle ne se voilait pas la face: le plus amusant pour elle serait qu'il réponde à la provocation. Elle-même ne recherchait pas l'affrontement; trouvait cela stupide de s'exposer au danger, aussi minime soit-il, sans y être forcé contraint. Ce n'était pas le cas de Jayden. Hésitant un instant entre ne rien dire et les laisser se débrouiller, ou intervenir.

"Je ne le prend pas mal, mais vous savez, " dit-elle en se tournant vers Jayden et le fixant droit dans les yeux, puisqu'il avait levé la tête du livre. "Je pense sincèrement que ce n'est pas si important... La taille, je veux dire. "

En effet, si Jing n'avait rien répondu par la suite, cela aurait coupé court à la conversation. Alors qu'elle pourrait être si intéressante... Ne prendre aucun risque non calculé. La chance n'était pas un facteur sur lequel il était bon de se reposer. Après ces quelques paroles, elle porta à nouveau son regard sur les rangées de livres devant elle. Il y en avait tellement. Elle espéra que personne n'entrerait dans la bibliothèque, sans quoi elle pourrait vraiment affirmer que ce n'était pas son jour.

Quand Jayden n'aimait pas quelqu'un, il le lui faisait savoir.

Pourquoi ne pas être hypocrite, quand tactiquement c'était le meilleur des calcul? Jayden aurait aimé dire que c'était parce qu'il ne supportait pas les mensonges, parce qu'il trouvait les personnes hypocrites détestables au plus haut point, mais il n'avait pas la prétention d'avoir de si Nobles motifs. Mentir était, en plus d'être compliqué, un art dont on ne pouvait plus se débarrasser. Une fois qu'on avait menti pour la première fois, on savait comment faire. C'était exactement comme apprendre à marcher : on nous tenait la main au début et ensuite on n'y pensait même plus. Mentir devenait vite une solution de facilité, et on y avait recourt pour un oui ou pour un non. Bien entendu il aurait été trop réducteur de dire que tout menteur devenait 'accro' au mensonge, en quelque sorte. Non, ce n'était pas ce qu'il voulait dire par là : en revanche il était persuadé que ça ne menait nul part, et que les menteurs ne s'en sortaient pas. Peu importait le sujet, la plupart des mensonges proférés finissaient par remonter à la surface un jour ; et ce jour là, vous ne saviez guère plus quoi faire. Et quoi de mieux à faire pour expliquer un mensonge que de mentir à nouveau? C'était une spirale infernale dans laquelle il ne tenait pas à être aspiré. Chaque personne naissait avec des qualités et des défauts, un caractère bien particulier que tout-à-chacun se devait d'assumer. Porter un masque vous faisait peut-être passer pour quelqu'un d'autre, mais quand il finissait par se fêler on n'était plus personne. Jayden partait du principe qu'il n'était pas compliqué pour lui de répondre à n'importe laquelle des questions qu'on pourrait bien lui poser, puisque les réponses étaient évidentes ; il se souvenait à la perfection de ce qu'il aimait ou pas, d'où il habitait, de son âge ou de ses façons de faire. S'il avait menti sur l'un ou l'autre de ces sujets, disons pour une raison X, il aurait du retenir la réponse et la stocker quelque part. Et en cela, il plaignait ceux qui n'étaient pas capable de dire ce qu'ils pensaient des autres : il était bien plus agréable de ne pas avoir à chercher quelle personne on détestait mais à laquelle on n'avait le droit de rien dire. Le jeune homme aux cheveux roux pouvait très bien aborder quelqu'un en lui disant que sa tête ne lui revenait pas, ce n'était pas le genre de choses qui le gênait. Ça ne l'avait jamais été, d'ailleurs ; plus jeune déjà il avait pour habitude de dire aux personnes ce qu'il pensait d'elles sans chercher plus loin. En grandissant il était juste devenu plus agressif, et il fallait avouer que ce genre de remarques était beaucoup moins apprécié venant d'un adolescent de dix-sept ans que d'un garçon d'une petite dizaine d'année. C'était comme ça, mais il s'en moquait éperdument. Qu'ils pensent ce qu'ils veulent, ils ne l'empêcheraient pas de vivre sa vie comme il l'entendait ; il tenait à vivre sa vie de manière à ne rien regretter, et pas à coller à des principes qui ne lui plaisaient pas pour avoir l'air de 'quelqu'un de bien'.

En l'occurrence par exemple, avoir l'air de quelqu'un de bien, de gentil et d'attentionné ne l'intéressait pas. Jayden ne voyait aucunement l'intérêt d'être apprécié pour quelque chose qu'il n'était pas : s'ils n'aimaient pas ce qu'ils voyaient de lui, ce qu'ils pouvaient bien imaginer de lui, et bien ce n'était pas pour autant qu'il déciderait de se transformer en quelqu'un d'autre. Il se fichait bien de savoir s'ils aimeraient mieux un Jayden généreux et souriant : ce n'était pas lui. Qui plus est, il tenait pas à ce que ce garçon l'apprécie. Lui, il ne l'aimait pas. Il collait exactement, point pour point au genre de personnes qu'il détestait. Le serviteur lui semblait être quelqu'un de pour le moins inintéressant, stupide et inutile. Qu'il existe était un fait immuable. Certes. Mais qu'il existe ne voulait pas dire que Jayden était obligé de le regarder, de s'en préoccuper, de le voir et de lui parler. Après tout, il existait des milliers de personnes qui ne faisaient pas parti de sa vie, que ce soit dans le tableau ou simplement dans le décors : il suffisait que ce garçon à la veste orange n'en fasse pas parti non plus. Le jeune villageois pouvait choisir qui faisait parti de sa vie et qui il ne laisserait jamais entrer. Lui, il ne voulait pas qu'il rentre, voilà tout. C'était déjà assez agaçant de devoir le regarder et l'entendre pour qu'en plus il doive supporter l'idée de le revoir ne serait-ce qu'une fois de plus. Quoi que s'il le voyait passer en ville, il doutait pouvoir résister à l'envie d'aller lui passer un petit bonjour, histoire de. Pour être poli, en sommes. Et puis il était certain qu'après une petite discussion seul à seul ils auraient réussi à trouver un point d'entente, ne serait-ce qu'un. Par exemple pour le moment il brûlait d'envie de lui demander de quelle manière il aurait voulu se faire assommer. Un coup de livre? De plateau? L'étagère qui lui tombe dessus? Qu'il tombe d'un tabouret? Tant de possibilité alléchantes et pour lesquelles il aurait payé cher. Rien de trop grave pour autant, il ne tenait pas à être au centre de quelque chose de compliqué et d'inextricable. Non, le voir se ridiculiser lui suffirait, à défaut de mieux. C'était quelque chose que peu de personnes supportaient, le ridicule : on l'évitait à tout prix, peu importe comment. Être la risée était encore plus détestable quand il y avait des personnes qu'on appréciait dans le lot de ceux qui riaient ou qui ne disaient rien. Alors oui, cela lui semblait être une punition valable pour ne pas être quelqu'un d'autre.

"Je ne le prend pas mal, mais vous savez, Je pense sincèrement que ce n'est pas si important... La taille, je veux dire. "

Jayden soutint le regard argenté de la jeune fille quelques secondes durant, avant de n'hausser les épaules et de ne le détourner. La taille, hein? Sujet de bien des discordes. Valait-il mieux être petit, ou bien était-ce mieux d'être grand? Avait-on plus de mérite à être l'un ou l'autre? Lequel était le plus pratique? Est-ce qu'il était plus agréable de devoir se baisser ou se mettre sur la pointe des pieds pour parler à quelqu'un? Comme toute personne à peu près conscient de lui-même, le jeune homme aux cheveux roux savamment décoiffé trouvait que sa taille était mieux que celle des autres. Non pas qu'il pensait que les personnes de petite taille valaient moins que les autres ; juste qu'il trouvait plus pratique dans la majorité des cas d'être grand. Ce ne devait pas être si agréable que ça, d'être petit-pour un garçon, soit entendu. Mais être grand comportait des milliers de désavantages aussi, bien sûr : à commencer par les autres. Il ne savait pas pourquoi mais même sans rien dire, les personnes un peu petites avaient tendance à en vouloir aux personnes plus grandes. Comme s'il avait choisi de mesurer cette taille ; au même titre que les deux adolescents dans cette pièce il était victime des aléas de la génétique. De là à dire que ce n'était pas important, faux. C'était important. Preuve en était que si ça ne l'était pas ils pratiqueraient plus l'auto-dérision que les sourires crispés, voir les remarques blessantes quand on leur disait qu'ils étaient un peu petit. La couleur des cheveux, la couleur des yeux, la peau, la taille, le poids..., tout ces facteurs étaient indépendant de chacun et pourtant personne ne se gênait pour juger quelqu'un là-dessus. Jayden avait souvent des remarques par exemple sur sa couleur de cheveux, un peu trop voyante pour certains, tout simplement horrible pour d'autres, étrange encore pour quelques personnes ; pour autant il n'avait pas choisi de les avoir ainsi. La taille, c'était exactement la même chose. C'était peut-être indépendant de chacun, mais ça n'empêcherait jamais personne de vous critiquer là-dessus. En tout cas ça n'empêchait pas Jayden de s'en servir quand il n'aimait pas quelqu'un, c'était chose sûre.

«Bien sûr que si, répondit-il en fronçant légèrement les sourcils. On ne le choisit pas, donc on doit l'assumer. Et je ne pense pas que tu puisses dire que tu ne va pas dévisager quelqu'un s'il mesure un mètre trente ou deux mètre dix, honnêtement...»

Le jeune homme passa une main dans ses cheveux en bataille, n'arrangeant en rien l'anarchie totale qui les caractérisait, et reposa son regard sur son livre. La différence entre lui et eux était bien moindre, mais ça revenait strictement au même pour lui. Qu'une fille comme Marielle mesure aux alentours d'un mètre soixante ne le choquait pas outre mesure, loin de là même. En revanche qu'un garçon mesure moins d'un mètre soixante dix lui avait toujours donné l'impression qu'il était en face de quelqu'un qui avait eu de réels problèmes de croissance. Un très jeune adolescent ou un grand nain, mais pas un adolescent normalement constitué. C'était trop petit. Qu'il soit lui-même plutôt grand ne devait pas l'aider à se dire que c'était assez fréquent, oui, sans doute..., mais honnêtement il s'en moquait. Eh, quoi? Il avait le droit de poser le mot 'petit' pour tout garçon en-dessous d'un mètre soixante-dix, non? Ce n'était pas préjudiciable, et beaucoup d'autres auraient dit comme lui. Il y en avaient même qui mettaient cette limite bien plus haut, alors il ne se sentait pas injuste outre mesure. Ce n'était pas tait une insulte-ou pas toujours, en tout les cas-mais un constat. Était-il petit? Oui, il l'était. C'était comme ça, c'était génétique, c'était injuste mais il ne pouvait pas dire ne pas être plus petit que la moyenne sans se voiler totalement la face. Donc pourquoi se dire que c'était méchant quand c'était presque un phénomène de société? Il n'avait pas la prétention de savoir ce que tout le monde pensait, mais ça c'était un peu universel, en somme.

Oui,ce n'est réellement pas important. A moins-ce que l'on cherche a ressembler a une grande carotte,mais personnellement,cela ne m'intéresse pas du tout.

Un bruit sourd, sec et brutal. Ce fut à peu près le bruit que fit le livre de Jayden quand celui-ci le referma brutalement entre ses deux mains, gardant pourtant son regard baissé vers l'ouvrage relié. Les paroles de Jing ne mirent pas longtemps à traverser son esprit et à l'énerver plus qu'il ne pouvait déjà l'être avant. Une grande carotte? Ah, une grande carotte? Il ne se sentait pas particulièrement paranoïaque, il savait que cette remarque le visait plus que directement. Et honnêtement, le serviteur aux cheveux bruns aurait pu obtenir bien moins de réaction en étant vulgaire, comme quoi ça n'avait aucun rapport. Il déporta son regard foncé sur lui, le fusillant littéralement du regard. Son sourire hypocrite, il avait envie de lui faire manger. Mais à défaut de pouvoir, il comptait le lui faire ravaler. Être des deux celui qui s'énervait rapidement et qui réagissait aux provocations ne le dérangeait pas, il s'en fichait royalement. Ce Jing serait le plus ridicule des deux, quoi qu'il fasse. Il se fichait bien de la manière dont il y parviendrait, comment il s'y prendrait ou comment l'autre réagirait, mais il comptait bien le faire se souvenir de ce jour dans le sens le plus négatif possible. Sans doute que si la jeune fille aux cheveux argentés n'avait pas été là, le discours aurait vite pris une autre tournure. Seulement voilà, elle était là et il fallait bien composer. Que n'aurait-il pas donné en et instant précis pour que le plafond ne craque et ne s'abatte sur ce garçon, il ne savait pas. Pas grand chose. Ça l'aurait libéré d'un grand poids, et ça aurait fait plaisir à un millier d'autres personnes moins expressives que lui, il en était persuadé. Quelqu'un comme ça, il avait forcément beaucoup d'ennemis. Ou à défaut d'ennemis, de personnes qui trouvaient son hypocrisie à peine dissimulée pire qu'irritante.

«Sale crétin, répondit-il en continuant de le foudroyer du regard, l'air peu amène à une discussion amicale. Essaie de dire quelque chose qui a du sens, qu'on sache si tu fais semblant d'être stupide ou si ton cerveau a cramé à la naissance! C'est pas trouver ça important ou pas qui te fera grandir, désolé de te décevoir : tu feras la taille d'un gamin jusqu'au restant de tes jours...»

Il rouvrit son livre avec un air agacé, cherchant vaguement sa page d'un geste nerveux. Qu'est-ce qu'il pouvait l'énerver, avec ses airs de tout savoir sur tout et tout le monde..., ça l'énervait d'autant plus que plus il parlait, plus il avait l'impression qu'il était stupide et limité, question raisonnement et langage. Un vrai cas social.

Jayden releva la tête de son livre, et son air agacé fut remplacé par un sourire hypocrite faisant écho à celui de son interlocuteur.

«Et je préfère lar-ge-ment avoir l'air d'une grande carotte plutôt qu'avoir une bouillie en guise de cerveau et un air de demeuré qui cache à peine la misère. Je suis vraiment-non, vraiment-désolé d'avoir critiqué ta taille. Sincèrement désolé. C'est loin d'être le pire chez toi, quand on y pense : tu devrais en être fier au contraire.»

C'était un fait, tout était subjectif.

Oui, tout. Absolument tout. Parce que, purement et simplement, chacun réfléchissait d'une manière qui lui était propre. Être soi voulait dire ne pas être les autres ; dès lors, impossible de savoir s'ils pensaient comme nous, s'ils avaient les même goûts, s'ils faisaient ça comme ça, s'ils voyaient ça de cette façon ou d'une autre. Le seul moyen qu'on avait d'être un peu renseigné était de connaître ces personnes. Mais même en passant des heures et des heures avec quelqu'un, on ne saurait jamais vraiment ce qui se passait dans sa tête, là où personne d'autre que lui ne pouvait aller. Alors, oui, tout était subjectif. Jayden n'aimait pas ce Jing, mais pour autant il ne doutait pas-enfin si, il en doutait, mais puisqu'il admettait que bien des personnes avaient mauvais goût et étaient stupides...-que d'autres devaient le trouver tout-à-fait gentil et appréciable. Correction s'imposait, 'de son point de vue' il était stupide et arrogant. Les autres, allez savoir ce qu'ils pouvaient bien penser. Il ne pouvait pas lire dans les pensées, et n'aurait de toute façon jamais voulu d'une telle capacité, même si on le lui avait proposé. Trop prise de tête, trop compliqué, trop inutile. Il savait ce que lui-même pensait des autres, de situations, d'objets ou de couleurs ; l'adolescent aux cheveux roux ne tenait pas à être influencé d'une manière quelconque par le jugement des autres. Là encore, impossible de ne pas être influencé : alors à défaut, il essayait de se forger un avis qu'il jugeait sien, et qu'il partageait éventuellement avec d'autres personnes dans ce bas-monde. Il ne doutait donc pas non plus du fait que bien d'autres habitants d'Oria devaient détester ce garçon, tout comme lui le faisait en cet instant. Et puis, ce n'était rien de franchement embarrassant. Des milliers de personnes aimaient les pommes, et il n'en restait pas moins que c'était un avis personnel pour chacun d'entre eux. En revanche..., oui, en revanche, il y avait certaines choses que le jeune homme ne comprenait pas. Comment pouvait-on trouver ce genre de personnes intéressantes d'une quelconque manière? Plus il regardait et parlait à ce garçon, plus il le trouvait inutilement bavard, stupide et long à la réaction. Fallait-il être idiot pour ne pas le voir? Il était idiot, c'était plus qu'aberrant à ses yeux. Idiot, stupide, crétin, diminué, et que savait-il encore : Jing était stupide. Et même si c'était son point de vue et que tout les goûts étaient dans la nature, il ne parvenait pas à se figurer quelqu'un d'assez stupide-donc de plus stupide encore que le serviteur-pour pouvoir l'apprécier. Pour autant, il ne fallait pas croire : il se savait de très mauvaise foi. Il avait décidé qu'il ne l'aimait pas, de toute façon. Rien ni personne n'aurait pu le faire remonter dans son estime, maintenant. C'était un défaut qu'il se connaissait, et que n'importe qui aurait très vite cerné chez lui. Ses premières impressions, il s'en défaisait rarement. Particulièrement quand elles étaient mauvaises, évidemment. Mais ce devait être un peu pareil pour tout le monde, sans doute. Enfin, il imaginait.

Il n'était pas dans leur tête, après tout.

Jayden tourna les pages du livre qu'il tenait, énervé. Il n'avait aucune envie de devoir lever le regard à nouveau, pour l'instant. Pourtant, le jeune homme aux yeux bruns finit par diriger son regard vers Marielle quand elle lui répondit. Les garçons? Bonne question. Il ne lui semblait pas que la taille était plus importante pour les garçons que pour les filles, mais à la réflexion ce devait être le cas pourtant. Possible en effet qu'il y ait plus de garçons complexés parce que trop petits que de filles complexées parce que trop grande. Mais dans les faits, ça ne changeait pas grand chose. N'ayant jamais été petit, même plus jeune, il ne pouvait pas prétendre savoir ce qu'on pouvait bien ressentir à l'être de manière assez flagrante. Ce devait être désagréable, sans nul doute. Sans doute aussi que quelqu'un de petit devait être une proie plus facile pour les autres, pour ce qu'il en savait. Même si c'était loin d'être le seul critère qui faisait qu'on pouvait être rejeté d'une société, à quelqu'echelle que ce soit. Il haussa les épaules d'un geste négligeant, et poussa légèrement la chaise sur laquelle il avait installé ses pieds. Jayden aurait bien aimé savoir l'heure, mais ça non plus n'avait pas une importance capitale alors il abandonna cette idée. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne doive sortir, de toute façon. Alors tant qu'à faire, autant en profiter, non? Même si s'énerver contre un idiot qui n'en valait même pas la peine n'était pas la définition la plus appropriée pour en profiter, cela ne faisait rien. Ce n'était pas du temps de perdu, loin de là. Très loin de là, même. Le villageois savait que cette conversation-si cet échange pouvait avoir le nom de conversation-avec Marielle et Jing lui serait utile, tôt ou tard. C'était déjà ça de pris.

Je ne dis pas le contraire, mais je répète que je n'ai aucune envie de grandir encore. Je ferais cette taille pour le restant de mes jours, et très franchement, quand je vois a quoi ressembles les "grandes" personnes, je suis particulièrement heureux de stagner a "la taille d'un gamin".

Jayden ne prit pas la peine de regarder son interlocuteur, se contentant de faire une grimace éloquente. Ce qu'il était fatiguant, à parler, parler, parler..., il aurait mieux fait de se taire, au moins il aurait préservé le peu de crédit qu'il avait encore à ses yeux. Et si ce n'était pas grand chose, c'était toujours mieux que rien, non? Mais visiblement non, parler pour ne rien dire et s'amuser à se répéter le faisait rire. Lui en tout cas, ça ne le faisait pas rire. Qu'est-ce qu'il s'en fichait, de ce qu'il lui racontait..., il était petit, il était petit. C'était comme ça, voilà. S'il assumait, tant mieux pour lui. Mais les 'grandes' personnes..., le jeune homme aux yeux bruns ne se sentait pas du tout visé. Non, pas le moins du monde. Aurait-il du? Peut-être, mais il s'en moquait. Et puis ça n'avait rien à voir, la taille n'avait rien à voir avec quoi que ce soit de ce qu'il avait pu sous-entendre. Petit ou grand, méchant ou gentil, beau ou disgracié ; toutes ces caractéristiques étaient indépendantes les unes des autres, dans les grandes lignes. Il arrivait que Dieu, dans son infinie bonté, donne à la fois cruauté et beauté époustouflante à quelqu'un. Il suffisait de regarder la reine du royaume des pluies pour s'en rendre compte, après tout : cette jeune fille était très belle, d'après tout ce qu'il en avait entendu et même s'il ne l'avait jamais vraiment vue, et sa cruauté n'était un secret pour personne dans tout Lysandre. Alors que d'autres étaient assez moyens, voire parfois presque laids, et pourtant d'une gentillesse sans égal. C'était ainsi, c'était comme ça. On ne choisissait pas. Il ignora sa remarque suivante, jugeant que de toute façon quoi qu'il dise il ne pouvait pas descendre plus bas. Ca s'entasserait et le coulerait dans son estime.

«Tu resteras comme ça pour le restant de tes jours, oui. Mais même si tu grandissais, tu resterais un crétin, tu sais. C'est congénital, à ce stade là. Pauvre garçon», répondit Jayden d'un air désintéressé, fronçant les sourcils, fixant du mieux qu'il le pouvait son livre.

Impossible de se concentrer de toute façon, c'était plus pour avoir quelque chose à fixer et se donner l'impression de faire quelque chose qu'il tenait encore cet ouvrage. Non pas qu'il n'était pas intéressant, mais lire en parlant était assez compliqué en vérité. Surtout quand on devait prêter attention à ce que disaient les autres ; or c'était le cas ici. Il jeta un bref regard à la jeune fille aux cheveux argentés, regarda bien plus brièvement encore l'autre garçon présent dans la pièce, et poussa un soupir agacé. Il semblait décidé à parler, encore et toujours. Et bien qu'il parle ; à lui ou à un mur, ça ne faisait à ses yeux fichtrement aucune différence. Peu importait contre qui il dirigeait sa colère, dans les faits qu'il parle à un objet inanimé ou à lui il aurait toujours été aussi ridicule. Enfin. On était ridicule au regard des autres, non? Alors une fois de plus, tout ça était terriblement subjectif. Sans doute était-il lui-même ridicule, aux yeux de l'autre que lui-même trouvait ridicule. Et à ce niveau, la situation elle-même devenait ridicule. Mais dans un sens, ça restait amusant. Et c'était bien ça qui faisait qu'il restait, après tout. S'il s'était trop énervé, si ç'avait été trop agaçant et qu'il n'y avait plus rien eu à faire ici, peut-être serait-il parti. Ou pas. Qui sait? Il aurait fallu être dans sa tête, pour ça.

Et il avait bien assez de mal à se comprendre lui-même pour que les autres y arrivent.

Mais vous êtes tout excusé enfin. C'est vrai, je suis fier d'avoir cette taille la, et tout le reste que vous qualifiez de pire. C'est toujours mieux que d'être comme vous, après tout.

Jayden releva à nouveau la tête vers Jing, retirant la chaise vers lui. C'était irritant, tout de même. Sa voix l'énervait, il était énervant. Vraiment, tellement stupide et énervant. Inutile. Il y avait des personnes, comme ça. Inutiles et inintéressantes. Triste pour eux. Ils ne savaient pas réfléchir, mais disaient que sans se vanter et pour ne pas faire de fausse-modestie, ils l'étaient. Ils croyaient l'être. Ils ne savaient pas parler, mais n'arrêtaient pas de le faire et de se dire qu'ils étaient les meilleurs. Ils le croyaient, ça c'était certain. Ils ne savaient pas ressentir les choses, et pourtant ils semblaient persuadés qu'ils arrivaient à tout comprendre en quelques instants. Ils pensaient avoir raison. Et pourtant, et pourtant..., Jayden aurait aimé pouvoir expliquer à toutes ces personnes que se croire supérieur ne les rendait que plus inférieur encore aux autres, mais il ne pouvait pas. Dommage, tellement dommage. Ça aurait eu quelque chose de drôle. Qu'ils voient la vérité en face dite par quelqu'un qu'ils devaient considérer comme stupide et inutile. Oh oui, ça aurait été drôle, tellement drôle...

«Moi? Répéta-t-il lentement, le foudroyant du regard. Tu ne me connais pas. Je ne te permets pas de juger.»

Un sourire traversa le visage du jeune homme aux pupilles brunes, qui opina doucement du chef. Non, il ne le connaissait pas. Et honnêtement, il se trouvait bien mieux que cet idiot aux cheveux bruns. On pouvait difficilement ne pas le faire, après tout. Enfin. De son point de vue, encore et toujours.

«Et je n'ai jamais dit que j'étais mieux que qui que ce soit. Juste que tu étais pire. To-ta-le nuance.»

Marielle avait envie de s'asseoir. Considération inutile au possible certes, elle n'en disconvenait pas mais cela n'en restait pas moins l'une de ses grandes préoccupations du moment. Elle ne le pouvait pas, pas vrai? Cela aurait attiré l'attention des autres et donné une fort mauvaise impression d'elle-même, à n'en point douter. Une dispute était quelque chose de triste, que l'on se devait de chercher à résoudre par tous les moyens qui soient; et en l'occurrence, ce n'était pas de la sorte qu'elle comptait agir, mais devait malgré cela en avoir l'air. Dieu, ce que cela pouvait être compliqué, parfois... Ou à défaut d'être véritablement difficile à faire, c'était plutôt ennuyant. Si elle s'asseyait, cela serait comme regarder un spectacle, une scène de théâtre. D'autant que cela laissait à penser qu'elle comptait à ce que cela dure un moment, sans quoi elle n'aurait pas pris la peine de reposer ses jambes. Pour deux, trois minutes, n'aurait-ce pas été totalement dépourvu de la moindre trace d'intérêt? Même un idiot aurait pensé cela, aucun doute n'était permis la dessus. Or, sa visée n'était nullement de trahir ses espérances, à savoir que le rouquin reste au moins assez longtemps pour que sa 'discussion' avec l'autre serviteur devienne un brin plus constructive. Qu'ils se jettent des livres dessus, qu'ils s'insultent sur tout et n'importe quoi, qu'ils se mentent et que leurs paroles respirent l'hypocrisie mal dissimulée, n'importe laquelle de ces options l'aurait contentée à merveille. Mais ils ne devaient en aucun cas le découvrir si elle ne voulait pas avoir de problèmes. Aussi restait-elle debout, sans mot dire, sans bouger, faisant fi de son désir pourtant pressant de se poser sur l'une de ces chaises, l'un de ces confortables fauteuils. Elle avait du travail, songea-t-elle, rien ne lui permettait de se reposer. Et cela l'irritait au plus haut point. Et cette chaleur, toujours, bien que moins harassante dans cette pièce, n'en restait pas moins présente et cela contribuait fortement à l'agacer. Il fallait, se répétait-elle, qu'elle s'occupe encore un peu, le temps pour l'un comme pour l'autre de répondre quelque chose qui soit susceptible de l'intéresser. La demoiselle Aelan se mit donc à chercher activement quel problème pourrait survenir ici. Le plus évident étant bien entendu que quelqu'un entre. L'espionne ne le souhaitait pas, c'eût été fort dommage; elle qui s'amusait bien à entendre les joyeusetés qu'ils s'envoyaient, ç'aurait été malvenu de la part de quelque stupide garde de lui ravir cette petite distraction, seul élément ayant le mérite de venir briser la flagrante et grise monotonie des jours passés sous la couverture d'une naïve, petite, appréciée, gentille et mignonne servante d'un tout aussi naïf, petit et selon toute vraisemblance apprécié et gentil Prince. Elle reporta son regard de perle sur Jayden, adoptant une mine gênée et indécise. S'il la regardait, il saurait qu'elle ne savait absolument pas que faire. C'était en effet ce qu'elle avait trouvé de mieux, tout en sachant que ce n'était pas parfait. Elle verrait bien ce que Jing répondrait mais, sur l'instant, elle ne ressentait nul besoin de parler. On ne l'avait pas ouvertement critiquée, après tout, elle n'avait strictement aucune raison de se plaindre. C'était même plutôt plaisant, en soit, et le silence valait souvent mieux que des milliers de mots en pagaille, aussi éloquent et même plus encore. Il vous préservait des ennuis et des malentendus si vous saviez l'utiliser à votre avantage. Parler était important pour elle, mais se taire aussi. C'était d'ailleurs l'un de ses points forts -parmi tant d'autres, se disait-elle-, de savoir reconnaître les moments où elle devait observer cette ligne de conduite et rester aussi muette qu'une tombe. Marielle ne voulait pas 'gâcher l'ambiance'. Cette situation n'était-elle pas mortellement intéressante?

La jeune demoiselle devait pourtant certes avouer qu'il y avait un pourcentage de risques assez élevé, ce devait être proportionnel, pensa-t-elle. Plus ils crieraient et s'énerveraient, plus ils se feraient remarquer, indubitablement. D'un autre côté, si la conversation restait plate elle perdait jusqu'à tout semblant d'intérêt, et alors Marielle tournerait les talons, retournerait à ses fort répétitives occupations quotidiennes. C'était d'un ennui, il ne semblait pas y avoir à ses problème une solution idéale. En soit, elle n'était pas réellement impliquée dans cet incident, personne n'eût pu la contredire sur ce fait, mais cela ne l'empêcherait pas non plus d'avoir des soucis si on les trouvait ici. Jing ne devait juste pas y penser, de toute évidence, dans la mesure où elle ne pouvait pas décemment se laisser aller à penser qu'en le sachant il aurait été capable de continuer à agir de la sorte. Par là elle entendait répondre aux provocations très claires du rouquin; il l'aurait ignoré s'il avait craint quelques sévères représailles de la part des autorités du château, et aurait d'ores et déjà appelé les gardes. Ne serait pas resté à 'discuter aimablement avec ce tout nouvel ami qu'il venait de se faire'. Sur ce point, pas le moindre doute n'était permis. De toute façon, n'importe qui aurait eu une telle réaction. La peur restait un bon moyen de conditionner les gens, leur donnant l'impression qu'ils n'avaient 'pas le choix'. Elle regardait donc l'autre serviteur, l'air pensif, peut-être. Si quelqu'un arrivait. Si quelqu'un arrivait. Marielle savait y avoir songé préalablement, mais elle découvrait le caractère du jeune homme un peu plus à chacune de ses répliques et elle ne se sentait par conséquent pas rassurée le moins du monde: il ne dirait rien sur elle, tout du moins, pas volontairement. Mais une erreur était si vite arrivée, pas vrai? Même venant de lui. L'espionne se corrigea presque immédiatement: surtout venant de lui, de ce qu'il lui avait été donné de voir durant ce court laps de temps, pendant qu'elle écoutait attentivement sans en avoir l'air son échange -même si, très honnêtement, cela n'avait d'échange que le nom- avec Jayden. D'autant qu'ils n'auraient pas le temps d'accorder leurs violons avant de parler aux possibles nouveaux arrivants. Si elle-même prenait la parole la première et qu'il comprenait qu'il ne serait bénéfique à aucun d'entre eux qu'il y aille de son petit commentaire, tout irait bien. Si ce n'était pas le cas en revanche, elle devrait faire preuve de prouesses d'inventivité pour se dégager de cette épineuse conjoncture.

Elle mit ses mains dans son dos, se convainquant que la chance ne pouvait à présent que lui sourire, confiante en elle de toute façon. Quant aux deux autres, leur sort ne la concernait pas réellement, et elle n'y accordait pas une grande importance. La vie était ainsi faite, et les gens gentils et généreux ne vivaient pas bien vieux. Quand quelqu'un nous ralentissait, on le laissait derrière et on fuyait; l'honneur passait après. Pour se consoler on pouvait se dire que c'était une forme de courage que d'abandonner ceux qu'on appréciait sans se retourner, cela n'était pas moins vrai qu'autre chose et pouvait aider les lâches dans leur fuite. Mais Marielle n'appréciait pas Jing et se fichait de Jayden. N'avait pas besoin de se rassurer, juste de les écouter et de se dire qu'au final, elle n'était pas si malchanceuse que cela. Et comme toujours, si elle ne disait rien, elle se ferait oublier. Il y avait toujours un moment où il lui devenait possible de s'éclipser sans que personne ne le remarque; pas maintenant, bien sûr, mais il viendrait. Elle se savait plus transparente qu'une vitre du plus pur cristal.

''Je ne dis pas le contraire,mais je répète que je n'ai aucune envie de grandir encore. Je ferais cette taille pour le restant de mes jours,et très franchement,quand je vois a quoi ressemblent les "grandes" personnes,je suis particulièrement heureux de stagner a "la taille d'un gamin".''

Marielle du une fois de plus ravaler un sourire moqueur. S'il n'avait pas envie de grandir, c'était son affaire, en quoi cela les concernait-il? Elle-même aurait pu commencer à dire qu'elle préférait le bleu au vert et que le rose était l'une des teinte qu'elle abhorrait le plus. Mais ils n'y auraient pas accordé une grande importance, pas vrai? Eh bien, c'était la même histoire avec cette phrase de Jing. Ce qu'il désirait, ce qu'il aimait, ce qui le faisait sourire et ce qui le faisait pleurer, il pouvait le dire à ses amis mais, qu'il le sache à présent, les presque inconnus auxquels il venait tout juste d'adresser la parole n'en avaient cure, cela ne fonctionnait en rien comme une justification d'aucune sorte. Si cela lui plaisait de le croire toutefois, elle n'objecterait rien. Se contenterait de désapprouver en silence ses paroles. Du reste, il avait critiqué les 'grandes' personnes. C'était vrai; aussi vrai que les gens de petite taille étaient stupides. Il y avait des personnes relativement diminuées dans chacune de ces deux castes et elle ne pensait pas que la taille influe de quelque manière que ce soit sur l'intelligence. La pseudo-servante ne savait pas si Jing était totalement stupide, juste un peu déficient mentalement ou si ses erreurs étaient toutes délibérées mais, ce dont elle était certaine, c'était qu'il était bien loin en dessous d'elle au niveau de l'intelligence. Elle ne prétendait pas avoir une culture magnifique et plus étendue que la voûte céleste, mais en revanche elle savait posséder un certain talent pour tout ce qui touchait à la dialectique et réflexion. Ce qui ne devait pas être le cas du jeune serviteur, ou du villageois qui, lui, avait plus simplement l'air dépourvu de logique et les moindre vestiges de sens commun qu'il avait pu avoir devaient être depuis longtemps disparus.

«Tu resteras comme ça pour le restant de tes jours, oui. Mais même si tu grandissais, tu resterais un crétin, tu sais. C'est congénital, à ce stade là. Pauvre garçon»,

Il avait une bonne répartie, songea-t-elle, ce qui était important. Certains restaient sans voix, ne sachant que répondre aux insultes des autres mais, de toute évidence, ce n'était pas son cas, il l'avait d'ores et déjà prouvé à maintes reprises en un laps de temps pourtant fort limité. Marielle appréciait parler avec ce type de personnes, qui avaient au moins le mérite de rendre la conversation un brin plus enrichissante. En outre, cela la forçait à chercher, à réfléchir un peu plus que de raison; et quelque chose lui disait, son instinct peut-être, mais elle n'aurait juré de rien, que la personne capable de faire taire Jayden Sied sans le moindre effort ou le moindre cri n'était pas encore née. Ou en tout cas, il ne lui semblait pas avoir croisé beaucoup de monde qui lui en auraient semblé capables et auxquelles il serait amené à parler. Un fort caractère donc. Elle pensait ce genre de traits de caractère aussi appréciables que détestables quelque part mais, en l'occurrence, c'était de très bonne augure pour elle. La jeune fille aux cheveux clairs ne risquait pas de s'ennuyer. Elle se demanda pour la énième fois ce qu'allait rétorquer Jing, et ce qu'elle-même aurait trouvé à dire en pareil cas. Sans doute, se dit-elle, aurait-elle adopté une autre conduite dès le tout début, évitant ainsi plus de la moitié des insultes de l'autre. Un comportement plus approprié en d'autres termes.

Mais ce n'aurait pas été amusant s'ils avaient tous deux appliqué à la lettre cette règle à laquelle elle-même ne pouvait faillir une seule seconde. Marielle préférait cela ainsi.

Mais vous êtes tout excusé enfin. C'est vrai, je suis fier d'avoir cette taille la, et tout le reste que vous qualifiez de pire. C'est toujours mieux que d'être comme vous, après tout.

Jing. Elle se souviendrait de ce nom et n'aurait plus probablement pas à faire un seul effort en ce sens. Qu'entendait-il exactement par 'comme vous'? S'il ne continuait pas, cela perdait immédiatement toute son utilité. En outre, de ce qu'elle avait précédemment compris, il se fichait de sa taille et ne la jugeait pas comme étant un des éléments les plus importants de sa vie et, maintenant, il allait jusqu'à en être fier? L'ironie avait ses limites à ne pas dépasser et, bien qu'elle ne fut pas entièrement sûre que Jayden relève la contradiction entre ses présentes paroles et celles prononcées antérieurement. Erreur mineure mais erreur tout de même. Incohérence. Son visage conserva cette même expression factice de gêne et d'indécision mêlée tandis qu'elle se répétait qu'un idiot ne l'aurait pas cru avec un minimum de logique. Il n'était pas fier de sa taille; il n'y accordait pas un soupçon d'importance, nuance. Elle soupira encore, se demandant quand est-ce qu'elle aurait le devoir de faire son entrée et de calmer le jeu. Pas tout de suite, certes, mais il y aurait un moment où elle ne pourrait plus l'éviter tout en collant à son personnage. Elle serait convaincante: juste assez pour qu'ils n'émettent pas de doutes quant à sa sincérité, et juste pas assez pour qu'ils cessent de se lancer des piques. Jouable, se dit l'espionne. Elle pouvait le faire. N'avait qu'à attendre le bon moment.

«Moi? Dit-il avec un regard noir. Tu ne me connais pas. Je ne te permets pas de juger.»

Peut-être n'avait-on en principe pas le droit de porter quelque jugement sur une personne qui nous était inconnue, c'était vrai. Théoriquement cependant car, dans les faits, il en était bien autrement. On pouvait le faire, risquait de se tromper mais, à partir du moment où l'on restait objectif, n'occultant aucun fait et n'en ajoutant strictement aucun, on avait de bonnes chances d'arriver à un bon rendu, fidèle à la personnalité de l'autre. Sauf exceptions, cela allait sans le dire. Tout le monde jugeait tout le monde, et personne n'en faisait un véritable cas de conscience. Cette personne est gentille. Celle ci est méchante, celle ci est pauvre, et ainsi de suite, n'étaient-ce pas là des pensées que chacun avait? Le plus difficile restait de pouvoir modifier cette impression en fonction des évènements. Marielle avait du mal à agir de la sorte et éprouvait un profond respect pour tous ceux qui le faisaient naturellement; ce n'était visiblement pas le cas de Jing. Ce n'était pas non plus celui de Jayden.
Mais là encore, il n s'agissait que de simples suppositions.

«Et je n'ai jamais dit que j'étais mieux que qui que ce soit. Juste que tu étais pire. To-ta-le nuance.»

Marielle haussa les sourcils. Elle ne désapprouvait pas, au contraire. Sur une échelle, il se plaçait sûrement dans la moyenne, Jing en dessous. Et elle? Où la voyaient-ils, tous deux? Elle se pensait au dessus, au moins légèrement. Pas au point de ne plus les voir, pas au point de toucher les étoiles mais au dessus malgré tout. Ils ne devaient pas avoir cette vision des choses; mais qu'importait. Son but n'était pas de briller plus que tout autour d'elle, car elle avait parfaitement connaissance qu'il devait y avoir mieux qu'elle. Et toute étoile tentant vainement de rivaliser avec la lune n'était-elle pas destinée à s'éteindre? Son raisonnement était le même que celui de Jayden: elle n'était pas en haut de la pyramide, juste bien au dessus d'eux. Et de là, elle pouvait les observer se disputer sans être ennuyée par qui que ce fut. Et elle se tu encore, se contentant d'attendre, encore et toujours. Ce n'était pas une si mauvaise journée, au final.

Jusqu'ici du moins.

{Aeon, t'as intérêt de faire gaffe aux fautes d'orthographes. Tu en as fais dans le dialogue, tant pis pour toi maintenant. Parce que là, c'est ton personnage qui se trompe de mot quand il parle. Ca t'apprendra à relire tes posts.==}

Jayden savait qu'il n'était pas parfait. Il savait qu'il n'avait rien de quelqu'un d'agréable. Il savait qu'il n'était pas le garçon le plus beau du monde. Il savait que sa culture n'était pas immense. Il savait aussi qu'il n'était pas la personne la plus intelligente que cette bibliothèque aurait croisé, très loin de là. Il savait qu'il pouvait avoir tort, et il savait tout aussi bien qu'il avait un bon nombre de défauts, dont certains qu'il n'admettrait jamais. Il le savait pertinemment. Et, en soit, ça n'avait pas de quoi faire déprimer qui que ce soit. Il se sentait bien comme ça, et si c'était stupide aux yeux des autres il n'en avait cure. Parce que quoi? Il n'était pas parfait, et alors? Personne ne l'était. Certains s'en approchaient plus que d'autres, mais plus on avait l'air d'être doué dans tout les domaines, plus on était beau ou intelligent et plus le peu de défauts qu'on avait était grave. Jayden ne disait pas que tout les stéréotypes étaient vrai, mais ce n'était pas pour rien qu'on prenait pour acquis que toute personne excessivement belle était stupide. Et si vous étiez disgracié physiquement, alors sans doute étiez vous vraiment très intelligent. Ce n'était pas toujours vrai, et il convenait qu'il existait des personnes excessivement belles et très intelligents tout autant que d'autres, laides et stupides. Cela étant, le garçon aux cheveux roux pensait bien que quelqu'un qui paraissait parfait cachait des défauts bien pires que ceux que les autres voulaient bien laisser paraître au grand jour. Et lui, il n'avait rien à cacher. L'image qu'il donnait de lui n'était pas la meilleur qui soit, et une fois encore il s'en moquait. Si quelqu'un ne l'aimait pas, il ne le forcerait jamais à être ami avec lui. Si sa coiffure, sa manière de parler ou de s'habiller énervait untel ou une-telle, et bien qu'il ne le regarde pas ; la société était ainsi faite pour qu'on puisse croiser ses voisins sans même les voir, et c'était bien commode dans ce genre de cas. Devenir l'ami universel, sourire et être poli, ce n'était pas pour lui. Le garçon aux yeux bruns ne tenait pas à se forcer, à être quelqu'un qu'il n'était pas, et ce même si ça aurait grandement facilité sa vie et celle de ses proches. Chaque personne naissait avec un caractère bien particulier, qu'il développait et affirmait au fur et à mesure qu'il grandissait, se formait et apprenait à comprendre ce qui l'entourait : s'il était ainsi il était ainsi, et voilà tout. Au moins il était certain que ses amis ne l'appréciaient pas pour un semblant de façade qu'il leur montrerait, mais pour ce qu'il était en lui-même. Ils n'aimaient pas tout de lui, mais l'acceptait comme il était. C'était ça, finalement : accepter. Les amis ça va, ça vient. Les vraies amitié, ça n'existe pas : on ne peut pas demander à quelqu'un de tout faire pour soit et de toujours être là, c'est impossible. Ça vient tout seul, parce qu'on accepte les défauts de l'autre et ses côtés qu'on apprécie pas. Alors, oui, Jayden acceptait franchement de ne pas être parfait. Ses défauts étaient au moins aussi important et partie intégrante de lui-même que ses qualités, et s'il ne les avait plus eu il n'aurait plus été le même. C'était tellement subjectif, de toute façon : ce qui était un défaut pour l'un n'en serait pas un pour l'autre, et vice-versa. Il arrivait fréquemment qu'on insulte quelqu'un sans le penser, juste parce qu'on le détestait ou qu'on était fâché momentanément contre lui. Ces personnes là, leurs reproches ne comptaient pas, ils n'étaient pas objectifs. Et que vaut l'avis d'un inconnu? Pas grand chose. Il ne connait rien de vous, il ne connait rien de ce qui vous motive ou vous pousse à être ainsi ou comme ça, de ce qui vous énerve ou vous fait plaisir. En fait, les seules personnes au monde que Jayden écoutait un minimum concernant son comportement étaient ses parents, quoi qu'il en soit et même s'il leur en faisait voir de toutes les couleurs. L'adolescent se fâchait régulièrement avec eux et dépassait sans arrêt les limites qu'ils lui imposaient, mais il était assez rare qu'ils se mettent vraiment hors d'eux. Quand ça arrivait, Jayden arrêtait. Voilà tout. Il avait bien souvent du mal à voir où étaient les limites, et si on ne lui signalait pas clairement il les dépassait bien souvent allègrement. Mais pour l'instant, il se fichait bien de dépasser de quelconques limites : il n'aimait pas ce Jing, et tant mieux s'il pouvait lui pourrir la vie.

A vrai dire, tout ce que cet imbécile pourrait dire, il s'en moquait éperdument. Son point de vue, il n'en avait pas besoin : tout ce qu'il pourrait faire serait l'agacer, rien de plus. Il ne l'énervait pas, il le blessait encore moins. Il était pathétique dans tout les sens du terme selon lui, et jamais il ne pourrait devenir ami avec quelqu'un comme lui. Non, ce qui l'énervait réellement, c'était qu'il persiste à dire n'importe quoi. Tant qu'à faire, cet imbécile aurait au moins pu rester à sa place, au lieu de jouer à celui qui sait mieux que tout le monde : ça aurait mieux valu pour lui, il n'aurait pas eu l'air aussi stupide que maintenant. Jayden n'était pas un génie, et il n'avait pas été très longtemps à l'école-plus par faute de discipline qu'autre chose ; pourtant, même en sachant cela, il se trouvait moins idiot que lui. Ça pouvait être dans les gènes après, il ne savait pas. Mais cet idiot congénital lui gâchait le paysage, à absolument vouloir rester là avec son ami le plateau. Et voilà, que d'incohérences dans ses propos! Il pouvait s'en tenir à des choses simples, et il fallait, il fallait qu'il aille chercher compliqué. Comme si ça allait impressionner qui que ce soit, qu'il sorte des mensonges qui ne tenaient pas un instant la route. Et si ce n'était pas un mensonge, alors c'était qu'il était encore plus stupide que ce qu'il croyait. Depuis quand travaillait-il ici? Le jeune homme aux cheveux roux n'aimait pas ce garçon, et il savait que de fait il allait lui trouver tout les torts du monde, qu'ils existent ou pas. Au diable l'objectivité, il n'en avait rien à faire de savoir s'il était de mauvaise foi ou pas! Il aurait préféré que ce nain se taise, et qu'il décide enfin d'avoir l'air un peu moins bête que ce qu'il avait bien voulu laisser voir jusque là. Le jeune humain aux yeux foncés détourna son regard vers la jeune fille aux cheveux argentés, qui ne disait mot depuis un moment déjà. Sûrement que ça ne devait pas être très amusant de rester là pendant que deux personnes qu'on ne connaissait pas se lançait des gentillesses à la figure. Il tordit légèrement sa bouche dans une grimace agacée, et donna un petit coup dans la chaise sur laquelle il avait posé ses pieds. Sans doute que si ça dégénérait, elle finirait par intervenir. Il la voyait mal rester là à regarder, à moins de n'être une profonde sadique ou une idiote finie. Or elle n'avait pas l'air stupide, jusque là. Peut-être l'était-elle, il n'aurait su le dire avec le peu d'échange qu'ils avaient eu ; peut-être était-elle ennuyée, amusée, agacée, gênée, embarrassée..., allez savoir ce qui pouvait se passer dans sa tête, lui en tout cas ne le savait pas. Il poussa un léger soupir, reposant son regard sur son livre. Vraiment, il n'allait jamais réussi à lire, c'était une évidence. C'était intéressant, mais avec tout ce bruit autour c'était peine perdue. Quand il lisait, c'était en général qu'il voulait rester au calme : c'était un bon moyen de se calmer, entre autre. Ou d'occuper le temps, le Dimanche matin, le temps que sa mère choisisse entre le chapeau blanc et le chapeau noir pour aller à l'Église. Tant pis, ce n'était pas comme s'il ne reviendrait jamais ici de toute façon, n'est-ce pas? Tant qu'il resterait des moyens d'entrer dans ce château, il rentrerait dans ce château. C'était ainsi, on ne le changerait pas.

Non.Je ne vous connais pas,et très sincérement,je n'ai aucune envie de vous connaître.Je n'ai pas l'intention d'ajouter a mes connaissances une espére de caricature d'être pensant comme vous.

Jayden haussa un sourcil, mais ne regarda pas son interlocuteur pour autant. Il resta silencieux un instant, se demandant s'il avait bel et bien dit «espère» ou s'il avait voulu dire «espèce». Non, il avait bel et bien dit dit éspère. Bha, venant de lui ça ne l'étonnait pas qu'il réussisse à se tromper entre deux mots, tant qu'ils avaient à peu près la même écriture. Un vrai imbécile, un pur et dur. Ça faisait longtemps qu'il n'en avait pas croisé, et à vrai dire ça ne lui manquait pas le moins du monde. C'était à cause de gens comme lui que le monde stagnait au lieu d'avancer, d'attentistes stupides qui ouvraient la bouche et se demandaient quoi faire, et ne prenait de décision importante qu'avec la masse ou une fois que tout était terminé. Il ne ferait sûrement rien de sa vie, et il continuerait pourtant de croire qu'il était quelqu'un d'important pour ce monde. C'était l'impression qu'il donnait à Jayden, du moins, et il était alors persuadé qu'elle était juste. Oui, quelqu'un qui se croyait mieux que ce qu'il était : il n'y avait pas pire que ces gens là. Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, le jeune homme aux pupilles brunes ne s'énervait jamais réellement contre les personnes qui se disaient intelligentes ou particulièrement belles quand ils l'étaient. Il avait un ami qui était très intelligent, et qui ne se privait pas de le faire remarquer : pour autant s'il l'était, alors pourquoi n'aurait-il pas le droit de le dire? C'était agaçant parfois, mais c'était simplement une histoire de jalousie à ce niveau. Mais ces personnes là, ces personnes tout à fait dans la moyenne voire un peu en-dessous qui jouaient à être les meilleurs..., c'était insupportable. Il n'était pas mieux que lui, il n'était pas plus intelligent que qui que ce soit. Jayden n'était pas parfait, pas particulièrement intélligent ou beau, mais ce Jing non plus. Et la différence majeur entre eux était que lui l'admettait et vivait très bien avec, alors que l'autre se donnait l'illusion d'être quelqu'un d'important. Voilà pourquoi ils ne s'entendraient jamais.

En tout cas,ca me surprends que vous sachiez lire.Mais en fait,peut être que vous faîtes juste semblant,Ca ne me surprendrais pas,ça.

Là, pour le coup, Jayden se redressa et lança un regard pire que noir à son interlocuteur. Piqué au vif, clairement. Il n'aimait pas qu'on le rabaisse, comme n'importe qui, mais encore moins si c'était dit par quelqu'un qu'il considérait comme plus stupide que lui. Et, s'il y avait un sujet sur lequel il n'aimait pas qu'on le critique, c'était bien celui-là. Il savait lire, il savait même très bien lire. C'était bien une des rare choses qui lui plaisait à l'école, lire. Il ne lisait pas sans arrêt, mais quand il avait le temps il était loin d'être contre ; il avait d'ailleurs acquis une certaine culture en matière de livre, qu'il n'avait nullement honte d'étaler, même sans le vouloir parfois. Alors s'il savait lire, évidement. Évidemment, quel imbécile..., tout le monde n'était pas comme lui, à se chercher des alibis plus compliqués que compliqués et plus stupides que stupides quand il y avait plus simple : s'il n'avait pas su lire, il n'aurait pas pris de livre. Point final.

«Ça te surprend? C'est bien, tu viens d'apprendre que tout le monde n'était pas comme toi. Je m'amuserais pas à prendre un livre si je savais pas lire, espère de crétin. Mieux vaut être une caricature qu'une copie, rien à faire.»

Jayden donna un nouveau coup dans la chaise, manifestant son mécontentement. Oui, il avait volontairement réitéré la faute de l'autre, et volontairement appuyé longuement dessus pour que ce soit bien audible. Au moins, il ne frappait pas sur l'idiot aux cheveux bruns : personne ne pouvait se plaindre. En revanche, il reposa ses yeux sur lui, et l'observa avec un rictus regarder Marielle. Beeeeen tiens...Il posa son livre sur ses genoux, sans cesser de sourire pour autant. Quel crétin, il ne démordrait jamais du fait qu'il était pire qu'idiot. C'était ainsi, c'était comme ça : il était idiot, qu'est-ce qu'il y pouvait?

«Si tu veux qu'elle te parle, vaut mieux lui demander carrément plutôt que de la regarder en coin. Her, Marielle? Je crois que Roméo trouve que cette conversation n'a pas autant d'intérêt, si tu ne discutes pas avec nous, ajouta-t-il en se tournant vers la jeune fille. J'ai la vague impression, sans bien savoir pourquoi, que quoi que tu dises ce sera d'un intérêt immense pour lui. Ça se teste, non? Alors..., Marielle, un mot pour décrire Jing? Ce que tu veux.»

Il hocha la tête, l'air de réfléchir, et fit un signe évasif de la main.

«Pour moi ce sera 'Crétin', on ne va pas changer les bonnes habitudes. Oh, attend! Jing, un mot pour te décrire? Ça peut être super intéressant, d'avoir ton point de vue sur la question. Tu devrais pas mettre longtemps à mettre tes trois neurones d'accord.»

S'il y avait bel et bien une chose que la jeune servante ne supportait pas, c'était les obstacles, les gênes en tout genre qui pouvaient parfois venir se dresser sur son chemin, alors même qu'elle avait pris tant de temps, qu'elle avait eu tant de réflexion pour choisir lequel emprunter, lequel serait à la fois le plus court, le plus sûr et, occasionnellement lorsque cela lui était possible et concordait avec les deux précédentes options, le plus amusant. Certains avançaient sans savoir où ils allaient, les yeux bandés, dans le noir total; pas elle. Il lui semblait donc évident qu'ainsi, ses erreurs étaient non seulement moins nombreuses mais également moins importantes, non décisives et pouvant être enterrées aussi vite qu'elles étaient survenues. Pour ne pas se tromper d'itinéraire encore faut-il tous les connaître, se disait-elle souvent et, malheureusement, il était humainement impossible pour quiconque de connaître de manière sûre dans le laps de temps accordé jusqu'à la dernière des perspectives de futur. On en envisageait certes, plus ou moins selon les situations mais nous n'avions absolument pas les minutes, que disait-elle, peut-être même les heures et le talent nécessaire pour ce faire, l'explication étant à ses yeux la plus simple qui soit. A savoir, attendre trop pour répondre, chercher ses mots lorsque l'on n'aurait en principe, selon toute vraisemblance, pas dû avoir à le faire, était immuablement la pire des solutions imaginable. N'avait de solution que le nom, aurait-elle ajouté. Il fallait donc pour ne pas commettre de fautes, disposer d'une grande capacité de discernement, doublée d'un sens de l'improvisation, de prudence aussi, de savoir se préparer une issue de secours dans le cas certes improbable mais toujours possible que nous ayons fait de mauvais choix. On ne pouvait jamais retourner en arrière, une deuxième chance n'était jamais donnée, contrairement à ce qu'en disaient les écritures saintes concernant miracles et autres interventions divines. Si l'on se faisait renverser dans la rue par une calèche, tout ce que nous pourrions nous dire serait que, si tout était à refaire, nous ne traverserions pas la route à ce moment précis. Trop tard néanmoins; cette considération ne nous ramènerait guère une poignée de secondes en arrière; nous étions mort, ni plus ni moins. Une fois les conséquences d'une bêtise constatées, rien ne pouvait plus être changé à la donne. Nous aurions voulu recommencer. Mais nous ne recommencerions pas. Aussi Marielle, consciente de ce fait et le craignant malgré les apparences, haïssait que l'on vienne perturber le long fleuve tranquille que devait théoriquement être son existence aux yeux de tous. Elle ne disconvenait guère que certains évènements étaient imprévisibles mais, à partir du moment où leur importance n'était que mineure, cela n'avait pas de réelle importance. En revanche, lorsqu'à l'exact contraire ces dites choses tenaient une grande place, c'était une toute autre histoire, une toute autre chanson qu'elle entendait. Et l'envie irrépressible d'effacer du paysage ces éléments perturbateurs devenait de plus en pressante chaque fois que cela arrivait. Pour éviter de ressentir ce genre d'émotions désagréables, en particulier pour une personne comme elle n'ayant pas le moindre droit à la plus petite confusion, la jeune fille aux courts cheveux perle avait appris ces règles profondément ancrées dans le cerveau du genre humain, qui conditionnait sans doute même jusqu'au dernier des gestes d'une tierce personne. Cela n'était nullement précis, cela n'était nullement infaillible; et pourtant. Ces signes, ces codes certes propres à chacun mais semblables en de nombreux points les uns aux autres, donnaient de vitales et stratégiques informations quant à la réaction qu'aurait votre interlocuteur. Mais, comme toute méthode, elle devait être perfectionnée car, en effet, certaines personnes étaient 'totalement imprévisibles', c'était ce qu'en avait conclu Marielle, avec un certain dépit et un agacement naissant, elle devait l'avouer. On pouvait penser ce que nous souhaitions, force était de croire que ces dits individus réagiraient de la manière opposée à ce à quoi vous vous seriez attendu, et ce à quoi vous auriez été en droit de vous attendre en vous référant à tout ce que vous auriez pu savoir d'eux, de leur mental, de leur histoire même. On ne pouvait qu'attendre, attendre, encore et toujours, espérer, sans que cela toutefois ne change grand chose au résultat final. On aurait facilement pu être amenés à croire qu'ils choisissaient toujours l'option à laquelle vous n'aviez pas songé, ou que vous aviez dès le début classée comme 'impossible'. C'était énervant, c'était insupportable. C'était irritant et perturbant. Et pire encore, on n'y pouvait jamais rien changer.

Or, devant elle à ce moment précis se tenait une de ces fameuses personnes; Jayden. Ce n'était pas de sa faute, elle le comprenait bien mais cela n'enlevait rien au fait qu'il était automatiquement plus difficile de s'adapter à une situation et donner la meilleure réponse lorsque l'on n'avait qu'aux environs d'une seconde, ou deux peut-être dans certains cas si elle faisait semblant d'avoir eu la tête dans les nuages et d'être quelque peu rêveuse et étourdie. Donc, plus de risques. Et plus de défi. Marielle reporta son poids sur sa jambe droite, être debout commençant sérieusement à la lasser, et posa ses yeux gris comme un ciel pluvieux sur Jing. Lui, en revanche, était presque prévisible. Pas transparent comme certains, mais quasiment prévisible. Quoi que, se dit-elle, goguenarde, elle avait déjà plus d'une fois été surprise par les prouesses de stupidités dont il avait fait preuve depuis qu'il avait commencé à s'énerver contre le grand rouquin assis sur la table. Force était de croire que son sens de la répartie laissait à désirer et, refusant de se taire et de passer pour quelqu'un de faible, il avait préféré parler sans réfléchir plus que le strict minimum. Et le résultat était, de son avis, relativement amusant à voir. Le brun n'était pas forcément quelqu'un de fondamentalement idiot; elle n'avait pas eu cette impression au tout début. Pas quelqu'un s'élevant au dessus de la moyenne non plus mais une personne qui de toute évidence aurait gagné à conserver son calme. Cela ne lui allait pas, de s'énerver en feignant la sérénité, cela le rendait franchement stupide. Ou peut-être était-ce naturel, chez lui. Elle plaignait l'autre serviteur de ne pas être né intelligent et se moquait de lui, tandis qu'elle détestait Jayden pour ne pas réagir comme elle l'aurait souhaité; qu'ils s'entretuent, cela aurait beaucoup aidée et aurait arrangé sa journée, ironisa-t-elle. Le monde ne s'arrêterait pas de tourner pour cela, il ne s'en porterait que mieux. Elle le pensait. Ne l'aurait jamais, grand Dieu jamais dit à haute voix.

« Non. Je ne vous connais pas, et très sincèrement, je n'ai aucune envie de vous connaître. Je n'ai pas l'intention d'ajouter à mes connaissances une espére de caricature d'être pensant comme vous. »

Marielle haussa les sourcils, certaine d'avoir clairement entendu la réponse. Elle ne s'était point trompée, connaissait la différence entre 'espèce' et 'espère'. Premier choix, il savait ce qu'il avait dit et usait de sous-entendus qu'elle n'était pas en mesure de comprendre. Deuxième choix, il en avait conscience et se moquait de Jayden; peu plausible toutefois, elle n'avait pas eu l'impression que le villageois se soit trompé de vocabulaire au cours de leur dialogue. Troisième, il s'était emporté et n'avait dès lors plus fait attention à ce qu'il disait, et avait alors fait un lapsus des plus ridicule. Et enfin, quatrième et dernière hypothèse, il savait ce qu'il avait dit mais croyait réellement qu'il ne s'était pas trompé, auquel cas sa bêtise était plus grande et profonde encore que ce qu'elle avait pu précédemment penser. Et cela devenait grave, si l'on prenait en considération qu'elle la pensait déjà plus vaste encore que l'océan, plus haute que les hautes montagnes coupant Hatès du reste de Lysandre. Oh, il ne fallait pas mal le prendre; à ses yeux, tout le reste du monde ou presque -on exceptait les dirigeants, on exceptait certaines autres personnes, mais peu- était extrêmement stupide comparé à elle. Vaniteuse? Sans l'ombre d'un doute. Mais elle avait de quoi l'être, pas vrai? Plus en tout cas que celui qui confondait 'espèces' et 'espère', c'était un fait. Il parlait de caricature d'être pensant? Comme c'était amusant, ils étaient deux, alors, deux caricatures dans cette pièce, s'il pensait ainsi. De ses deux interlocuteurs elle n'avait guère la moindre idée duquel était le plus intelligent mais la demoiselle Aelan pensait en revanche bien que ni l'un ni l'autre ne pourrait s'illustrer dans le monde, laisser une marque. S'il suffisait d'énerver Jing pour qu'il perde tous ses moyens, il n'allait pas aller bien loin, et Jayden... Marielle ne savait pas. Ne voulait pas savoir. Un trop grand esprit de contradiction qui le perdrait, un jour, probablement. Elle ne dit rien, ne bougea pas d'un cil suite à cette phrase. Ne pas connaître quelqu'un... On ne connaissait véritablement une personne que lorsque l'on savait ce qu'elle cachait. On avait tous des cadavres dans ses placards auxquels on ne voulait pas toucher. Personne ne connaissait Marielle, mais Marielle connaissait, elle, beaucoup de monde...

Jing dit ensuite qu'il pensait que Jayden faisait semblant de lire, ou bien le contraire l'aurait réellement surpris.

Surpris? Il n'avait pas l'air si surpris que cela, se dit Marielle. Du reste, elle ne possédait alors présentement aucune preuve permettant d'affirmer ou d'infirmer ses dires. Cependant, elle aurait trouvé quelque peu étrange qu'il se ait demandé un autre livre s'il ne savait pas lire; qu'il en ai pris un pour se donner une contenance quelconque, elle aurait compris. Qu'il en ait demandé un autre juste pour la déranger, elle imaginait que c'était également possible. Mais il s'était levé pour en prendre un autre, sous prétexte que le précédent ne l'intéressait pas suffisamment. Elle n'aurait juré de rien mais pensait qu'il savait lire. Elle-même savait; elle n'aimait pas et ne le faisait pas sans y être obligée mais elle savait le faire. Marielle conserva le silence, observant la scène et en riant intérieurement.

«Ça te surprend? C'est bien, tu viens d'apprendre que tout le monde n'était pas comme toi. Je m'amuserais pas à prendre un livre si je savais pas lire, espère de crétin. Mieux vaut être une caricature qu'une copie, rien à faire.»

Marielle avait de suite réprimer un sourire; voilà que tout recommençait à devenir follement intéressant, semblait-il. Jayden semblait particulièrement féru du principe comme quoi la meilleure défense serait l'attaque, et plutôt que de contester simplement les propos du serviteur, il les rejetait sur lui -accompagnant sa phrase d'un coup sur cette pauvre chaise, qui devait visiblement à ses yeux être coupable de tous les maux du monde, pour lui vouer une telle haine... En somme, plus la critique qu'il lui ferait serait pertinente et méchante, plus la riposte qu'il renverrait le serait. Et si l'on partait du principe que l'un comme l'autre pourraient agir de la sorte, il n'était guère difficile de deviner que toute cette belle situation pourrait bien vite dégénérer. Ce qui en soit, si cela ne devait pas être une si bonne nouvelle pour eux, en était une excellente pour elle. Au moins, se dit Marielle, elle ne s'ennuyait pas et, de toute façon, lorsque les gestes trop répétitifs que l'on devait accomplir sous une chaleur caniculaire-causée par la proximité du désert- nous emplissait d'une léthargie certaine sans que l'on ne s'en rende réellement compte, même le piètre des spectacles nous semblait la meilleure des distractions. L'espionne baissa la tête, ne désirant croiser le regard d'aucun des deux protagonistes de la scène -scène dont elle s'était volontairement peu ou prou exclue.

Du moins, jusqu'au moment précis où, alors qu'elle n'envisageait plus même cette hypothèse, elle revint clairement dans la conversation, sans espoir d'esquiver la question, qui lui était clairement adressée.

Il était trop imprévisible, faisait absolument n'importe quoi et il lui était impossible dès lors de le comprendre. Sa colère ne se trahit pas sur son visage mais elle fut contente d'avoir précédemment baissé la tête; si un signe, même infime, avait fait surface, ils ne l'auraient ainsi pas remarqué. Tant mieux, c'était au moins déjà cela de gagné.

«Si tu veux qu'elle te parle, vaut mieux lui demander carrément plutôt que de la regarder en coin. Her, Marielle? Je crois que Roméo trouve que cette conversation n'a pas autant d'intérêt, si tu ne discutes pas avec nous, lui dit-il. J'ai la vague impression, sans bien savoir pourquoi, que quoi que tu dises ce sera d'un intérêt immense pour lui. Ça se teste, non? Alors..., Marielle, un mot pour décrire Jing? Ce que tu veux.»

Jing la regardait? Et alors? Marielle avait brusquement relevé la tête, prenant quelques couleurs lorsqu'il évoqua le nom 'Roméo'. Le sous-entendu était plus qu'explicite, mais tout de même, elle ne pouvait pas dire que le rouquin ait l'art et la manière de dire les choses. Plus elle donnerait l'impression d'être gênée, mieux cela serait. La raison ici aussi était simple, claire comme de l'eau de roche: durant les balbutiements entraînés par cet embarras certain, elle aurait le temps de réfléchit à ce qu'elle dirait. Le temps, on n'en avait jamais assez et par conséquent, ne serait-ce qu'une seconde méritait d'être utilisée. La jeune fille n'avait aucune raison de paniquer, elle avait après tout le potentiel requis pour faire face à des situations bien plus épineuses que celle ci. Mais à cet instant, elle était énervée, juste un peu, juste à peine, mais assez pour que la colère devienne handicapante dans sa réflexion. Elle se mit donc à penser à ce qu'il lui avait dit; la conversation n'avait pas d'intérêt si elle ne s'y joignait pas? C'était flatteur, certes, mais de son côté, elle la préférait mille fois si elle pouvait garder le silence en l'écoutant. Son avis toutefois ne comptait pas ici, dans la mesure où elle était dans l'incapacité la plus totale de l'exprimer. Dans l'impasse donc, elle n'avait point d'autre choix que de fournir des réponses. Le contraire n'aurait pas été naturel et cela, c'était inacceptable. Et il lui fallait, en un mot, décrire Jing. Elle aurait pu dire petit; mais ce dernier l'aurait mal pris et elle serait passée pour une personne faisant peu de sentiments, d'autant que cela aurait juré avec ce qu'elle avait dit plus tôt. Petit était donc impossible. Sournois, peut-être? Mais de même, cela était fort peu mélioratif, elle ne pouvait se le permettre. Il lui fallait un compliment qui ne sonne pas faux, qui ne dissonerait pas, qui semblerait aussi normal sortant de la bouche d'une jeune fille aussi gentille qu'elle que la neige tombant sur Hatès. Pas intelligent, elle n'aurait pas poussé la mauvaise foi jusque là. Jayden choisit quand à lui 'crétin', sans surprise, avant de ne demander son avis à Jing, lui lançant au passage une pique. Ses trois neurones? Cette fois-ci, la servante se permis un léger rire claire, nullement moqueur, juste amusé. Elle, petite et innocente travaillant ici, pouvait bien rire à ce qu'elle pensait être une blague gentillette entre deux amis, non?

« Ce n'est pas comme ça, je... se défendit-elle. Je ne sais pas quoi dire et puis, on... On se connait à peine, je viens tout juste de le croiser tout à l'heure, alors je ne pense pas... Uh... »

Elle fit une courte pause, récupérant au passage un sourire hésitant, entremêlant ses doigts devant elle, martyrisant ses pauvres mains, mais plongeant tour à tour son regard gris clair dans celui de Jing et de Jayden.

« Uh... Jing est... Gentil? Mais je ne sais pas pourquoi vous demandez ça, ce n'est pas... Ce n'est pas intéressant, ce que je pense, et ce... Ce n'est sûrement pas juste parce que c'est moi que ça va l'être... Vous comptez continuer à vous disputer? »

Gentil. Car il devait l'être et qu'elle tentait toujours de rester le plus près possible de la vérité dans ses mensonges, qui n'en devenaient que plus crédibles. Advienne que pourra, se dit-elle. Si elle devait parler, elle parlerait.

Sincérement,Jing commencait a s'ennuyer fermement.Et pourtant,encore une fois,il tentait par tout les moyens mis a sa disposition de s'amuser ou de dérider un peu l'atmosphére de cette piéce,mais le déroulement de la situation lui laissait plutôt un arriére goût d'affreuse monotonie.Et Jing n'aimait pas la monotonie.Il n'appréciait cette derniére que quand elle octroyait un présent après tant de labeur pour l'avoir supportée.Par exemple,jouer les serviteurs,c'etait une activité extrêmement monotone en soit.Il devait sans cesse faire la même chose,afficher la même expression,ne jamais céder aux sirénes de l'envie d'action...Mais cela payait,a la fin.Car après s'être parfaitement fondu dans le décor,et avoir parfaitement préparé son forfait,il pourrait commetre son larcin et ainsi accéder a la récompense promise par l'attente monotone en affichant sans cesse le rôle d'un banale serviteur.Oui,Jing n'aimait pas la monotonie,exception faîte quand celle ci lui faisait miroiter une belle recompense a la clé.Hors,dans l'immédiat,aucune récompense n'etait mise en jeu.Il n'y avait rien qu'il ai a en retirer a la fin de cette discussion assez ennuyeuse.Car oui,c'etait véritablement ennuyeux.Et le pire,c'etait qu'il n'y aurait aucune récompense a la fin.A la base,Jing n'avait accepté de relever les piques de Jayden uniquement parce que ca l'amusait d'enfoncer ce pauvre rouquin,puis ensuite parce qu'il avait secrétement espéré impressioner Marielle,mais plus la discussion durait,plus Jayden se révélait tellement ennuyeux que toutes les récompenses qu'il avait envisagé n'etaient plus que de lointaines chiméres.Certes,Jing s'amusait toujours un brin a enfoncer cette pauvre Carotte,mais le probléme etait que ce dernier semblait avoir la mentalité d'un sale gamin a l'école primaire.Le genre qui etait persuadé que son avis influencait le monde,et que si il le répétait suffisament en y croyant suffisament fort,son rêve pouvait devenir réalité.Voila sans doute pourquoi un échange de piques avec lui etait si pénible.Jing avait l'impression d'insulter un mur,qui ne faisait que lui renvoyer l'écho de ses propres paroles.Ou non,pire encore.Au moins,un écho aurait eu le mérite de renvoyer des propos dignes de ce nom,puisqu'a la base ils etaient de lui.Mais en l'occurence,Jayden râbachait sans arrêt la même chose,et ne faisait qu'insulter vaguement Jing,le traitant toujours de crétin.Comme si ce genre d'insulte pouvait avoir quelque valeur que ce soit.On aurait plutôt dit que Jing s'etait engagé dans une conversation de confrontation d'opinion avec un enfant gâté.Oui,voila un enfant gâté.Le genre de petite peste qui ne fait que répéter encore et toujours,en haussant le ton qu'il voulait son goûter avant l'heure.Et Jing avait l'impression d'être son tuteur,qui devait l'empêcher de prendre son goûter avant l'heure,justement.Et le gamin répétait,inlassablement,de plus en plus fort qu'il voulait son goûter,qu'il voulait son goûter et qu'il voulait son goûter,esperant que si il le criait assez fort,ca finirait par arriver.Seulement voila.Si Jing avait cette impression assez claire de converser avec un jeune garcon en bas âge,il se trouvait que Jayden n'en etait visiblement pas un.A vut d'oeil,la Grande Carotte semblait plutôt agé d'environ dix huit ou dix neuf ans.Peut être que sa taille 'linfluencait aussi.Enfin,le fait est que physiquement,Jayden ressemblait plus a un jeune adulte qu'a l'enfant gâté avec lequel Jing avait l'impression de parlementer.Daccord,il ressemblait a un jeune adulte stupide et complétement "rebelle de la société" alors qu'il n'y comprenait sans doute rien,mais il avait quand même le corps d'un jeune homme.Et pourtant,dans ce corps,se cachait la mentalité d'un gamin sur de lui et arrogant.C'etait vraiment exaspérant comme sensation,d'avoir un adulte en face de soi,qui avait le comportement d'un enfant qui traitait tout les autres comme des enfants.Vraiment enervant,et dans le mauvais sens du terme en plus.Si Jing n'etait pas aussi enervé par l'attitude de Carotte,sans doute aurait t-il eu pitié de lui.Seulement voila,le probléme etait que Jayden ne voulait visiblement d'aucune pitié,et qu'il vivait parfaitement dans sa condition.Comme quoi,certaines personnes etaient assez chanceuses pour se permettre d'avoir le quotient intellectuel d'une moule caritative.La preuve vivante,juste en face de lui.


C'est pourquoi Jing avait regardé Marielle.Elle etait,de très loin,l'unique personne a l'interesser dans la piéce.Si a la base,Jing n'etait venu que pour voler un ouvrage littéraire particuliérement précieux,a présent ce larcin ne l'interessait pas plus que cela.Marielle le fascinait beaucoup plus.Pas necessairement pour l'image qu'elle donnait,celle de la jeune et jolie servante,gentille et aimable,avec un peu de pudeur naturelle.En somme,la fille toute banale que n'importe qui croise dans la rue.Non,Jing n'aimait pas cette fille banale.Pas qu'elle manque de charme au contraire,simplement elle etait justement trop banale.Et Jing n'etait pas le genre a se satisfaire de la banalité.Il savait que Marielle etait bien moins banale qu'elle ne le laissait paraître.Il ne savait pas comment il le savait par contre.En revanche,il en etait convaincu,Marielle n'etait pas véritablement la jeune fille polie et complétement fade qu'elle semblait être.Elle pouvait l'être,attention.Simplement,Jing etait persuadé du contraire.C'etait pour lui quasiment impossible d'être aussi normal,justement.Et puis,le fait qu'il soit tombé amoureux d'elle constituait également une preuve pour lui.Il savait que jamais son coeur ne se serait spontanément offert a une fille d'une banalité affligeante.Non,elle avait quelque chose de spécial,en plus de sa beauté et de son intelligence.Elle etait bien plus spéciale qu'elle ne le laissait paraître.C'etait loin d'être la fille banale que tout le monde connait.Ca n'etait pas cette fille banale qui interessait Jing.Et c'etait sans doute la sa plus grande différence avec Jayden.Ce dernier semblait également interessé par la jeune servante.Enfin,avec la tête qu'il avait,il aurait put être interessé par n'importe quelle fille avec un visage un peu juvénile que ca n'aurait pas trop étonné le jeune cleptomane.Mais le fait est qu'il semblait au moins être un peu attiré par la jeune Marielle.Pour autant,Jayden avait fait déja la preuve qu'il n'etait pas assez intelligent pour se rendre compte que Marielle n'etait pas ce qu'elle semblait être.Ou au contraire,etait t-il assez intelligent pour se rendre compte que Marielle n'avait rien a cacher.Tout dépendait de cela,en fait.Jing etait toutefois certain que Marielle avait un mystére,qu'elle n'etait pas cette facade de politesse mielleuse.Et puis,il n'aurait pas supporté d'aimer une fille banale.Non,il voulait aimer une fille bien plus interessante,bien plus originale que cela.Dans le bon ou mauvais sens du terme,il s'en fichait bien.Ce qui l'importait,c'etait que Marielle soit différente des autres.Le reste,il n'en avait cure.Pourtant Jayden semblait très clairement se satisfaire de la banalité apparente de Marielle.Après,il etait aussi fort probable que la Grande Carotte ne soit simplement que "attiré" par Marielle,et qu'il compte la laisser tomber a la premiére occasion.Ca aussi,c'etait quelque chose de tout a fait possible.En fait,compte tenu du comportement de Jayden,c'etait même l'option la plus envisageable.Enfin,pour l'heure,Jayden n'etait aux yeux de Jing qu'un enfant gâté,qui pensait avoir du succés auprès des autres alors qu'en général il devait plutôt inspirer la pitié,et qui continuait de s'enfoncer tout seul sans même plus avoir besoin du jeune voleur pour s'auto-descendre.C'etait tellement pathétique que Jing préférait se concentrer sur Marielle.Autant l'oublier,l'autre.Il pouvait continuer a parler tout seul si ca lui chantait.Après tout,ca n'etait pas les affaires de Jing,ce qu'une Carotte pouvait bien raconter pour se rendre interessant.Néanmoins,il detecta un brin d'ironie dans sa derniére réplique.Ironie qui le contraint a se retourner une nouvelle fois vers le tas de détritus qui formait la Grande Carotte.


«Ça te surprend? C'est bien, tu viens d'apprendre que tout le monde n'était pas comme toi. Je m'amuserais pas à prendre un livre si je savais pas lire, espère de crétin. Mieux vaut être une caricature qu'une copie, rien à faire.»

Moui,dans l'ensemble c'etait ce que Carotte s'amusait a répéter depuis le début."toi même,toi même,toi même,t'est jaloux t'est moche et tu pue!".Ou quelque chose d'incroyablement proche de cela.Le seul petit bémol dans sa phrase,c'etait le mot "espére".A l'entendre,il etait clair que il l'avait dit exprès,bien qu'une bêtise de sa part n'aurait absolument pas étonné le jeune voleur.Oui,Jayden l'avait dit exprès,et de maniére ironique,ce qui conduit Jing a réflechir un instant.Il fut dabord amusé.Après tout,peut être que la Grande Carotte avait le potentiel pour le faire reflechir un tant soit peu?Pour autant,il se trompait.En fait,Jayden avait simplement mal compris l'une des derniéres phrases de Jing.En effet,le jeune voleur avait déclaré que Carotte n'etait qu'une "espéce" de caricature d'être pensant.Oui,une "espéce".Il ne faisait nul doute dans l'esprit de Jing que c'etait bien ce qu'il avait dit.Pour autant,il apparaissait que Jayden avait mal entendu.Peut être que la langue de Jing avait fourché.Rien d'ettonant,après tout Jayden etait tellement ennuyeux que lui répondre avec energie tenait presque de l'exploit.Mais le fait est que Jing etait sûr d'avoir dit le mot "espéce" et de toutes maniéres,il etait evident que c'etait ce qu'il voulait dire.Pourtant,Jayden faisait comme si il avait entendu le mot "espére".Autrement dit,il se sentait obligé de se rabattre sur des défauts de prononciation,ou des problémes de surdité,pour tenter de rabaisser Jing.C'etait tellement pathétique que Jing faillit verser sa petite larme.Jayden n'avait donc rien trouver de mieux que dire "ah,tu t'est trompé,tu t'est trompé,tralala..."?Il faut croire que caricature d'être pensant etait un terme beaucoup trop évolué pour la Carotte.Par contre,tas de déchets,ca n'etait pas mal.Au moins comme ca,on etait sur que ca avait plus ou moins la même faculté de reflexion.


«Si tu veux qu'elle te parle, vaut mieux lui demander carrément plutôt que de la regarder en coin. Her, Marielle? Je crois que Roméo trouve que cette conversation n'a pas autant d'intérêt, si tu ne discutes pas avec nous. J'ai la vague impression, sans bien savoir pourquoi, que quoi que tu dises ce sera d'un intérêt immense pour lui. Ça se teste, non? Alors..., Marielle, un mot pour décrire Jing? Ce que tu veux.»

Tient?Il avait donc remarqué que Jing regardait Marielle?Ah oui.Il faut dire que le bandit n'avait regardé que cette derniére durant les cinq derniéres minutes.Bravo au tas de dechets pour avoir noté qu'elle etait plus interessante que lui.En revanche,le voila qui tentait de détourner la conversation.Miracle?Un semblant d'intelligence dans son regard?Peut être qu'il s'etait enfin rendu compte de sa propre médiocrité?

Ou pas.


«Pour moi ce sera 'Crétin', on ne va pas changer les bonnes habitudes. Oh, attend! Jing, un mot pour te décrire? Ça peut être super intéressant, d'avoir ton point de vue sur la question. Tu devrais pas mettre longtemps à mettre tes trois neurones d'accord.»

Marielle eu un léger rire.Jayden le prendrait bien,de par le fait qu'il etait fort probable qu'elle rie a la blague des trois neurones,en revanche Jing lui,etait sur qu'elle riait parce qu'elle se rendait compte de la stupidité de Jayden.Il ne semblait pas s'arrêter,celui la.Il commétait bourde sur bourde,tentait sans arrêt de se rattrapper,et au final,s'arrêtait sur une réplique tout a fait moyenne,et extraordinairement facile a contrer.Donc,elle riait parce que Jayden etait idiot.Rien d'etonnant la dessus,Jing avait aussi eu envie d'éclater de rire plusieures fois.Ce fut les paroles de Marielle qui le tirérent de sa légére rêverie.Elle le trouvait gentil.C'etait ma foi fort sympathique de sa part,mais il doutait qu'elle ai dit cela sincérement.Il ne voulait pas non plus qu'elle l'insulte,attention,mais il avait une vision très particuliére des choses.Si Marielle lui avait fait une remarque sur son physique,il l'aurait mal pris.A l'inverse,si elle avait dit que Jing etait un bon menteur,quelqu'un de sournois ou de prêt a tout pour accomplir ce qu'il voulait,il considérait plus cela comme mélioratif.C'etait la vérité après tout.Jing bailla un instant,se tourna vers Marielle pour la remercier d'un signe de tête,avant de regarder Jayden d'un air particuliérement las.Ce petit jeu commencait sérieusement a l'agacer.Jouer avec un enfant,daccord.S'occupper de lui toute la journée,très peu pour Jing.Le bandit s'adressa donc a la Carotte,en ces termes:


""Roméo" trouve que cette conversation n'as absolument aucun interêt tant que vous y participez,nuance.Et c'est bien normal,vut que vous ne semblez pas capable de formuler une phrase par vous même.Enfin,puisque vous y tenez,on va continuer sur votre lancée,hein?"

Il eu le sourire le plus exaspérant qui soit une fois sa phrase terminée,avant de se mettre a réfléchir,ou tout du moins a faire semblant de réfléchir,deux doigts posés sur son menton.Il regarda Jayden.Puis Marielle.Enfin,il leva les bras au ciel avant de légérement claquer ses mains entres elles.

"Pour me décrire?En un seul mot,ca seras dur,je ne m'apelle pas Jayden,moi.Si j'avais eu une marge de trois mots,sans doute aurais-je dit "meilleur que vous" mais même si vous n'avez pas l'air de savoir compter,je préfére respecter les régles du "jeu".Alors je dirais "agacé" sur le moment."

Après quoi il se retourna vers Marielle,pou répondre a la question de cette derniére.Ils comptaient continuer a se disputer?Pour elle,ca ressemblait a une dispute?Il aurait été plus logique de demander "Jing,tu compte encore descendre Jayden longtemps?Le pauvre!".Mais bon,peut être qu'elle ne voulait pas manquer de respect a la grande carotte.Jing lui fit donc un leger sourire,avant de désigner Jayden du pouce.


"Personellement,cette...."dispute" m'agace un peu.Alors si il veut y mettre un terme,je n'ai rien contre.Après tout,quand un moustique sort par la fenêtre,on éprouve plus le besoin de le poursuivre pour l'écraser..."

"Encore que le dit moustique s'est déja fait écraser une bonne douzaine de fois,son cadavre a juste du mal a partir au lavage" songea le jeune voleur pour lui même.Mais ca n'etait pas le moment d'enfoncer encore Jayden,après tout.Il etait déja assez descendu comme ca,le pauvre.Plus le temps passait,plus le cleptomane commencait a avoir un peu pitié de sa victime.Après tout,il n'avait rien fait de mal,au début.C'etait peut être Jayden qui avait commencé les hostilités,il n'empêche que Jing avait tout de même fait l'effort de vouloir le supporter.Bon,après,l'effort n'avait pas été réciproque.Ce qui avait donc conduit Jayden a insulter Jing,et evidemment,il en avait payé le prix fort.Il faut dire qu'encore,Jayden etait chanceux.Si Marielle n'avait pas été la,sans doute l'horrible tignasse rousse qu'il portait sur le sommet de son crâne vraisemblablement vide aurait disparue en quatriéme vitesse pour une autre couleur,ou même,pour une autre disposition des cheveux.C'etait si simple a faire,surtout pour quelqu'un d'expert dans les actions rapides.Oui,Jing aurait très bien put faire en sorte que Jayden "se fasse mal tout seul".C'etait facile a faire,et il l'avait fait de nombreuses fois.Le probléme,c'etait que ce genre de choses aurait fortement diminué l'estime que Marielle pouvait avoir de Jing.Le bandit etait quelqu'un qui se contrôlait,et qui ne perdait pas son calme facilement.Avoir recours a diverses sournoiseries pour souligner sa supériorité face a la Carotte,ca aurait été une preuve de manque de sang froid.Et en l'occurence,Jing préférait montrer qu'il avait du sang froid,plutôt que de prouver qu'il etait doué pour les activités que la loi ne voyait pas d'un très bon oeil.

Jayden aurait pu expliquer à ce garçon qu'il avait tort de mille façons différentes, il était intimement persuadé qu'il ne l'aurait pas compris, pas cru, ou qu'il ne l'aurait tout simplement pas écouté.

Il ne pensait pas avoir besoin de réelle raison pour détester quelqu'un, mais ça n'arrivait malheureusement que très rarement. Ça aurait été assez bien, non? Qu'il déteste quelqu'un simplement parce que sa tête ne lui revenait pas et qu'il ne puisse lui trouver aucun défaut. Parce que, de fait, la 'dispute' n'aurait pas pu durer très longtemps. Quand on a rien à redire de l'autre, la mauvaise foi devient vite la seule option et ça ne peut pas durer indéfiniment. De fait, l'autre aurait été tout à fait tranquille, aurait pu se dire que quoi qu'il dise il avait raison et l'autre était totalement ridicule à s'agiter de la sorte. La situation ressemblait-elle à cela du point de vue du petit singe brun qui était dans la bibliothèque? Jayden venait de se dire qu'il se pouvait qu'il pense RÉELLEMENT ainsi, et c'était la raison précise pour laquelle il n'avait plus l'air énervé mais plutôt intrigué. Non, parce qu'il voulait bien être gentil, mais il n'avait pas remarqué à quel point son interlocuteur pouvait être stupide. Lui même était dans une bonne moyenne, loin d'être stupide, loin d'être vraiment intelligent : et il doutait fort que l'autre soit un génie. Si c'était le cas pourtant, ce n'était plus de la dissimulation, c'était beaucoup plus poussé que cela. C'était exactement comme s'il s'était transformé en poule pour infiltrer un poulailler, et qu'il en avait presque oublié sa véritable nature. C'était une possibilité bien entendu, mais le jeune homme aux cheveux roux pensait simplement qu'il était stupide et vaniteux à la fois. Quel mauvais mélange, quel terrible concentré de défauts..., il n'y avait pas idée de se vanter de choses qu'on n'avait en aucune façon. Parce que, tôt ou tard, les autres se rendaient compte que vous étiez creux, vide, sans intérêt, sans saveur ni couleur. Et c'était tout à fait ce que Jayden pensait de l'autre singe, là-bas. Il n'avait pas le moindre intérêt, il lui faisait pitié à un point difficilement croyable. Parce qu'il lui semblait plus stupide que stupide, plus transparent que transparent, plus énervant qu'énervant. Il avait déjà parlé à des personnes qui, comme lui, vous regardaient avec un petit sourire suffisant en vous débitant des choses sans queue ni tête, qui vous paraissaient totalement incroyables. Parce que c'était incroyable tout de même, d'entendre quelqu'un vous dire que un plus un faisait trois avec l'assurance de quelqu'un disant la vérité pure et dure? Il fallait au moins être un demeuré pour faire ça, non? Pour continuer de s'enfoncer quand on avait tort, de continuer de penser qu'on avait raison quand on avait tort. Ainsi, ce singe stupide faisait pitié à Jayden, et ça, ça l'énervait. Il aurait au moins pu être un minimum intelligent, ça lui aurait évité d'apprendre qu'il y avait pire que pire dans ce beau pays. Il ne poussa aucun soupir, ne haussa pas les sourcils, se contentant de le regarder. C'était dans ces moments là qu'il aurait voulu expliquer au monde entier qu'être violent, c'était une conséquence de la so.ci.é.té : quand quelqu'un ne comprenait rien à ce que vous disiez, qu'étiez vous censé faire? Rien? Le laisser penser qu'il avait raison? Oh oui, ce devait être faisable, il l'imaginait sans peine. Mais il s'y refusait, d'autant plus quand l'autre aurait pris toute retraite pour une fuite due à sa suprême intelligence et sa capacité de réflexion hors norme. C'était insupportable de se faire 'narguer' par quelqu'un qui avait tort, un peu plus tort à chaque fois qu'il ouvrait la bouche et formait un nouveau mot. Seuls, les sons qu'il formait voulaient dire quelque chose. Dès qu'il les mettait bout-à-bout ils devenaient stupides, ridicules, sans la moindre consistance. Croyait-il sincèrement qu'en lui lançant des piques comme 'oh, tu sais lire, sans rire', il allait prouver quoi que ce soit à qui que ce soit? Il avait croisé des enfants qui lui avaient opposé une résistance plus importante-et c'était autant une insulte pour l'autre petit singe qu'un compliment pour ces enfants. Il ne comprenait pas. Non, il ne comprenait pas. Il ne l'aurait pas dit, certes, mais il ne comprenait pas ce Jing. Les tréfonds de la stupidité étaient sans doute insondables, ce devait être la réponse la plus probable : il n'y avait pas d'explication à un tel comportement. Il était simplement stupide. Et il ne s'en rendait vraisemblablement pas compte. Alors oui, ça avait de quoi laisser perplexe. Le jeune homme ne bougea pas, ne dit rien. Il détourna doucement son regard vers Marielle. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien en penser, elle? Stupide ou pas?

Aucun moyen de le savoir. En fait, maintenant qu'il avait l'occasion de porter son attention sur elle et pas uniquement sur l'autre petit singe brun, il se rendait compte à quel point elle s'était effacée de la conversation. Bha. D'un autre côté, elle aurait difficilement pu s'imposer et les faire taire, même si ce devait être possible. Peut-être n'était-elle pas du genre à s'imposer, tout simplement. Il ne la connaissait pas : il n'aurait su le dire, encore moins en être sûr. Du peu qu'il en avait vu, Marielle semblait être quelqu'un de beaucoup plus difficile à lire que l'autre garçon présent dans la pièce-même si c'était presque une évidence en soit. Lui, il pouvait dire qui il était rien qu'à l'entendre parler quelques minutes. Elle, il n'aurait même pas pu décrire les grands traits de son caractère. Ce n'était pas embêtant en soit, pas plus que ce n'était vexant ou énervant d'une quelconque manière. C'était une remarque comme une autre, simplement. Il existait des livres dont le titre était très explicites, d'autres où il était à peine lisible : ça ne voulait en aucune façon dire qu'il n'était pas intéressant, simplement qu'il fallait aller chercher un peu plus loin que la couverture pour savoir de quoi il en retournait. Et parfois, même lire les premières pages ne suffisait pas. Lire la fin non plus. Il fallait beaucoup de patience pour comprendre le sujet et pouvoir en parler sans risquer de se tromper. Enfin, encore fallait-il savoir lire, pour ça. A cette idée, Jayden fronça les sourcils et serra les dents. Qu'est-ce que ce garçon l'énervait à être stupide, c'était incroyable! C'était lui qui ne savait ni lire, ni écrire, ni compter à agir comme il le faisait. Peut-être même ne savait-il pas penser, à ce stade là. Savait-il seulement ce que voulait dire penser? Il n'en était plus sûr, à le regarder, lui et sa tête d'imbécile heureux. C'était quand même triste, de savoir que certaines personnes se complaisaient dans leur idiotie au point de ne pas savoir qu'ils l'étaient, voire de penser qu'ils étaient au contraire des génies incompris. Enfin, il fallait de tout pour faire un monde, comme disait le dicton ; il n'avait jamais été aussi vrai qu'à présent. De tout, vraiment de tout : même des personnes comme Jing.

« Ce n'est pas comme ça, je... Je ne sais pas quoi dire et puis, on... On se connait à peine, je viens tout juste de le croiser tout à l'heure, alors je ne pense pas... Uh... »

Jayden passa nonchalamment une main dans ses cheveux tout en écoutant la réponse de la jeune fille aux yeux gris. Elle semblait gênée, hésitante peut-être. Le jeune homme aux cheveux coiffés en bataille tapota ses doigts contre la table, décidant qu'il n'allait pas maltraiter cette pauvre chaise de nouveau ; elle avait déjà assez donné comme ça, la pauvre-même si ce n'était pas vraiment le genre de considérations sur lesquelles Jayden s'arrêtait. La seule jeune fille présente entre ces quatre murs finit sa phrase, toujours sur le même ton. Gentil? Un point de vue comme un autre, que pour l'instant il ne partageait pas le moins du monde. Stupide, oui. Crétin, encore mieux. Gentil..., si c'était dans le sens de niais, peut-être. Mais pas autrement. Oui, il avait un petit côté débile, mais pas un petit côté adorable et agréable, pas du tout. Il se demandait comment il pouvait bien avoir des amis, si par le plus grand des miracles il en avait ne serait-ce qu'un.

""Roméo" trouve que cette conversation n'as absolument aucun intérêt tant que vous y participez,nuance. Et c'est bien normal,vu que vous ne semblez pas capable de formuler une phrase par vous même. Enfin,puisque vous y tenez,on va continuer sur votre lancée,hein?"

Jayden haussa un sourcil, sans bouger, toujours sans bouger. Crispé, peut-être, légèrement crispé. Mais il ne dit rien, se contentant d'un vague soupir, expirant brusquement. Il avait l'air stupide, tellement stupide. A bouger comme un singe. A sourire comme un im.bé.ci.le. A porter cette veste orange, laide, vraiment laide, alors qu'il faisait si chaud à Oria. A se trouver intelligent quand il était évident qu'il ne l'était pas. A avoir l'air idiot s'il ne l'était, au final, pas. A se penser mieux, mieux que lui, mieux que tout le monde. Et à ne pas savoir répondre de manière pertinente, jamais, jamais.

Il ne savait pas exactement ce qui le retenait de le frapper, ça lui aurait remit les idées en place. Peut-être? Comme il l'avait déjà dit, la violence résolvait, contrairement à l'idée générale, bien des problèmes. Il n'écoutait pas, ne comprenait pas? Bon Dieu, il fallait bien trouver un moyen de lui faire entendre raison, à la fin!

Enfin, sans blasphémer. Évidemment.

"Pour me décrire?En un seul mot,ça seras dur,je ne m'appelle pas Jayden,moi. Si j'avais eu une marge de trois mots,sans doute aurais-je dit "meilleur que vous" mais même si vous n'avez pas l'air de savoir compter,je préfère respecter les règles du "jeu".Alors je dirais "agacé" sur le moment."

Jayden ne dit toujours rien, ne bougea toujours pas. Il écouta sa réponse à la question posée par la jeune servante, distraitement, le regardant avec ce regard qui lui était si particulier. Qu'est-ce qu'il faisait pitié, il n'y croyait qu'avec peine..., Bha. Le jeune homme aux cheveux roux ne savait pas si le petit singe, là-bas, voyait la différence entre leurs réponses respectives à chaque pique lancée par l'autre. Est-ce qu'il la voyait, oui? Non. Sans doute que non. Est-ce qu'il se rendait compte qu'il ne cessait de lui lancer des insultes sans saveur et surtout-surtout-sans aucun fondement, sans..., rien? C'était exactement comme si lui-même lui avait dit qu'il ne savait pas chanter. Pardon? Qu'en savait-il? Rien, vraiment rien. De la même façon, l'idiot aux cheveux bruns lançait des pseudo-insultes au hasard, sur des thèmes aussi ridicules qu'infantiles. Il ne savait pas lire, il ne savait pas compter. Il faisait une vraie fixette sur l'éducation, incroyable. Était-ce parce qu'il ne pensait pas que quelqu'un d'aussi sympathique et bien élevé que lui puisse être un minimum cultivé? Parce que jusqu'ici, sans mauvaise foi et en toute honnêteté, Jayden s'était montré bien moins idiot que l'autre. Qu'avait-il dit, en somme? Qu'il était petit. C'était le cas. Qu'il était stupide. Il l'avait clairement laissé paraître avec ses raisonnements sans la moindre cohérence. Qu'il était laid. Il l'était, de son point de vue. Rien de faux, de lancé au hasard, simplement pour avoir le loisir de répondre quelque chose. Jayden savait qu'il n'était pas particulièrement intelligent, mais il n'était pas stupide non plus. Il ne réfléchissait pas particulièrement, mais avait la chance de ne pas dire n'importe quoi pour autant.

Ce n'était visiblement pas le cas de tout le monde.

«Ohoooo, dit-il avec un sourire amusé, mais agacé à la fois. Rien par moi-même? Évidemment, je copie ce que tu dis, c'est tellement bien pensé. Faut avouer, hein...»

Ensuite, il fronça ses sourcils et poussa un soupir énervé. Oh, bien entendu..., un moustique. Il avait dit un moustique, tout à l'heure. Qui sortait par la fenêtre. Sauf que dans le cas présent, si Jayden était un moustique, alors Jing était une feuille d'arbre. Inoffensif, complètement inoffensif. Et tout sauf drôle. Tout sauf intéressant. Tout sauf utile. Juste là, à attendre que le vent l'emporte, à attendre de pourrir et de retourner à la terre. Oui, Jing était une feuille d'arbre ballotée par le vent, exactement. De fait, qu'il semblait déplacé de lui dire qu'il était un moustique.

«Who?! Que j'y mettes un terme? C'est la meilleure, ça! répondit-il en secouant sa tête de gauche à droite, complètement abasourdi. Dès que je suis rentré dans cette pièce t'as pas pu m'encadrer, Sneaked. Je n'ai jamais prétendu être quelqu'un de sympathique, moi. Or toi, tu es 'gentil', non? Marielle a l'air de le penser, en tout cas. Donc tu devrais pas arrêter toi-même, en homme gentil et civilisé? Pour ma part, je dirais que tu es un sale prétentieux qui ne sait pas la moitié de ce qu'il croit savoir. Tu réagis au quart de tour, et tu vas me dire que je suis le fautif des deux? Naaaan. Nan. Fais pas le gentil si tu l'es pas, tu joues trop mal.»

Jayden se retourna vers Marielle, se redressa légèrement, et lui sourit.

«C'est clair, on ne se dispute pas. Il apprend à réfléchir. Et oui, j'ai finis, pour ma part. Sinon, c'est pas trop énervant d'être servante? Ça vaut ce que ça vaut, mais j'ai jamais compris comment on pouvait faire ça.»

Brusquement, à cause d'une simple parole que l'on lui avait adressée, la situation n'était plus si amusante. Sitôt qu'elle avait dû, bon gré mal gré, prendre part à la conversation, elle avait perdu beaucoup de son intérêt; envolée, la détente, envolées les moqueries silencieuses de serpent. Maintenant, elle allait devoir parler et rien que pour cela, elle se prit à détester Jayden. Oh, ce n'était certes pas un très grand exploit: bien que n'étant pas d'une tolérance et d'une gentillesse sans bornes, elle n'en était pas non plus encore au point de détester le premier inconnu croisé dans la rue et de chercher tous ses défauts qu'il s'appliquait si bien à cacher. Généralement, bien qu'elle prêtât une attention certaine à ceux qu'elle croisait, plus par habitude que par sentiment de nécessité le plus souvent, elle ne leur accordait qu'une moindre importance, se fichant d'eux dans les règles de l'art. Mais parfois, parfois, elle sentait la colère s'insinuer dans ses veines, dangereuse et chaude. Et à partir de cet ultime moment, ce n'était plus la peine de tenter de l'ignorer. Elle était là, bien présente, faisant battre son cœur d'une manière tout à fait déplaisante et l'enserrant dans un étau glacé. Une chose qu'elle avait appris à gérer, coûte que coûte. Lui céder était la pire des idées que l'on pouvait avoir dans toute une vie ou, faute d'être la première, figurait au minimum en tout début de liste. Combien de fois entendait-on que tel ou tel crime, dit alors 'passionnel', n'avait pas été prémédité mais motivé par l'amour ou, plus exactement, la colère inéluctablement engendrée par celui-ci? Honnêtement, Marielle ne pensait pas que l'on ne puisse ressentir ces émotions qui chaviraient votre raison au profit d'actions absolument irréfléchies et stupides. Elle-même, et Dieu savait qu'elle ne se considérait pas comme étant n'importe qui, les sentait. Quand une parole était lancée, quand quelqu'un se comportait d'une manière qui était si loin de lui convenir. Chaque fois, tout le temps. Le tout était en vérité d'être capable ou non de se maîtriser et de rétablir l'ordre des choses dans son esprit. Se calmer, réduire la flammèche à l'était misérable de braises moribondes couvant sous la cendre grise, plutôt que de le laisser s'enflammer en un gigantesque brasier. Cette capacité à se contrôler était l'un de ses principaux atouts, avec son visage commun, son intelligence et son agilité (et non, ce n'est pas la modestie qui va l'étouffer...). De ce qui lui avait été donné de voir, le rouquin n'adoptait pas cette ligne de conduite et, comme si cela ne suffisait pas d'ores et déjà amplement, semblait s'évertuer à faire en sorte que les autres en fassent autant. Oh, c'était bien essayé; mais il lui en aurait fallu plus que cela pour que son sourire fane sur son joli minois et laisse place à un masque d'agacement pur. Conserver cette mine oscillant entre timidité réservée et honnêteté complète était de loin la meilleure option qui s'offrait présentement à elle. Ce qu'elle pouvait avoir envie de se taire et les observer se déchirer l'un l'autre, s'insulter et user de sous-entendus n'ayant de ceux-ci que le nom. Devoir y prendre part, ne fut-ce que légèrement, signifiait indubitablement avoir à réfléchir et penser; pas qu'elle ne le fasse pas d'ordinaire. Simplement que dans l'immédiat, elle avait pensé pouvoir s'amuser sans avoir rien à faire. Conclusion hâtive, sans doute, la faute ayant causé sa propre déception lui incombait par conséquent. Enfin, en partie. Parce que tout de même, si Jing ne l'avait pas regardée avec autant d'insistance, Jayden n'aurait rien remarqué. Et lui-même aurait pu s'abstenir de commentaires et continuer sa petite conversation avec l'autre serviteur. Tout aurait été pour le mieux. Elle s'autorisa un imperceptible soupire, avant de ne mordre à nouveau sa lèvre inférieure. Savait-on jamais; plus fluide était le rendu, mieux on s'en portait. La seule chose suspecte en sa parfaite personne était invisible; le seul détail venant troubler cette belle normalité était bien dissimulé derrière ses iris pâles. Personne ne pouvait lire ses pensées; or, tant que ce serait le cas, elle n'aurait à s'inquiéter de rien. Car pas la moindre erreur dans son personnage n'aurait permis de dire qui elle était. Pas la moindre non, de cela au moins elle pouvait se permettre d'être certaine. Les seules précautions qu'elle se devait de prendre étaient de soigner langage et apparence. Car si, comme elle se l'était dit plus tôt, on ne pouvait lire dans les esprits comme dans un livre ouvert, ce n'était pas la même rengaine quand il s'agissait des visages et expressions faciales ou corporelles en général. On devinait, la jeune demoiselle était bien placée pour le dire, beaucoup de détails grâce à eux. Aussi insignifiants qu'ils puissent paraître, aussi grande leur inanité puisse sembler en premier lieu, il ne fallait point négliger la probabilité qu'ils finissent par se montrer plus utiles qu'on aurait été en droit de le penser.

C'était là la raison pour laquelle elle n'était pas inquiète outre-mesure en cet instant. Mais agacée, oui. Pour sûr. Fermement décidée toutefois à tirer de cette situation autant de profit que possible, la servante conserva le silence. Non point qu'elle espérât encore échapper à la conversation mais elle ne jugeait pas avoir à parler à tort et à travers non plus. Les personnes les plus timides se contentaient de répondre aux questions qu'on leur posait. Eh bien? Quel mal y avait-il à cela? Elle serait ce genre de jeune fille et voilà tout. Le tour était plus ou moins joué. L'avantage était qu'elle pourrait toujours jeter de l'huile sur le feu sans en avoir l'air si la dispute retombait. Ce qui, ceci dit en passant, ne changeait strictement rien au fait qu'elle aurait, de loin s'en fallait, préféré rester à l'écart. Quelles stupides, stupides personnes. Enfin, ils avaient un côté amusant, tous les deux; elle leur pardonnait ainsi quelque peu leur profonde imbécillité . Quelle bonté, n'était-il pas? Se dit-elle, ironique. Ah, vraiment..., sa grande magnanimité la perdrait, un jour, à n'en point douter. Si elle avait été seule, il y aurait eu fort à parier qu'elle aurait rit d'elle-même. La générosité, hm? Atroce défaut... Chacun travaillait pour soit, on n'avait rien sans rien. Telles étaient les règles les plus élémentaires de ce monde. Ceux qui ne les comprenaient pas étaient utilisés et jetés, brisés. Triste constatation, mais vraie néanmoins: tant pis pour eux, elle avait la chance et l'intelligence de ne pas en faire partie.

Jing ajouta qu'il ne trouverait guère quelque intérêt d'aucune sorte que ce soit à la conversation du moment que Jayden y participait, et en profita pour lancer une nouvelle pique. Parfait, magnifique! Ils ne comptaient pas s'arrêter en si bon chemin. Bonne décision, à son sens. Tout bonheur avait une fin certes, mais elle l'espérait encore lointaine. Elle croisa les bras, pianotant sur ces derniers avec ses doigts. Que répondrait le brun? Elle n'eut pas le temps d'émettre la moindre spéculation qu'il lui fournit une réponse, rapide et claire.

"Pour me décrire? En un seul mot, ça sera dur, je ne m'appelle pas Jayden, moi. Si j'avais eu une marge de trois mots, sans doute aurais-je dit "meilleur que vous" mais même si vous n'avez pas l'air de savoir compter, je préfère respecter les règles du "jeu". Alors je dirais "agacé" sur le moment."

Il ne s'appelait pas Jayden, non; mais Marielle se posa une question, perplexe. Que remettait-il en doute, exactement? La capacité de ce dernier à ne pas faire de généralités? Sans doute pas; il aurait aisément pu trouver plus simple pour lui reprocher ceci. L'analyse peut subtile des choses et des gens qu'il lui trouvait? Plus probable, déjà. Pour répondre correctement à une question, il fallait en premier lieu comprendre ce que l'autre exigeait de nous, ce qu'il demandait. Le principe était rigoureusement le même pour les reproches; pour contrer fallait-il encore savoir ce que l'on nous disait. D'aucuns le faisaient automatiquement et sans même s'en rendre compte; c'était surtout vrai pour les personnes vives d'esprit, avec un certain sens de la répartie et lorsque, évidemment, les insultes étaient suffisamment explicites. Elle écouta attentivement la suite de la phrase, comme quoi il était meilleur que lui, et fut de suite rassurée. Question conclusions hâtives, il la battait haut la main. L'espionne réprima un sourire, se demandant s'ils savaient tous deux à quel point ils l'amusaient. Meilleur que vous. De bien belles paroles bien sûr; magnifiques. Mais il fallait reconnaître qu'il était difficile d'être meilleur que qui que ce soit sur tous les points. Or si l'on ne précisait pas c'était ce que l'interlocuteur était indubitablement amené à penser. Difficile de dire qui d'entre deux personnes valait le plus sans les connaître un minimum. Elle ne jugea donc pas; elle verrait et aviserait le moment venu. Mais il devait savoir compter s'il savait lire. On apprenait aux enfants ce genre de choses dès leur plus jeune âge, école ou pas école. Car les finances, aussi maigres soient-elles, seraient un pivot principal de leur vie future. On savait compter. Au moins jusqu'à cent; le reste était, pour les plus basses classes de la société, pure superflu, rêves et fadaises. Mais il ne devait pas en faire partie; il aurait été en train de travailler à ce moment même si tel avait été le cas. Pertinence et analyse basique. Réflexion avant de parler. Il restait encore beaucoup à apprendre aux plus petit des deux. Bien trop, se serait-elle avancée à dire. A peine nota-t-elle le 'agacé'. Aha. Pour une révélation, c'était parfait. Même le dernier des idiots aurait remarqué depuis des lustres qu'il était agacé. Marielle laissa son regard gris clair se promener une nouvelle fois sur les rangées de livres, plongées dans ces précédentes pensées, et les closant à l'aide d'un concis 'peut mieux faire', avant de ne regarder derechef les différents protagonistes de la scène.

Cette dispute l'agaçait? Quel dommage; ce n'était pas son cas, à elle. Bien au contraire, elle la trouvait follement distrayante, et elle parvenait presque à oublier cette chaleur incessante qui ne cessait de lui donner mal à la tête. Un moustique? S'il y tenait; elle n'avait pas envie de chercher les défauts de cette comparaison. S'ils étaient flagrants, Jayden ne manquerait pas de les relever. S'ils ne l'étaient pas alors elle la considérait comme étant passable. Car il était vrai que ce n'était pas du jeu, contre elle; comment auraient-ils pu gagner? Si elle s'était écoutée, rien n'aurait été suffisant. Enfin, il était vrai que l'histoire de ce plateau que tous les serviteurs possédaient théoriquement avec eux en permanence risquait fort de lui rester, exemple criard parmi tant d'autres.

«Ohoooo, dit Jayden. Rien par moi-même? Évidemment, je copie ce que tu dis, c'est tellement bien pensé. Faut avouer, hein...»

Il allait le frapper, se dit Marielle, avec une vague inquiétude. Il y avait de ces moments où l'on avait, sans savoir pourquoi, la certitude que tout allait dégénérer en rien de temps. Elle-même ne se risquait que peu voir pas à la violence; parce qu'au vu de sa taille et sa carrure, on aurait facilement deviné, et à raison qu'elle n'était la personne la plus puissante au monde. Un couteau sur elle toutefois, toujours. Et l'effet de surprise en cas de danger. Réfléchir, elle savait le faire à la perfection. Une fois cette capacité acquise et affinée, l'issue d'un combat pouvait changer. Mais à cet instant, elle crut sérieusement que le villageois allait se lever, un grand sourire aux lèvres, et frapper Jing. Elle se trompait; n'avait aucun moyen de le savoir. Et ne savait pas même si elle trouvait cette perspective amusante ou non; sans doute que oui. Peut-être.

«Who?! Que j'y mettes un terme? C'est la meilleure, ça! Dès que je suis rentré dans cette pièce t'as pas pu m'encadrer, Sneaked. Je n'ai jamais prétendu être quelqu'un de sympathique, moi. Or toi, tu es 'gentil', non? Marielle a l'air de le penser, en tout cas. Donc tu devrais pas arrêter toi-même, en homme gentil et civilisé? Pour ma part, je dirais que tu es un sale prétentieux qui ne sait pas la moitié de ce qu'il croit savoir. Tu réagis au quart de tour, et tu vas me dire que je suis le fautif des deux? Naaaan. Nan. Fais pas le gentil si tu l'es pas, tu joues trop mal.»

La servante ouvrit de grands yeux étonnés, ne feignant qu'à demi la surprise. Au moins ne l'avait-il pas frappé. Elle chassa toute trace d'ébahissement de son esprit, quoique pas de son visage, et se remit à réfléchir, vite, bien. Rapidement. Sans s'en rendre trop compte. Dès qu'il était entré. L'effort de mémoire ne fut pas bien grand ou difficile; dès cette seconde oui, il était vrai, une brusque tension s'était créée. Néanmoins, il lui avait semblé que la haine profonde venait des deux côtés. La phrase restait correcte, bien qu'étant difficilement un argument percutant dans la mesure où, à moins qu'elle se soit trompée, ils avaient commencé les hostilités à peu près dans le même temps. Jamais prétendu être gentil. Ce n'était pas faux. A l'entente de son Nom, elle releva la tête; encore elle, décidément. Ne pouvaient-ils pas l'oublier un peu? Oui, elle le pensait gentil. Elle l'avait par deux fois dit, se souvint-elle. Bien que Jayden n'ai été témoin que de la seconde. Quant à être prétentieux, il n'y avait aucun mal à cela. Pas du moment en tout cas où l'on se vantait de qualités que nous possédions réellement, ce qui semblait n'être qu'à moitié le cas de Jing. Tu joues trop mal, enfin. Il jouait moins qu'elle, c'était un fait; le mieux était encore que les autres ne remarquent pas même que vous ne faisiez que lire un script. Qu'ils ne puissent pas même juger de votre talent était la meilleure et la plus belle des récompenses. Le plus gentil des compliments qu'on aurait su lui adresser. L'ignorance.

Jayden se retourna vers elle avec un sourire. Il n'avait pas l'air de la détester.

«C'est clair, on ne se dispute pas. Il apprend à réfléchir. Et oui, j'ai finis, pour ma part. Sinon, c'est pas trop énervant d'être servante? Ça vaut ce que ça vaut, mais j'ai jamais compris comment on pouvait faire ça.»

D'être servante? Marielle chercha en vain le rapport entre la précédente conversation et cette question. Probablement n'y en avait-il aucun, conclut-elle. Ou elle ne le voyait pas et cela, ç'aurait été encore bien pire. Être servante était une couverture pour résider au château, faute de mieux. Avant les grandes batailles, durant les réunions ou pour quelque importante décision pouvant influer de près ou de loin le sort de son pays natal, de sa patrie enneigée et entourée de haute montagne déchirant un ciel gris blanc, elle se devait d'être présente. De trouver un moyen d'écouter, ne fut-ce que partiellement, et de le reporter. Pas de revenir à Hatès, non point; quel meilleur moyen pour être soupçonné? Elle n'était pas si bête. Mais des lettres en apparences normales, langage codé qu'on lui avait appris minutieusement et qu'elle connaissait par cœur en revanche, c'était faisable. Uniquement pour ce qui était de première importance. Que de tels événements ne surviennent pas fréquemment n'était pas ce qui importait: il fallait juste être prêt pour ces fois là. Et de fait, elle vivait dans un constant mensonge, et si sa bouche ne formait que de jolis mots, son esprit en pensait bien d'autres, qu'elle devait prendre garde à ne pas laisser transparaitre par inadvertance. Être servante? Qu'en savait-elle? Ce devait être ennuyeux. Mais pas pour elle, cela non. Pas pour elle.

Elle se voyait mal lui fournir ce genre de réponse cependant; impossible. Que dire alors? Ne pouvant se permettre de se taire, elle leva les yeux vers lui.

« Je, je... commença-t-elle timidement. En fait, c'est un travail comme un autre et... On peut, enfin, il y a le château et... C'est plus simple? Alors, c'est peut-être un peu énervant... Mais juste des fois, enfin, à cause des nobles et... Enfin non, mais... Je suis désolée, je ne suis pas claire... »

Elle chercha Jing du regard: lui n'était réellement qu'un simple serviteur, pensa-t-elle. Il aurait su quoi répondre bien mieux qu'elle. Enfin, ce n'était pas si compliqué non plus. Parfois énervant à cause des nobles et de leurs allures condescendantes, mais bénéfique et agréable car elle pouvait rester au château, qui lui faisait office de de lieu d'habitation. Volontairement coupé et incertain, son récit n'était pas si clair; mais il aurait dû comprendre tout de même. Avec un peu de perspicacité.

{Yeah. Ca gère. }

Suicide toi, allez!

Ça fera un crétin de moins dans l'univers-et un crétin particulièrement agaçant, de plus. Nya, nya, nya. Voilà à peu près tout ce que cet espèce de singe décérébré savait dire du point de vue du villageois aux cheveux roux. Et encore, c'était lui donner un minimum de crédit que de dire qu'il était capable de comprendre ce qu'il disait : parce que plus il l'entendait, plus il avait l'impression désagréable qu'il parlait sans réfléchir, sans s'accorder le quart de seconde minimum à toute réaction. Comme quand quelqu'un comprend mal quelque chose et qu'il réagit en rapport à ce qu'il a entendu, sans prendre la peine de vérifier si la chose incroyable qu'il vient d'entendre est bien la vérité, qu'il ne s'est pas trompé. Ridicule. Énervant et agaçant, vraiment pas intéressant. Et le pire, dans tout ça, était que ce type n'avait pas l'air de se rendre compte d'un seul de ses défauts. Il devait faire parti de ces personnes qui refusaient de voir la vérité en face, de ceux qui se prennent pour les meilleurs et ne doutent pas un seul instant de leur puissance. Si encore il avait eu l'air intelligent, s'il avait eu l'air d'avoir quelque chose dont il aurait pu se vanter : mais non, bien évidemment. C'était juste un idiot fini complètement à côté de la plaque, à dire qu'il était le meilleur en prouvant qu'il était le pire des imbéciles. Ce qu'il pouvait détester ce genre de personnes, c'était incroyable..., les vantards, très peu pour lui. Il concevait bien qu'on pouvait dire qu'on était fort en ceci ou en cela, qu'on pouvait regarder les autres de haut quand on était plus fort que la moyenne, plus intelligent que la moyenne ou plus beau que la moyenne. Là, d'accord. Ça l'énervait, bien entendu-qui ça n'aurait pas énervé d'écouter quelqu'un déblatérer sur ses qualités, de toute façon?-mais pas à ce point. Il comprenait, en quelque sorte. Mais celui-ci, il était persuadé que la seule chose dont il pouvait se vanter c'était d'avoir réussi à rester en vie jusque là en étant aussi stupide et peu dégourdi. Il n'était pas riche, puisque serviteur. Pas spécialement beau. Pas bien haut, sûrement moins fort que lui. Pas intelligent-oh non, il n'avait pas l'air intelligent le moins du monde. Alors s'il voulait jouer au plus malin et le prendre de haut, qu'il le fasse : ce n'était pas lui qui passait pour le pire des demeurés, des deux. Parce que peut-être qu'il n'était pas riche, qu'il n'était pas spécialement haut et pas particulièrement intelligent, mais au moins il le savait. Il en avait, comment dire, conscience. Jayden Sied savait très bien qu'il y avait plus beau que lui, même s'il n'était pas laid-loin s'en faut. Il savait aussi que certaines personnes avaient une capacité de réflexion bien supérieur à la sienne, qui se situait dans une saine moyenne. Il savait aussi que même s'il savait se battre il n'en restait pas moins qu'un villageois entrainé, rien de plus : rien à voir avec les cours de combat des Nobles ou l'entrainement intensif que suivait toute personne tenant à rentrer dans l'armée. Et puisqu'il en avait conscience, jamais il n'aurait regardé ce type là de haut en disant 'je suis génial regarde comme tu es nul et ridicule à côté de moi'. Nan, nan. Pas son genre. Il aurait peut-être dit qu'il était meilleur que lui, mais ça s'arrêtait là. Il n'avait pas besoin d'écraser tout le monde et de leur monter dessus pour se sentir bien, lui-contrairement à d'autres. Il pouvait très bien se sentir parfaitement à l'aise, bien dans sa peau, sans être le premier partout et sans être connu et reconnu de tous. Mais les personnes comme ce singe aux cheveux bruns, là, il aurait sérieusement préféré qu'elles ne viennent jamais au monde. Et le pire, dans tout ça, c'était qu'il avait le malheur de se trouver à côté de Marielle. Marielle était, du point de vue de Jayden, l'archétype même de la 'fille normale'. Elle était jolie, mais ne sortait pas particulièrement du lot. Elle avait l'air assez discrète, pas du genre à faire des vagues et à faire des blagues à tout va. Un peu silencieuse, propre sur elle, sûrement efficace dans ce qu'elle faisait. Il ne la connaissait pas encore vraiment, mais du peu qu'il en avait vu il l'aurait décrite comme cela : normale. Et quand il la regardait, silencieuse et discrète, à côté de l'espèce de caricature vivante qui voulait prouver qu'il pouvait monter sur les plus hautes branches, histoire que tout le monde le voit, et bien ça ne lui donnait que plus envie de le faire disparaître sur le champ. Comme un insecte à côté d'un rocher aurait eu l'air encore plus petit, Jing à côté de Marielle avait l'air encore plus exubérant et stupide. Il n'y avait pas idée d'agir comme lui, vraiment. Même lui, qui parlait haut et fort et était d'une franchise parfois peu appréciée, et bien il semblait moins insupportable. Qui l'eut crut? Lui s'assumait, il était ainsi et ne comptait pas changer, que ça plaise ou pas. Mais celui-là, il lui semblait qu'il jouait un jeu. Pas clair, hypocrite et mauvais comédien. Il lui semblait qu'il était..., oui, qu'il était à un spectacle. Qu'il lui répondait pour 'montrer que'. Montrer qu'il était mieux, montrer qu'il valait mieux. Qu'il voulait qu'on le regarde. Pitoyable.

Et vu le public qu'il avait, pas difficile d'aller vite en conclusion. Pan. T'es grillé, mon vieux.

"Si je suis prétentieux,c'est que j'ai des raisons de l'être. Et si je ne peux effectivement plus vous encadrer,c'est parce que vous le voulez bien. Oh,et je ne cherche pas a être gentil,non. Sincèrement,il faudrait apprendre ce que signifie le mot "ironie" dans la vie. Ça peut servir,vous savez. Enfin,si vous avez survécu sans une moitié de cerveau jusque là,après tout..."

Qu'est-ce qu'il disait? NYA. Il aurait pu émettre des sons au hasard, il aurait eu l'air aussi idiot. En tout cas, Jayden avait l'impression qu'il le cherchait. Il le provoquait. Il venait le chercher, il le tirait hors de lui-même pour qu'il réagisse. Tout ce dont il avait l'impression, honnêtement, était qu'il voulait se faire frapper. Pour quoi faire? Quel espèce de boulet voudrait se faire frapper quand l'autre faisait quinze centimètre de plus que lui-puisque de ce qu'il avait pu en voir, ce devait être la distance les séparant- et qu'il était évident qu'il était plus fort que lui? Il aimait avoir mal, peut-être? De toute façon, par pur esprit de contradiction, s'il voulait qu'il sorte de ses gonds et aille lui en coller une, et bien il ne le ferait pas. Ça sentait l'entourloupe, et il n'aimait pas ça. Pour que l'autre ne craigne pas qu'il le frappe, il devait avoir quelque chose sous le coude. Quoi, mystère ; mais si le jeune homme aux yeux bruns aimait prendre des risques, il était loin d'être complètement idiot. Des raisons de l'être? Ben tiens. Comme s'il allait le croire. S'il voulait se voiler la face, qu'il y aille : ça ne le dérangeait pas, il n'en avait vraiment rien à faire. Et l'ironie, il la voyait parfaitement. Quel espèce de crétin décérébré, idiot, imbécile, rat, crétin, crétin! Il avait vraiment envie de le frapper, mais se contenta de serrer les poings, lui adressant à peine un regard. Ce type voulait attirer l'attention? Qu'il continue. Il s'en moquait, il s'en moquait même complètement. Rien à faire de sa tête, à cette espèce de petit bonhomme qui se croyait mieux que tout et tout le monde. Un miroir ne lui aurait pas fait de mal, à ce demeuré fini. Ben oui, pauvre petit : il serait bien temps de réveiller le peu de neurones que tu as. T'es bête. Quel dommage pour toi.

"Oui,j'apprends a réfléchir. Au moins,je peux réfléchir,moi. Mais bon,si vous préférez qu'on s'arrête là,moi après tout..."

Oui, il préférait. Jayden ne cédait jamais, et il n'avait pas cédé, en l'occurrence. Il ne cédait toujours pas. Si encore ce type avait été capable de réfléchir et de lui dire quelque chose de concret, oui : mais là, franchement..., il se fatiguait pour rien. Jing était exactement comme un cochon : il était incapable de faire autre chose que de remuer la boue à la recherche de quelque chose à manger, et se contentait de n'importe quoi, avalant tout sans distinction. Et bien ce porc sans cervelle en face de lui, là, recrachait ce qu'il trouvait sans se demander si c'était bon ou pas, si c'était vrai ou pas, considérant sûrement que tant qu'il l'atteignait c'était valable. Et le pire était qu'il continuait de porter une sorte de masque grotesque qui se voyait à mille lieues à la ronde. Évidemment, avec le groin rempli de boue, il ne risquait pas de tenir, son masque. Oh la la. Il n'aurait voulu être à sa place pour rien au monde. Ça devait être horrible, de ne même pas être assez doué pour se rendre compte de ses plus grosses erreurs. Pauvre garçon. Il lui en aurait presque fait pitié. Quel intérêt de parler avec lui? Il ne l'aimait pas, l'autre ne l'aimait pas plus, la conversation ne menait nul part-mais il n'avait jamais vu personne réussir à faire comprendre quoi que ce soit à un porc, ça n'avait rien d'étonnant-donc il ne comptait pas la poursuivre plus encore. Fin de l'histoire.
« Je, je... En fait, c'est un travail comme un autre et... On peut, enfin, il y a le château et... C'est plus simple? Alors, c'est peut-être un peu énervant... Mais juste des fois, enfin, à cause des nobles et... Enfin non, mais... Je suis désolée, je ne suis pas claire... »

Jayden écouta Marielle lui répondre, remettant en place les morceaux de sa phrase-pour le moins claire, hmm-au fur et à mesure qu'elle parlait. Ouais. Rien d'étonnant. Lui, il n'aurait pas pu être serviteur ; question de respect et tout ce qui allait avec. Mais être au service de quelqu'un, ça non. Ça ne devait pas être particulièrement plaisant. Après il imaginait que tout dépendait de la situation de chacun, de leur caractère et de leur statut social : quand on a pas d'argent, il faut bien en trouver quelque part. Ses deux parents travaillaient et leur assurait un train de vie très correct à tout les trois sans que Jayden ait besoin de travailler pour l'instant. Il trouverait quelque chose à faire dans quelques années, pour devenir indépendant et faire sa vie de son côté : mais pour le moment il profitait du peu de liberté qu'il lui restait. Il avait dix-sept ans, pas vingt-cinq : il était trop jeune pour agir comme un parfait adulte, responsable et posé. Mais si lui pouvait se payer le luxe de ne rien faire, ce n'était sans doute pas le cas de la jeune fille : il ne pensait pas qu'elle aurait décidé de travailler à son âge, sinon. A moins qu'elle n'aime cela ou qu'elle ne soit complètement masochiste, sait-on jamais.

"Je crois qu'en réalité, elle a peur que vous ne compreniez pas très bien. C'est vrai, quand on vous voit...Mais bon. Pour le métier de servante, moi je ne sais pas. Si vous voulez, je peux éventuellement vous parler du métier de serviteur."

Le tuer, il allait le tuer, lui briser la nuque, lui mette une droite en travers de la figure, le réduire en petits morceaux..., s'il n'avait pas été lui-même et qu'il avait été dix fois plus violent, il ne se serait pas gêné. Quel sale..., il n'y avait même pas de mot. Parasite. Voilà, parasite. C'était un parasite gluant qui s'accrochait aux autres et dont on ne pouvait pas se débarrasser une fois qu'il était accroché à vous. Quelle plaie. Il lui avait demandé quoi, au juste? Il ne lui avait pas posé la question, il ne s'était adressé qu'à Marielle. Le point de vue du porc, il s'en moquait. Sérieusement..., s'il s'était tourné vers elle et lui avait adressé la parole, ce n'était pas pour que ce type idiot et sans intérêt ne lui réponde à son tour. Marielle, pas Jing : il ne se prenait pas pour elle, non? Il lui lança un regard noir, sans bouger pour autant. Non, il ne le frapperait pas. Non, non. S'il le frappait, il risquait de se faire sortir. Ce n'était pas le but. Il ne le frapperait pas, il ne le frapperait pas, il ne le frapperait pas...

"Mais suis-je bête! Le métier de serviteur ne vous intéresse pas voyons. Après tout, si c'est le job de servante, c'est qu'il y a bien une raison à cela. Je m'excuse, j'aurais dû le deviner plus tôt, avec votre allure..."

Honnêtement, Jayden dû faire un effort colossale pour ne pas se lever et aller mettre une droite à cet espère-parce qu'espère, pas espèce, c'est bien connu-de petit prétentieux sans intérêt. Quel sale gamin. C'était la seule chose qui lui venait à l'esprit alors qu'il lui adressa un grand sourire, pris de la subite envie de l'envoyer dans une étagère. Il aurait moins fait le fier, pour sûr. Il fut aussi pour lui lancer son livre dessus, mais jugea que pour l'instant il n'avait pas particulièrement envie d'abîmer cet ouvrage sur la tête vide de ce primate décérébré.

«Hmmm, soupira-t-il en serrant les dents, levant les yeux au ciel, se retenant de lui lancer une insulte bien sentie. Ouais, pour une fois t'as totalement raison. Grande première, hein...J'ai une raison d'avoir dit servante : Marielle, là, tu vois, c'est une fille. Tu suis jusque là? Et je parlais à Marielle. Parce que ton avis, tu t'en doutes, j'en ai strictement rien à faire. Si tu pouvais la fermer, ça m'arrangerait.»

C'était incroyable à quel point il pouvait y avoir des idiots complètement tordus dans ce château. Remarque, ça lui ferait quelque chose à raconter à Nate et Dani. Qu'est-ce que ce type pouvait être insupportable, il ne savait même pas pourquoi il prenait la peine de lui parler. Il ne comprenait pas un mot de ce qu'il disait, c'était évident. Jayden reposa son regard sur la jeune fille, agacé. Il l'énervait, c'était indubitable. Mais ce singe abruti ne pouvait pas gagner quoi que ce soit contre lui. Non.

«Mouais. Mais on est aussi bien chez soi qu'au château, répondit-il en haussant vaguement les épaules. Enfin, au moins ça paye, j'imagine.»