Une fois passée les immenses portes du château, vous voilà dans un vaste hall. Sur votre droite, un couloir. De même sur votre gauche. Des soldats en uniforme semblent garder un œil sur vous, tandis que les vôtres peuvent rencontrer un plafond très haut, un tapis bordeaux menant aux corridors, le sol de marbre. Une série de grands tableaux représentant les différents seigneurs Bellanca le jour où ils ont pris la tête de la famille. Certains ont l’air très jeunes et graves. Des bustes et longs meubles, les gravures sur le haut des murs, sur les plinthes. Mais c’est sûrement le drapeau d’Hatès, étiré sur le mur face à vous, qui attire le plus votre attention.

La lueur des torches se reflète sur le sol de marbre sombre, tandis qu’autour de vous s’étendent de nombreuses tapisseries entre des fenêtres, à cet étage, encore relativement larges donnant sur le parc. Les plinthes et bordures finement ouvragées sont autant de témoignages de richesse dans ce décor autrement empreint d’une plus grande sobriété.

Il est probable que vous soyez ici pour quelque plainte ou réclamation. Le décor lui-même vous enjoint à présenter une plaidoirie concise et sérieuse : le plafond haut d’où pend ce lustre, les murs sculptés, les gardes qui le longent et dont vous évitez le regard ; le vôtre est sans doute fixé sur le tapis foncé liseré d’argent, sans excès, et usé par de fréquents passages. Le trône enfin, au bout de cette salle, à la fois sobre et majestueux. Deux autres, plus petits, restent pour l’instant inoccupés en l’absence de reine et de dauphin. Une porte dérobée, derrière eux.

Grande pièce rectangulaire, la salle à manger ne coupe pas à la règle qui semble régir le château entier et étale à son instar un certain faste dans sa sobriété. A l’intérieur, trois tables démesurées, dont l’une, plus grande que les deux autres, est dressée dans le sens de la longueur. A l’inverse, les deux plus petites, à chaque bout de la pièce, le sont dans celui de la largeur. A ces dernières siègent les enfants de moins de quinze ans, ainsi que les officiers peu intéressés par les conversations mondaines de la Grande table, parfois rejoints par leur roi. Trois lustres pendent du plafond haut, faisant danser les ombres rougeoyantes de ses bougies sur les nappes aux couleurs d’Hatès et décorées de son drapeau et pallient à l’absence de fenêtres.

Il semble y régner une effervescence continuelle : les cuisiniers, les commis, les serviteurs, les chefs s’y croisent sans cesse. Le temps manque, toujours et encore, les ordres fusent. Le mot d’ordre ? Efficacité. La propreté des établis et de la vaisselle est irréprochable, malgré la blancheur des lieux qui n’y aide pourtant pas. C’est toujours « en retard » que les repas complexes de la noblesse ou d’une grande simplicité de la domesticité et de l’armée sont achevés dans une précipitation qui n’enlève rien à la qualité du rendu final.

Plusieurs tables longues flanquées de deux rangées de banc, un de chaque côté, meublent la pièce. Une odeur de soupe semble collée aux murs et alourdi l’air, mais impossible de rester trop longtemps ici si vous ne voulez pas vous faire sortir manu militari par une gouvernante trop zélée. Mangez et retournez donc au travail, il y en aura assurément encore ce soir.

La propreté des nappes qui couvrent les tables est discutable et les bancs un peu durs mais, ce détail mis à part, l’endroit est assez agréable. L’ordre y est encore une fois de rigueur : c’est à heure fixe et par division que l’on s’installe ici et que l’on en part. Aucun officier supérieur n’y mange cependant, et il arrive que des litiges s’y règlent –ou y éclatent dans le dos des supérieurs de tout un chacun. Une odeur de nourriture traine dans l’air et l’étendard d’Hatès, sur les murs ainsi que de nombreux lumignons, semble faire office de rappel à l’ordre.

Les chambres de gauche sont réservées aux hommes, celles de droite, aux femmes. Peu spacieuses, elles ne donnent guère envie d’y passer sa journée –et peut-être est-ce le but recherché. L’ordre y est moins martial qu’à l’armée, les contrôles moins fréquents. Logés par deux, trois si la place vient à manquer, seuls les responsables et gouvernants ont une chambre à part.

L’armée est logée dans des chambres séparées par de simples cloisons, selon leur régiment. Leur exigüité permet d’y caser deux lits bas aux matelas d’un confort quelque peu douteux, et un meuble de bois à la droite de chacun pour leurs quelques effets personnels. Ces lieux ne sauraient souffrir aucun désordre ou dégradations, aussi des inspections sont régulièrement menées. L’espace et les droits viennent avec les grades, ici comme ailleurs, mais cet endroit reste amplement vivable si ce n’est que pour y passer la nuit.