♥♠♣♦~ouverture du bal~♦♣♠♥

Megumi pensait s’être tellement ridiculisée ce soir qu’elle ne pouvait plus tomber plus bas.

Enfin, si, on pouvait toujours tomber plus bas, comme faire une chute – ce qui aurait été encore plus frustrant- ou ce genre de choses, mais là, elle pensait avoir atteint un certain seuil, un seuil de ridicule radical. Etait-il permis d’être aussi ridicule ? Si cela avait été un crime, elle aurait probablement une lourde amende à payer, et pas seulement pour aujourd’hui, parce que, soyons honnête un instant, Megumi n’était pas une personne à qui tout souriait, sans pour autant être l’incarnation du ridicule. Non, la petite châtain atteignait un niveau raisonnable de ridicule en général parce qu’elle était très discrète, cachée, alors il était rare qu’on la remarque même si elle faisait quelque chose de vraiment déplacé, mais ce soir, c’était différent. Elle ne savait pas combien de fois elle avait bien pu penser cela, mais c’était vrai, elle ne pouvait le nier, ce soir était un soir bien différent des autres. Pour une fois, Megumi ne voulait pas passer inaperçue, elle ne voulait pas être dans son coin et se faire oublier, justement, elle voulait qu’IL se souvienne d’elle, qu’il ne voit qu’elle… Oui, définitivement, elle atteignait un seuil de stupidité et de ridicule là, rien qu’en ayant ce genre de pensées. Jamais, jamais du plus loin qu’elle s’en souvienne elle n’avait eu de telles pensées. Elle avait toujours été une personne effacée à qui peut importait qu’on la remarque. Même enfant, elle était le genre à regarder les autres jouer, alors ce soir, le fait qu’elle danse était en soit un exploit. La situation était juste ridicule pour elle, mais elle était heureuse. Elle était heureuse jusqu’à ce qu’elle décide que c’était trop beau pour être vrai et qu’elle décide de tester si elle rêvait ou non. Quel beau rêve, si s’en avait été un…
Mais ce n’en était pas un, comme lui avait signalé la petite mais néanmoins vive douleur qu’elle avait ressentie en se pinçant le bras. Ce n’était pas malin, vraiment. Elle aurait dû s’arrêter à cela, mais non, non, son cerveau dicta à son corps qu’on ne pouvait pas être encore certain de cela, elle devait le pincer, lui aussi, pour découvrir si elle ne rêvait vraiment pas ! C’était ridicule, ridicule, ridicule. On disait que le ridicule ne tuait pas, mais là, quand même, elle voudrait bien creuser un trou et s’y enfuir pour au moins le reste de la soirée. Ou prendre une corde et se pendre à un lustre. Dans d’autres circonstances, elle aurait juste haussé les épaules et disant que ce n’était qu’un petit pinçage, rien de bien particulier ou dangereux, rien qui ne puisse tuer ou blesser quelqu’un dangereusement… D’ailleurs, elle ne pensait pas que quelqu’un d’aussi gentil et doux que Yann Van Kardell lui en tienne même rigueur… Du moins, elle l’aurait certainement pensé si elle ne se sentait pas comme si elle venait juste de provoquer le début d’une guerre particulièrement meurtrière. C’était encore plus ridicule que tout, mais elle ne pouvait pas contrôler ses pensées, personne ne le pouvait, de ce qu’elle savait. Après, elle ignorait tous des étranges et effrayants pouvoirs que pouvaient avoir certaines autres personnes. Le monde était vraiment un endroit mystérieux et effrayant et il ne cessait de faire s’ouvrir grand les yeux changeants de la demoiselle.

Son cavalier, la seule personne dans cette salle devant qui elle n’aurait jamais voulu paraitre ridicule, venait d’agiter la tête légèrement à ses paroles, n’aillant pas l’air gêné ou quoi que ce soit par son geste, ce qui eut pour effet de relaxer momentanément la jeune fille. Il n’avait pas eu l’air de la trouver ridicule, mais il était certainement perplexe. Elle aurait été perplexe aussi si quelqu’un arrêtait de danser d’un seul coup pour se pincer et la pincer… Soudainement, le garçon lui prit le bras et commença à l’entraîner à sa suite, faisant sursauter Megumi qui lui jeta un regard incrédule, le suivant tout de même, sans vraiment chercher à comprendre ce qu’il se passait. En l’espace d’un instant, le visage de son cavalier était devenu plus sobre et sérieux, laissant cette fois ci la châtain perplexe. Que venait-il de se passer dans sa tête ? En tout cas, il ne la jetait pas, ou ne s’enfuyant pas, car on n’emportait pas la personne si on voulait s’échapper, et encore moins avec autant de délicatesse et d’attention dont faisait preuve le jeune homme. Il marchait avec précaution pour ne heurter personne et Megumi suivait en faisant de même. Honnêtement, la pression qu’exerçait sa main sur son bras était tellement maigre que si la chaleur qui émanait de sa main n’était pas là, elle ne sentirait probablement pas grand-chose. C’était comme une agréable touche, plus ferme, mais agréable… De toute manière, à priori, tout ce que pouvait bien faire le Van Kardell semblait agréable, génial, parfait… Wow, elle n’était plus sûre de n’avoir pas touché à de l’alcool ce soir…
Finalement, le garçon s’arrêta près d’une horloge dans un coin de la salle, et par réflexe naturel, elle s’arrêta, juste après lui, le fixant avec un regard plein de questions. Son visage était toujours sérieux quand il se tourna vers elle.

« C'est moi qui suis désolé. Vous ne vous sentez pas bien, c'est cela ? Vous auriez du me le dire, j'aurais interrompu la danse. Vous n'avez mal nulle part, au moins? »

Hein ? C’était parce qu’elle avait arrêté la danse, alors il pensait qu’elle allait mal ? Il se sentait coupable ? Mais c’était tout le contraire ! Elle faillit rire de la situation, mais se retint, n’affichant qu’un large sourire timide et désolé à la fois. Il n’avait pas à se faire un sang d’encre comme cela par sa faute !
Elle secoua vivement la tête de droite à gauche, son sourire ne quittant jamais ses lèvres. Tout allait trop bien, justement ! Ce serait stupide de dire qu’elle avait paniqué car tout semblait parfait… Et dire qu’elle ne rêvait pas !

« Oh non, je vais bien, très bien ! Même trop bien en réalité ! » Elle eut un léger rire qu’elle aurait voulu encore plus léger et moins embarrassé. « Vous n’avez pas à vous excuser, je ne sais pas ce qu’il m’a pris, j’ai… »

J’ai quoi ? Megumi ne savait pas trop quoi dire. Il était tellement adorable avec elle et elle avait tout gâché par cette lubie du rêve… Elle l’avait inquiété et s’en voulait énormément. Elle jeta un regard à l’horloge dont le bruit la rassurait en se mordillant la lèvre inférieur. C’était doux et étrangement calmant. Elle soupira légèrement, sachant qu’elle devait être honnête. Elle était déjà assez ridicule ainsi, autant s’achevée.

« J’ai cru que je rêvais. C’est ridicule, mais, enfin… Comment dire ? » Elle chercha ses mots un instant, préférant cela à bégayé joyeusement pendant une bonne minute, puis repris d’une voix plus ou moins calme. « Tout allait si bien… Je n’ai pas l’habitude de m’entendre aussi bien avec quelqu’un, ou d’apprécier un aussi grand rassemblement que ce bal… Ou tout simplement de me sentir juste bien. Je ne sais pas comment m'exprimer… »

La châtain soupira doucement et se gratta le cou légèrement du bout des ongles, essayant d’éviter de regarder le visage du garçon. Son regard se déporta un instant sur les gens qui dansaient avant de se retrouver sur le sol. C’était tellement ridicule ! Elle reprit la parole d’une voix douce, presque un murmure bercé par le bruit du bal et du tic-tac de l’horloge.

« Ce soir est juste comme un rêve… »

[AWH. L'attaque du fromage bien mou. C'est trop CHEESY quoi. XD
L'horloge oui, oui... Genre, il va l'embrasser. Il va s'embrasé, oui... 8D]

{ Trolololol. J'ai écris n'importe quoi et en plus, j'en suis fière. Her ouais. Parfaitement. |D }

Le sourire de la colonel, plus détendu, rassura Rywan. Il avait beau être quelqu'un d'enjoué et avoir le rire facile, parler avec une personne qu'il n'appréciait pas ne lui plaisait pas plus qu'à un autre – qu'il le laisse paraître ou pas. Infliger cela à la jeune femme n'était pas dans ses projets, Conseiller ou pas ; cela dit, si sa présence ne l'incommodait pas, c'était aussi bien comme ça. De un, il n'avait pas envie de chercher querelle à Willow Xuan. Et de deux, être haït lui laissait toujours un amer sentiment d'injustice tant qu'il n'en connaissait pas la cause. Il ne pensait pas avoir un jour fait quelque chose de terriblement déplaisant à Léa Stonh, quoi qu'il en soit – et il avait suffisamment bonne mémoire pour que cette supposition ait valeur de vérité. Hm, non. Il ne lui avait définitivement rien fait. Ce que son sourire lui avait de toute façon confirmé un instant plus tôt.
Il y eut un blanc, quelques secondes de silence, de rien. Juste le temps de prendre un verre pour l'une, d'en boire une gorgée pour l'autre. Il s'étira quelques secondes encore tandis que la colonel portait le liquide à ses lèvres, décida qu'il était à son goût, recommença. Rywan était peu habitué aux temps morts ; pourtant, ils ne le dérangeaient pas. Cette soirée serait longue et courte à la fois, comme toutes les soirées. Les discussion sembleraient interminables par moment et étonnamment courtes à d'autres. Ses yeux auraient le temps de s'attarder sur un million de visages, de robes et de costumes, et pourtant la moitié ne lui reviendraient pas en mémoire s'il lui prenait la fantaisie d'en dresser la liste. Toutes ces fausses perdues à ne rien faire l'auraient été tout autant s'il avait décidé de les mettre à profit. Toutes ces mondanités étaient finalement bien vaines, s'il poussait le raisonnement jusqu'au bout – et c'était bien pour ça qu'il ne le faisait pas. Discuter était agréable, danser ou boire l'était tout autant, et quand bien même la logique lui soufflait que ça n'aurait strictement aucune utilité ou répercussion majeure sur sa vie, ça lui était égal.

Léa Stonh n'était pas un chiffre ; s'il ne la revoyait jamais par la suite et allait jusqu'à en oublier son nom ou son existence, ça ne rendrait pas ce moment moins réel. Du moins aimait-il voir les choses sous cet angle.

« Oh ! Non, rien de tout cela ! Enfin, à vrai dire, je dois bien avouer que cette chute m’a un peu… Coupée dans mon élan, disons. »

Rywan acquiesça, satisfait qu'elle semble moins nerveuse à présent. Son sourire ne se résorba pas tandis qu'il cherchait vainement à croiser son regard. Quoi qu'elle regarde avec tant d'intensité, ce n'était définitivement pas ses yeux. Il aurait bien jeté un regard derrière lui mais la voix de la jeune femme plus qu'un souci de politesse l'en empêcha.

« Vous ne m’importunez pas, je ne vous importune pas également. J’imagine que j’ai bien trop dramatisé la situation ! - et il ne pouvait pas la contredire sur ce point. En réalité, vu que j’allais passer la soirée seule, dans un coin à analyser tout le monde, un peu de compagnie ne me ferait pas de mal. Je n’aime pas vraiment la solitude, mais il semble que par un concours de circonstance, je n’aille rien de ce que vous avez cité ! Pas ici et maintenant, en tous les cas. »

Rien de ce qu'il avait cité ? La précision qu'elle ajouta consciemment ou pas à la fin de sa tirade apaisa immédiatement ses inquiétudes. Il ne connaissait pas sa situation familiale mais qu'elle n'ait ni amis, ni parents, ni fiancé à rejoindre 'ici et maintenant' lui semblait même plutôt logique. Après tout lui-même n'était pas de Noble naissance, et seul son poste au sein du château lui permettait l'accès à de tels événements. Il savait par expérience que beaucoup de haut gradés venaient de familles aisées – quand on a pas besoin de s'échiner à gagner de l'argent, le temps consacré à l’entraînement peut être multiplié par deux, trois, ou même cinq – mais il savait aussi que ce n'était pas le cas de tous. Son interlocutrice aurait pu avoir six frères et quatre sœurs, vingt cousins et deux parents en pleine forme que ça n'aurait rien changé à la donne. Ils n'auraient pas été invités, encore moins acceptés dans cette salle.
Passer sa soirée seul n'avait en tout cas rien d'agréable. Que ce soit par timidité ou par choix, d'ailleurs. Il ne voyait pas pire chose au monde que d'être seul. Et il pesait ses mots. Tenir compagnie à quelqu'un ne coûtait pas grand chose, si ce n'était un peu de gentillesse et de temps. Choses qu'il avait à revendre, n'en déplaise à tous les solitaires de ce château avec qui il tenait absolument à discuter.

« Je ne vais donc pas vous fausser compagnie. Pas jusqu’à temps que vous n’en ayez assez de moi et que vous trouviez un stratagème digne de vous pour vous évader ! »

Exactement, un stratagème digne de lui. Il ne pensait pas en avoir besoin mais, sait-on jamais... Si elle devenait insupportable en cours de route, l'inciter à boire pourrait peut-être lui permettre de s'enfuir. Ses lèvres s'étirèrent en réponse à son rire, sans moquerie ni méchanceté. Les vertus de l’honnêteté avait leurs limites, mais tant que cela ne blessait personne il préférait coller à la vérité. S'il avait voulu s'échapper il ne le lui aurait pas dit, mais il pensait ce qu'il disait quand il affirmait ne pas être dérangé. Tout était dans la nuance.

« Vous m'en voyez ravi, répondit-il en levant son verre dans sa direction. Mais je ne pense pas avoir à m'évader. Vous avez été tout à fait charmante, jusque là. »

Et elle l'était sans nul doute nettement plus quand elle ne craignait pas d'être un fardeau. Un visage familier attira son attention, d'où la seconde de silence qui suivit. Il s'excusa de son inattention d'un sourire, reposant tranquillement son regard sur la jeune femme. Il n'était pas sûr de pouvoir capter le sien plus d'un instant, mais ça ne le dérangeait pas le moins du monde. Soit elle avait du mal à soutenir le regard des autres, ce qu'il pouvait comprendre ; soit elle avait trouvé quelque chose d'on ne peut plus intéressant un tout petit peu plus loin.

« Vous comptiez passer la soirée à analyser les autres invités ? Questionna-t-il, une pointe d'amusement toujours perceptible dans sa voix. Je n'ai personnellement repéré aucun assassin potentiel. Quelques fautes de goût, peut-être... »

Et il aurait bien continué si cette manie qu'elle avait de regarder juste à côté de lui n'avait pas fini de piquer sa curiosité. Il pencha sa tête sur le côté, un sourire intrigué aux lèvres, dans l'optique d'enfin capter sa pleine et entière attention. Et après tout, il n'y avait pas de réponse plus logique à son attitude ; s'il avait fixé un point derrière son épaule, elle aurait finit par se demander ce qu'il y avait de si intéressant là-bas.

Et donc, qu'y avait-il de si intéressant ici ?

[Moi aussi, j'écris... Ce qui me vient. On va continuer de charrier Willow, c'est un terrain sûr... XD
J'avais trop rien à lui faire dire. Encore un verre, ça glissera mieux... ]

Parfois, Léa pensait à ce à quoi elle ressemblerait plus tard, où elle en serait…

Mais pas le plus tard genre « Quand je serais grande… », ni le plus tard de 10 ans, non, le grand plus tard. Vous savez, le plus tard, quand vous êtes vieille et toute ridée, ce genre de plus tard. Léa ne savait pas vraiment pourquoi elle y pensait maintenant, en plein milieu d’un bal, mais elle y pensait. C’était une évidence pour son cerveau, il devait se dire : « Chouette ! Quel beau bal ! Tiens, comment sera tu quand tu seras vieille ? »… Tout à fait ridicule, Léa en conjurait, mais essayez d’aller à l’encontre de votre cerveau, vous ! Alors Léa se laissa aller au jeu de son imagination un instant. Elle se voyait, vieille, toute ridée dans une petite maison isolée au bord de la mer, des chats gambadant partout dans la maison, leurs belles fourrures scintillantes au soleil… Elle ne voyait pas de petits enfants, ou ce genre de choses encombrantes, non, juste elle et ses chats. Et d’autres gros animaux l’attendaient dehors ! Ah, c’était le paradis. Et ses cheveux ? Comment seraient ses cheveux ? Léa les espéraient toujours longs. Ils seraient blancs et lui tomberait à mi-dos si possible. Elle aimait ses cheveux, elle voulait les gardés, même blanc ! Ils devraient être pas mal aussi, blancs…
Ah, Léa venait de faire le lien avec sa situation actuelle et ces étranges pensées. En gros, son cerveau essayait de lui dire que si elle continuait d’avoir des obsessions étranges avec les cheveux ou les gros animaux, ou même juste les chats, elle finirait seule dans une maison abandonnée, totalement à la ramasse. Bah, d’une certaine manière, cela ne la dérangerait pas, mais sa conscience lui criait que ce n’était pas bien de vouloir rester seule toute sa vie ! Mais vraiment, elle, elle trouvait cela cool et tranquille. Elle ne voulait pas d’enfants, ce genre de choses, elle n’aimait pas les gosses, de toute manière. Trop criard et gémissant pour un oui ou pour un non… Les chats, c’était mieux, beaucoup mieux. Et les cheveux. Oh, les cheveux… Elle passerait toute sa vie à observer des cheveux, à les caresser… Autant dire qu’elle serait assez heureuse avec plusieurs conquêtes qu’une.
Elle dérivait, encore. Elle n’était même pas sûre de vivre assez vieille pour avoir des rides, car son poste n’était pas sans risques, bien au contraire. Franchement, elle ne devrait même pas penser à cela et se concentrer sur son interlocuteur. Ou ses cheveux, à défaut de lui-même. C’était la même chose, vraiment. Le seul problème était que ce n’étaient pas ses cheveux qui lui parlaient – bien qu’ils semblaient juste lui crier de les toucher-, mais bien lui, et lui seul, mais qu’eux, ces bâtards de magnifique cheveux noirs, la distrayait fortement. C’était très gênant pour continuer une conversation d’avoir l’esprit ailleurs, et elle n’en aurait jamais l’idée si la personne était chauve. Pas que le stratège ne disait pas des choses intéressantes, loin de là, elle n’y prêterait d’ailleurs aucune attention sinon, mais elle n’était pas à son maximum d’attention, là. D’ailleurs, si on lui demandait ce qui faisait que Rywan Lie était Rywan Lie, elle hésiterait probablement très longtemps entre son intelligence-indéniable-, son charme –indéniable-, ou ses cheveux – indéniable.

« Vous m'en voyez ravi. Il leva son verre en sa direction et, saisissant le mouvement, elle leva très légèrement la main. Mais je ne pense pas avoir à m'évader. Vous avez été tout à fait charmante, jusque là. »

En tout cas, elle espérait fortement l’avoir été. Elle prit une gorgée d’alcool de nouveau, histoire de se servir de son petit levage de main. La gorgée se transforma en deux avant qu’elle ne rabaisse son verre avec un grand sourire. Elle pouvait voir du coin de l’œil qu’il souriait aussi de nouveau alors que ses cheveux ondulaient encore, sous ses yeux violets attentifs. Léa ramena son regard une seconde sur le visage souriant du stratège, juste comme cela, histoire de le regarder parfois, de reprendre sa respiration avant l’apnée sur les cheveux… enfin, elle ne restait pas en apnée, hein, façon de parler… Elle faisait juste un break d’une seconde avant de replonger son regard sur la forme noire sur la tête du garçon, reprenant une gorgée de son verre, doucement.

« Vous comptiez passer la soirée à analyser les autres invités ? Je n'ai personnellement repéré aucun assassin potentiel. Quelques fautes de goût, peut-être... »

La violette ramena de nouveau son regard sur le visage du garçon lorsqu’il parla, pour le détourner très rapidement de nouveau, son sourire s’élargissant un peu à ses paroles. Ah, oui, elle comptait exactement faire cela. Analyser les invités, repérer des beaux cheveux, des belles robes… Ce genre de choses que l’on fait lorsqu’on s’ennuie, avec plusieurs verres dans le gosier déjà. Ou alors, elle radoterait au premier venu, avec plusieurs verres, c’était possible. En général, elle avait plus de retenu, mais on lui avait déjà dit qu’elle faisait de l’œil au gens quand elle buvait, aussi. Faute de vomir, elle préférait limite cela… Ah, en revanche, elle devait faire attention ce soir. Ce serait malheureux qu’elle traumatise le stratège… bien qu’il devait en avoir déjà vu des belles et des pas mures, hein…
Soudainement, il pencha sa tête sur le côté, l’obligeant à suivre d’abord le tracé que décrivit sa queue de cheval avant de retourner ses yeux surpris sur son visage, croisant son regard bleu. Elle se rendit compte qu’il était intrigué, probablement en train de se demander ce qu’elle pouvait regarder avec tant d’intensité. Ah, elle devait se contrôler, se contrôler… Elle lui adressa seulement un petit sourire désolé, essayant de garder son regard fixement sur au moins le visage du stratège – pas qu’il soit désagréable.

« Oui, je comptais effectivement passer ma soirée à analyser les invités. C’est une sorte de… déformation professionnelle ? Je pense que l’on peut dire cela comme cela. »Son sourire s’étira de nouveau faiblement. « J’ai également repérée des fautes de goût, certaines sont d’ailleurs très amusantes, vraiment… Mais l’habit ne fait pas le moine, vous le savez bien. »

Elle laissa voyager son regard sur la foule des invités. Elle cherchait quelqu’un en particulier, mais elle n’eut pas le plaisir de le trouver, trop éloignée pour cela. Elle ne s’en formalisa pas et reposa ses yeux sur le visage du garçon, reprenant une gorgée de son verre, à présent vide. Même si ce fut court, son regard glissa de nouveau sur la queue de cheveux du Lie.

« Il n’y a qu’à voir notre très cher conseiller ! Il a une style bien particulier et à lui, ce qui ne l’empêche pas d’être… Très efficace. »

Léa lui adressa un nouveau sourire, bien plus détendu que la première fois de la soirée. Elle n’était plus inquiète de parler du conseiller, ou au stratège, vraiment. En revanche, elle reprit tout de même un verre d’alcool. Après un deuxième verre, elle arrêterait peut-être de prendre ses cheveux pour son visage.

A moins que ce ne soit pire encore, mais au moins, elle le regarderait peut-être dans les yeux.

Yann se sentit rassuré quand Megumi secoua la tête, mais pas tout à fait. Si elle venait de lui confirmer, sans hausser la voix, qu'il s'était trompé et s'était sans doute emporté pour rien, il se demandait toujours pourquoi elle avait cessé de danser pour se pincer elle et le pincer lui. Il devait y avoir quelque chose qui n'allait pas, peut-être avait-il fait un faux pas ? Peut-être avait-il eut une parole trop osée, ou qu'elle avait considéré comme déplacée ? Yann s'insulta copieusement mentalement, fâché contre lui-même. Si jamais il avait, par une quelconque méprise, fait voler cet instant merveilleux en éclat, jamais il ne se le pardonnerait. Pour une fois qu'il était sincèrement heureux d'être présent à ce genre d'évènement et de profiter de la fête, ça aurait été un comble qu'il ruine tout sans même y prendre garde. Megumi était une femme charmante et, si elle l'avait pincé, nulle doute que c'était pour lui faire comprendre quelque chose, telles étaient les pensées de Yann alors qu'il scrutait la demoiselle avec un sourire qui se voulait détendu. Il n'avait pas passé beaucoup de temps en sa compagnie, mais il était d'ores et déjà persuadé qu'elle était une jeune femme foncièrement bonne et aimable quoi qu'un peu timide, et que lui parler à nouveau après cette soirée serait un plaisir. Il ferait tout pour ne pas perdre contact avec elle, il se le jurait. Ah, se fit-il la remarque avec une certaine ironie, si elle avait lu ses pensées, Megumi l'aurait à coup sûr pris pour une espèce de pervers à la recherche d'une aventure. Un homme malhonnête avec des intentions peu dignes cachées derrière son joli visage. Rapidement, il remercia son Dieu que les pensées de chacun soient secrètes aux yeux des autres. Quelle aubaine, vraiment !

« Oh non, je vais bien, très bien ! Même trop bien en réalité ! Vous n’avez pas à vous excuser, je ne sais pas ce qu’il m’a pris, j’ai… »

Yann la regarda attentivement, anxieux de ce qui allait suivre. Il semblait peu probable à présent qu'elle l'accuse de quoi que ce soit, mais savait-on jamais. Le jeune homme aux yeux clairs s'était trouvé ces dernières minutes une sensibilité plus à fleur de peau qu'elle ne l'avait jamais été. Il se souciait énormément de ce que pouvait penser Megumi Voluison de lui. Si jamais elle venait à le détester, pour une raison ou pour une autre, il... L'entrainerait dans le jardin et la supplierait de lui pardonner son offense. Il ne supportait pas l'idée qu'elle puisse le regarder avec mépris ou s'éloigner de lui. C'était idiot, pourtant, elle n'était rien de plus qu'une connaissance, pas même une amie. Alors pourquoi son avis comptait-il autant ?

« J’ai cru que je rêvais. C’est ridicule, mais, enfin… Comment dire ? Tout allait si bien… Je n’ai pas l’habitude de m’entendre aussi bien avec quelqu’un, ou d’apprécier un aussi grand rassemblement que ce bal… Ou tout simplement de me sentir juste bien. Je ne sais pas comment m'exprimer… »

Yann observa son interlocutrice, toujours muet, dans l'attente d'une possible suite à son explication. C'était donc cela ! Pensa-t-il, étonné. Elle s'était pincée et l'avait pincé pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas. D'ordinaire, le pragmatique jeune homme aurait trouvé une telle action stupide, mais il la comprenait trop pour lui en tenir rigueur. Lui aussi avait l'impression de marcher dans un songe aux belles couleurs. Il n'avait pas d'avis sur tous ces bals et ces réunions, les subissait sans les apprécier, trop habitué pour pouvoir s'en plaindre. Mais ce soir là... Tout lui semblait si merveilleux et extraordinaire. Il avait l'impression que chaque parure étincelait plus. Que chaque sourire l'emplissait de joie. Enfin, surtout un.

« Ce soir est juste comme un rêve… »

Le regard du garçon avait suivit celui de sa compagne lorsqu'elle avait regardé les couples de danseurs, et se reposèrent sur elle après. Elle, elle ne le regardait pas. Il aurait aimé changer cela. Mais elle était si timide, il avait peur de la choquer ou de la brusquer. Que faire pour qu'elle rayonne encore plus ? Songeant que personne ne faisait attention à eux, Yann prit une décision probablement stupide, mais qu'il savait qu'il devait faire. Pourquoi ? Il n'en avait aucune idée. Mais de toute façon, puisque rien n'avait vraiment de sens ce soir-là, ce n'était pas si important.

Il prit doucement la main droite de Megumi dans la sienne, et la porta à ses lèvres. Ça n'aurait pu être pour lui qu'un simple geste de courtoisie: Mais c'était bien plus que cela. (Oh pitié XD)

« Si cette soirée est un rêve, alors j'aimerais que ce rêve dure éternellement. » Dit-il avec un petit rire, hésitant à relâcher la main de Megumi. Il ne voulait pas passer pour un être vil et grossier, mais cette chaleur était si agréable... Comme il avait envie de retenir le temps. Tic, tac, tic, tac... Chaque seconde qui s'écoulait était un bonheur car il la passait avec son interlocutrice. Mais chaque seconde était aussi un supplice, car il l'éloignait lentement mais sûrement de Megumi. Le monde était fait de compromis. Yann pensait en tenir un bien cruel.

[OMFG. Je sais pas si je pourrais faire pire. Et il l'a embrassée! Enfin, sa main. Mais c'est pareil.8D]

Inspirer, expirer, inspirer, expirer…

Respirer, tout simplement, c’était ce que Megumi se répétait au moment où le jeune homme avait porté sa main à ses lèvres. Il n’y avait réellement rien de plus naturel dans ce monde, mais pour elle à ce moment même, c’était loin de l’être. Ce qui semblait naturel en revanche, c’était la présence du noble qui baisait sa main, et ce depuis le début de la soirée. C’était comme s’il avait toujours eu sa place à ses côtés, comme si au fond, ils s’étaient toujours connus, et surtout, comme si ils étaient fait pour se connaître.
Si elle ne croyait pas réellement au destin auparavant, elle pensait fermement qu’elle allait bien être forcée d’y croire. Il aurait pût heurter n’importe qui ce soir-là, mais c’était elle ; elle aurait pût être à un autre endroit de la salle et ne jamais le voir…Mais non, ils s’étaient trouvés et la jeune noble n’en remercierait jamais assez les cieux pour lui avoir envoyé cet homme qui ressemblait en de nombreux points à un ange…

« Si cette soirée est un rêve, alors j'aimerais que ce rêve dure éternellement. »

Megumi préférait ne pas penser à la couleur de son visage et essaya avec beaucoup de mal d’ignorer la chaleur qui ne semblait qu’amplifier à chaque secondes. Son cœur bondissait également furieusement dans sa poitrine comme si elle venait juste de courir tout autour du château et honnêtement, dans sa tête, c’était un peu ce qu’il se passait tant elle bondissait intérieurement de joie. Décidément, le Van Kardell lui faisait un effet fou, et elle ne pouvait le nier- pas qu’elle en aille l’envie. L’espace d’un instant elle se demanda si ce ne serait pas la même chose avec n’importe quel beau noble qui lui ferait de tels compliments, mais elle était certaine que ce ne serait pas le cas. Dans un coin de sa tête elle le sentait, elle le savait ; il était le seul à pouvoir faire battre son cœur ainsi, et elle en était totalement satisfaite.
Megumi adressa un grand sourire au garçon et serra doucement sa main, tentant vainement de contrôler les battements de son cœur ainsi que de regagner sa voix et une respiration plus régulière. Ses yeux ne pouvaient plus se détacher de ceux si magnifique de son interlocuteur dont elle ne se fatiguait point, et ne se fatiguerait probablement jamais. Comme ils lui manqueraient après ce bal… tout comme leur possesseur lui manquerait certainement. Elle souhaitait qu’il ne se finisse jamais, ainsi ils n’auraient jamais à se séparer. Tout comme lui, elle souhaitait que ce rêve s’il en était un, dure éternellement. Elle se sentait réellement de plus en plus comme Cendrillon ; dès le bal finit, il lui faudra se séparer de son prince afin de retourner à sa vie quotidienne ennuyante, à des minutes qui ressemblaient à des heures… Elle détestait réellement le temps à ce moment-là, lui qui était si lent d’habitude, pourquoi accélérait-il maintenant ? C’était injuste, et si cela était possible, si cela était vraiment un rêve, elle porterait plainte contre lui. On n’avait pas idée de voler le bonheur des gens ainsi… Peut-être que le temps devait trouver son âme sœur aussi, ainsi comprendrait-il la peine qu’elle ressentait à ce moment même ?

Elle qui plus tôt était si timide qu’elle ne pouvait le regarder dans les yeux, elle ne pouvait à présent plus s’en détacher, et n’y voyait personnellement aucun inconvénient. On dit que les yeux sont le reflet de l’âme… Alors à l’image de ces yeux magnifiques, Yann devait avoir une âme admirable et tout aussi belle, Megumi en était persuadée.

« Je le souhaiterais également. »

Sa voix était plus stable qu’elle l’aurait espérée, joyeuse et douce, juste assez haute pour que son cavalier puisse l’entendre. Son sourire semblait s’être trouvé une bonne place sur son visage, tout comme le noble semblait s’être trouvé une bonne place dans son cœur ; les deux allaient ensemble pour Megumi. Se sentant un peu plus calme et apte à former des phrases correctes, elle reprit la parole, ayant dans l’intention d’exprimer un peu plus ces sentiments qu’elle trouvait aussi curieux qu’agréables.

« C’est curieux, mais j’ai l’impression que ce n’était pas vraiment un hasard cette rencontre. C’est comme si c’était voulu, comme si c’était programmé depuis longtemps. J’ai ce sentiment qu’avant ce soir il me manquait quelque chose… Mais qu’à présent, j’ai cette chose manquante. »

Elle rit légèrement, quelque peu prise de cours par ces propres pensées. Il devait penser qu’elle était folle à lier à force, et pourtant elle savait qu’il ne la pensait pas folle. Peut-être que pour lui, c’était la même chose ? Après tout, depuis le début de la soirée, ils semblaient être tout deux sur le même longueur d’ondes.

« Je suis désolée, c’est vraiment étrange, n’est-ce pas ? »

[S.O.S NIAIS JE NE PEUX PLUS RESPIRER. Bref voilà la serpuillère. Il fallait que je réponde. @__@]

Comme intoxiqué par des fragrances inodores et pourtant entêtantes, Yann sentait un désordre agréable régner dans son esprit et enserrer son cœur dans un étau indescriptible mais jamais douloureux. Lui qui aimait pourtant que tout soit rangé selon un ordre précis, que rien ne dépasse et que rien ne traine ! Il était servi. Yann aimait comprendre et n'avait pas de place pour une spontanéité trop facilement vexée qui ne lui attirait de toute façon que des ennuis. Il avait appris à réprimer ses élans, à afficher cet air poliment ennuyé qu'on lui connaissait ; et il pouvait jurer qu'il voulait toujours tout bien faire.
Il agissait à présent selon ce que lui dictait un cœur déraisonnablement drogué. N'aurait-il pas dû faire un pas en arrière, s'excuser auprès de Megumi et aller se rafraichir l'esprit au dehors ? Si l'air n'avait pas charrié cette douce et rassurante atmosphère, il l'aurait sans doute fait. Il n'y avait rien à comprendre, et une fois qu'on s'en apercevait, tout allait pour le mieux. Il fallait laisser parler son corps et ses lèvres, ne plus se soucier des mots que notre voix modulait sans notre accord. Yann avait beau être un amoureux de la logique et d'un scepticisme étonnant quand on ramenait les légendes et les croyances dans une conversation, il était tenté de croire que pour une fois dans sa vie, il avait peut-être détourné les yeux d'une vérité rare mais magnifique. Il avait eu tort et il voulait réparer son erreur en ne laissant pas aller la main de Megumi. Qui savait quand une telle chose se reproduirait, si elle se reproduisait un jour ?

Il fallait saisir sa chance quand elle se présentait, et surtout ne pas hésiter.

« Je le souhaiterais également. »

Ça pouvait être une politesse énoncée timidement face à son comportement particulier ; ça pouvait aussi être une affirmation portée par la douceur du moment. Heureusement que leurs mains étaient tangibles et accrochées l'une à l'autre, sinon Yann aurait juré pouvoir se réveiller d'un instant à l'autre ! Si tel était le cas malgré les cœurs qui battaient dans leur poitrine brûlante, alors il priait pour quelques secondes de sommeil en plus, pour quelques minutes ou quelques heures. Dormir pour l'éternité ne lui avait jamais semblé être une perspective aussi enchanteresse qu'en cet instant. La princesse entourée de ronces, dans son beau château endormi, ne mesurait pas sa chance.

Et lui ne comprenait pas encore toute la portée de la sienne.

« C’est curieux, mais j’ai l’impression que ce n’était pas vraiment un hasard cette rencontre. C’est comme si c’était voulu, comme si c’était programmé depuis longtemps. J’ai ce sentiment qu’avant ce soir il me manquait quelque chose… Mais qu’à présent, j’ai cette chose manquante. »

Peut-être un peu surpris par cet aveu qu'il n'aurait jamais osé que penser, Yann cligna des yeux avant de sourire à nouveau, plus largement et plus sincèrement. Les barrières tombaient une à une, débris de glace bercés par la mélodie qui dessinait des arabesques invisibles et éthérées à travers toute la pièce. Yann n'avait pas envie de danser, il n'avait pas envie de retourner au milieu de tous ces gens dont les visages banals ne lui disaient rien ; il voulait être en compagnie de Megumi, seuls et dans un silence roi et compréhensif. Il ne pensa pas à son père qui, sans doute, devait le chercher entre deux conversations dans la foule. Il aurait tout le temps de le retrouver par la suite, ils ne s'étaient jamais vraiment perdus de vue depuis seize longues années : et ça n'allait pas commencer ce soir.
Megumi, en revanche, il avait bel et bien peur qu'elle ne disparaisse comme elle était apparue. Qu'elle ne soit qu'une illusion cruelle et éphémère, qui laisserait une empreinte éternelle dans son cœur et que personne ne pourrait jamais combler. Mais elle était réelle, n'est-ce pas ? Les fées n'existaient pas.

« Je suis désolée, c’est vraiment étrange, n’est-ce pas ? »

Comment lui dire qu'il ne trouvait pas ça étrange parce qu'il ressentait exactement la même chose ?

Il finit par lui lâcher la main, un peu confus, de peur d'attirer des regards indésirables. Mais s'ils ne manquaient à personne, juste pour une poignée de minutes, ils pouvaient...

« Je vous comprends, et c'est peut-être cela le plus étrange. »

Même si les mécaniques étaient presque trop naturelles à son goût.

« Le bruit m'incommode soudain. Voudriez-vous m'accompagner au dehors, si personne ne vous retiens dans cette salle ? »

Une discrète sortie par la porte de derrière. Rien de sous-entendu comme on en voyait chez les hommes assurés et séducteurs, juste une invitation candide qui ne cachait aucun motif autre que la délicatesse des sentiments. Yann n'était pas ce genre d'individu et ne le serait jamais. Presque trop sérieux pour considérer ce qui l'entourait.

Il lui tendit la main pour qu'elle lui signifie son choix. Qu'importe ce que les autres pouvaient en penser ou ce que la partie rationnelle de son esprit, pour l'instant anesthésiée, pourrait lui crier à son réveil.

C'était maintenant ou jamais.

La vie est toujours pleine de surprise, alors même lorsque l’on pense que tout va mal et va toujours aller mal, quelque chose de magnifique se produit, tel un miracle qui redonne tout son sens à celle-ci.

Megumi n’avait pas eu de chance dans la vie ces dernières années, alors elle s’était tenue à cette pensée que la vie cesserait d’être cruelle un jour, et lui offrirait son propre petit miracle. Etant une personne naturellement positive, il n’avait été nullement compliqué pour elle de croire que si elle sourit à la vie, celle-ci finira bien par lui sourire, c’est naturel, tout comme il est naturel que si l’on sourit à quelqu’un, cette personne aussi renfrognée soit-elle finira bien par sourire un jour en retour. Elle considérait ainsi la vie comme une personne capricieuse qui n’avait pas le sourire facile. Il fallait le mériter.
Aujourd’hui, aux yeux de la noble, le sourire de la vie prenait l’apparence de celui de Yann Van Kardell ; et quel magnifique sourire elle lui offrait. Un miracle, le mot ne semblait qu’à peine exagérer pour qualifier sa rencontre magique avec le jeune homme aux magnifiques yeux bleus. Il était littéralement tomber sur elle, là, d’un seul coup, au moment où elle s’y attendait le moins et il lui a fait oublier en l’espace de quelque secondes tous ses petits malheurs. De ce qu’elle en savait, c’était clairement ainsi que l’on définissait un miracle ; un événement extraordinaire, parfois même on parlait d’une intervention divine… Si c’était grâce à lui, Dieu lui offrait là un si beau cadeau qu’elle ne pourrait jamais assez prier pour le remercier.
A présent, elle devait être au niveau de cette grâce qui lui était accordée, ainsi se jura-t-elle de tout faire pour ne laisser s’échapper sa chance ; bien plus encore que pour être à la hauteur de ce qui lui était accordée, elle n’avait tout simplement pas envie de se séparer du garçon. Pour être honnête, la jeune femme était persuadée que si elle le laissait filer entre ses doigts pour une raison X ou Y, elle s’en voudrait absolument toute sa vie.

Elle n’est pas particulièrement blessée lorsqu’il lui lâche la main, plutôt déçue, et très rapidement elle se trouve vouloir retrouver cette chaleur si confortable dans sa main. Pour elle, cela n’avait pas duré assez longtemps, ne durerait jamais assez longtemps. Elle ne voulait simplement jamais lâcher cette main, et à plus forte raison, elle ne voulait jamais lâcher le Van Kardell, pas un seul instant.

« Je vous comprends, et c'est peut-être cela le plus étrange. »

Megumi n’est pas certaine qu’elle doit être soulagée ou perturbée par ses paroles. Il la comprend, il la comprend parfaitement comme elle s’y était curieusement attendue, et elle comprend qu’il puisse penser que c’est étrange. Pouvoir comprendre les pensées assez abstraites de quelqu’un que l’on vient de rencontrer, avoir cette sorte de connexion immédiate… Oui, la jeune fille avait beau ne pas être la plus brillante lumière, elle pouvait assimiler facilement ce que son cavalier signifiait avec ces mots.

« Le bruit m'incommode soudain. Voudriez-vous m'accompagner au dehors, si personne ne vous retiens dans cette salle ? »

Sur ces mots-ci, il lui tend de nouveau la main, cette main qu’elle avait été si déçue de lâcher peu auparavant. Quitter cette salle pleine de personnes pour ne se retrouver qu’avec lui, loin de toutes ces distractions ? Bien qu’elle se sentait déjà pratiquement seule avec lui malgré la foule qui les entourait tant il la captivait avec un simple sourire, maintenant qu’elle en prenait totalement confiance, leur comportement au milieu de la foule dansante pouvait être vu, interpréter et tout un tas de choses désagréable. Megumi avait envie que ce moment n’appartienne qu’à elle et le Van Kardell, ici, c’était impossible. Il y avait le bruit également, le bruit qui l’empêchait d’entendre cette merveilleuse voix qui lui faisait quitter la terre.
Elle ne vit absolument rien dans les paroles du garçon qui aurait pu en choquer d’autres, les mettre sur la défensive ; peut-être était-ce par naïveté, peut-être tout simplement parce qu’elle ne doutait pas un seul instant que les intentions de son cavalier étaient pures, et ce depuis le début. Il vivait exactement la même chose qu’elle, il en était tout aussi troublée, elle le savait, alors elle n’avait aucune méfiance à avoir à son propos – pas qu’elle en avait auprès de qui que ce soit qu’elle venait de rencontrer de toutes façons.

Yann Van Kardell était une personne bien, elle n’avait aucun doute là-dessus ; à lui elle pourrait donner tout sans concessions les yeux fermées et avec le sourire. Même son cœur.

C’est avec un plaisir non dissimulée qu’elle dépose sa main délicatement dans celle qui n’attendait qu’elle. Megumi n’a personne pour la retenir dans cette salle, et même s’il y avait quelqu’un, elle n’hésiterait pas à se dérober à cette personne pour profiter pleinement de son temps qu’elle savait limiter avec le jeune noble au charmant sourire. Sa place était à ses côtés ce soir, et peut-être même pour un long, très long moment.

« J’en serais absolument ravie. »

La jeune femme lui adressa un sourire radieux.
Alors c’était ce que cela faisait, de trouver la personne qui nous est destinée ? Elle qui avait si longtemps enviée ses amis pour avoir trouvé la perle rare, elle se rendait compte qu’elle l’avait fait à raison. C’était merveilleux, ce sentiment, tout simplement, il n’y avait pas de mots assez fort pour décrire ce que le simple fait d’être aux côtés du garçon lui faisait. Après l’avoir vécu, elle ne savait qu’elle ne pourrait plus s’en passer, et encore moins l’oublier.

Elle était aux anges, et elle se trouvait qu’à cet endroit, elle avait trouvé son ange gardien.

Son cœur fit un bond dans sa poitrine au contact tant attendu ; à tel point que Yann aurait pu jurer qu'il venait de s'en échapper, furieux comme un orage inopiné. Il faillit en oublier le lieu où ils étaient. La musique n'était plus qu'un arrière plan fade, des figures aux contours indistincts plaquées sur ce décor aux sons clairs. Jamais de sa vie il ne s'était autant moqué de la foule et du regard qu'elle pouvait poser sur lui. Les mots maladroits, les faux pas ? Que pouvait-il avoir à en faire ? Aujourd'hui, tout concernait Megumi et seul son avis lui importait. Mais les bruits et les murmures emplissaient sa tête, et il ne voulait pas que la migraine lui ôte cet instant magique. Pauvre garçon passif et docile, toujours prêt à faire ce que son père et ses amis attendaient de lui... Trop porté sur l'honneur et la théorie. Yann était un jeune homme qui en paraissait quarante de plus dans sa conversation.
Allez, pour une fois, il fallait être jeune. Vivre dans l'instant présent, prendre des décisions ! Tout ce qu'il méprisait d'ordinaire. Le beau regard de Megumi rendait tout tellement plus facile.

« J’en serais absolument ravie. »

Son sourire parlait pour elle ; le son de sa voix le fit fléchir. Il se reprit et mit toutes ses peurs et appréhensions de côté. Sois courageux, Yann, et guide la. Il referma doucement sa main sur la sienne et, après avoir mimé son sourire, hocha la tête. Il se tourna vers une porte, un peu perdu sans en avoir l'air. Le château était grand, quel pouvait être le chemin qui menait aux jardins ? De l'herbe ou une terrasse, qu'importe, un lieu où ils ne donneraient la réplique qu'aux grillons. Le côté tranquille et romantique (oh, comme il ne se souvenait pas le posséder auparavant !) ne supportaient pas l'idée d'oreilles indiscrètes collées à leur conversation. Ça ne regardait qu'eux.
Toujours avec cette impression ouatée de marcher en plein rêve, Yann entraina sa compagne hors de la salle et à travers divers dédales. Le tout était d'avoir l'air sûr de soi, ils finiraient bien par déboucher quelque part. Plusieurs fois, il s'invectiva intérieurement, mais pas au sujet de l'itinéraire à suivre. Il répétait à l'abri de son esprit ce qu'il allait pouvoir dire à Megumi, et rien ne lui semblait satisfaisant. Il était inquiet. C'était la première fois qu'il se jetait tête baissée dans une situation aussi particulière. Les bleus n'avaient jamais de grandes incidences, à peine quelques remontrances acides. Il y était habitué, pouvait y faire face sans broncher. Mais là...

Il jouait sa vie, n'est-ce pas ? Il en avait l'impression. Yann avait une boule à la gorge qui ne partait pas malgré toutes ses supplications. Il n'osait pas croiser le regard de la jeune fille, de peur qu'elle ne la fasse grossir. Ou peut-être de peur de s'y noyer et ne plus jamais refaire surface...

Ses envolées littéraires l'étonnaient. Il n'avait jamais été homme de mots, mais homme de calculs. Il lisait de la littérature et de la philosophie mais peinait à y entendre quoi que ce soit. Les sciences, logiques et tangibles, le rassuraient sans doute sans qu'il puisse se l'avouer clairement. Et Megumi, elle, semblait sortir tout droit d'un compte irréaliste et éphémère. Il avait peur qu'elle s'envole en fumée et le laisse là, seul et triste, accompagné du bruit entêtant de ses pas sur le carrelage et des rumeurs qui couraient le long des tapisseries brodées.

Il...

Megumi se laissa guider hors de la salle par son cavalier, se sentant aussi légère qu’une plume voltigeant au vent. Elle n’avait aucune envie de résister, aucune envie de s’opposer, aucune méfiance non plus – pas qu’elle soit naturellement la personne la plus méfiante au monde, mais jamais elle ne s’était sentie aussi à l’aise en compagnie de quelqu’un d’autre. Tout d’un coup semblait plus simple, les obstacles qui auraient pu se dresser devant eux s’écartaient tout naturellement pour les laisser passer. Bientôt l’agitation et la radiance de salle de balle se perdit alors qu’ils entraient dans un long dédale de couloirs, la musique seule persistant, ce que Megumi ne trouvait pas détestable, loin de là.
Elle trouva amusant l’espace d’un instant que ce fut le jeune homme qui la guida dans le château qui était sa demeure à elle, demeure dont elle connaissait les dédales par cœur. Peut-être aurait-elle dû prendre les rênes et le guider elle-même, mais l’idée de se perdre ne lui effleurait qu’à peine l’esprit.

Il trouverait sans aucun problème la sortie, elle avait absolument confiance en cela. Se perdre ne pouvait de toute manière pas arriver ; les couloirs les mèneraient toujours quelque part, et à un moment, à leur destination, quelle quel soit. Honnêtement, peu importe où ils allaient, la jeune femme était persuadée qu’elle serait ravie du résultat, du moment que lui était à ses côtés.
C’est fou à quel point quelqu’un peut vous combler juste par sa présence. Des amis qui la rendaient heureuse, elle en avait, elle ne se plaignait point, mais la sensation était bien trop différente. Le temps s’écoulait vite avec eux, mais elle n’avait pas l’envie d’attraper les minutes pour éviter qu’elles ne s’échappent, pour avoir plus de temps. Elle considéra le fait que c’était parce qu’il allait partir après ce soir – son cœur se serra douloureusement à la pensée-, sans pour autant réellement sélectionner l’idée comme réponse définitive. Non, en réalité, Megumi était pratiquement persuadée que même si elle pouvait voir Yann tous les jours, elle aurait toujours cette envie, cette sensation étrange. Le temps ne volerait rien à ses sentiments, jamais.
La jeune femme en était certaine, aussi certaine qu’1+1 font 2.

Elle laissa son regard vagabonder sur les nombreuses peintures et décorations, toutes plus magnifiques les unes que les autres. Pourtant, quelque chose manquait en son opinion, bien qu’elle n’arrive à mettre une raison sur ce manque. En reposant ses yeux sur le garçon qui la guidait avec confidence, elle comprit qu’il était la raison pourquoi toutes ces œuvres d’arts avaient soudainement l’air bien pâles, bien que la jeune noble les aient toujours admirées. A ces côtés elle avait à présent toute la beauté que ses yeux voulaient contempler, il n’y avait nul besoin de regarder dans une autre direction, car elle ne trouverait rien de mieux sur cette terre.
La pensée apporta aussi bien un grand sourire qu’un rougissement sur son visage. Diantre, que c’était embarrassant tout cela ! Mais elle ne pouvait nier que la perle rare était également très séduisante, pour sûr. Gardant le sourire aux lèvres, elle trouva la force de détourner le regard afin de regarder aux alentours, tentant de se repérer pour se faire au moins une idée de leur destination – au moins, cela la distrairait et elle n’aurait pas à tenter de calmer son cœur ainsi que faire disparaître la vive couleur tomate qu’elle était certaine d’arborer à ce moment même.

Combien de temps s’était écoulé depuis qu’ils avaient quitté la pièce ? Elle n’aurait su le dire, tout comme elle ne pouvait se repérer avec certitude, étrangement. Elle qui s’était toujours reposée sur son excellent sens de l’orientation, la voilà qui en étaient dépourvues.

Pas qu’elle s’en plaignait, la compagnie dans ce monde sans nord ni sud était plus qu’agréable.

KEUR: